10 septembre : « Le peuple cherche désespérément un moyen de se faire entendre » (H.fr-21/08/25)

L’avocat français et porte-parole des gilets jaunes François Boulo, le 17 janvier 2019, à Rouen (France).
© CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

Il a été l’une des voix du mouvement des gilets jaunes. François Boulo, ancien avocat et auteur de Reprendre le pouvoir, livre son analyse du mouvement social à venir et voit, dans ses ferments, une continuité évidente avec la colère qui s’était exprimée en 2018 sur les ronds-points et dans les beaux quartiers parisiens.

Entretien réalisé par Bruno RIETH.

Voyez-vous dans l’appel « à tout bloquer » le 10 septembre une suite aux gilets jaunes ?

Le parallèle est pour moi assez évident, car la colère qui traversait le pays en 2018 n’a pas diminué depuis, elle n’a fait que s’amplifier. Pour les gilets jaunes, tout a commencé par une étincelle : la hausse d’une taxe sur le carburant. Aujourd’hui, on observe un phénomène similaire avec la possible suppression de deux jours fériés.

La colère éclate souvent à partir d’un élément tangible, perçu comme injuste, avec cette idée qui revient constamment : ce sont toujours les mêmes qui paient. À chaque élection, le pouvoir en place est de plus en plus contesté, en particulier pour sa politique libérale, et pourtant rien ne change.

Emmanuel Macron et son premier ministre, François Bayrou, persistent à mener cette politique injuste, privilégiant la réduction des dépenses publiques, qui touche directement les classes précaires et moyennes, tout en évitant de taxer les plus riches.

Malgré une longue et intense mobilisation, le mouvement des gilets jaunes n’avait pas véritablement permis d’obtenir des résultats concrets. Craignez-vous que cette situation se répète ?

La différence majeure avec les gilets jaunes, c’est que, sept ans plus tard, les manifestants ont à la fois la légitimité de la rue et celle des urnes, contrairement à 2018 où Emmanuel Macron pouvait encore s’appuyer sur sa légitimité électorale. Aujourd’hui, il n’a plus aucune légitimité démocratique et encore moins pour imposer ce budget austéritaire ou poursuivre sa politique.

Le gouvernement de François Bayrou est un gouvernement minoritaire. Il suffit de regarder les résultats des élections législatives post-dissolution : les électeurs ont fait le choix d’élire deux tiers de députés opposés à sa politique. Mais Macron a décidé de refuser de l’entendre.

S’il avait voulu refléter les résultats électoraux, Emmanuel Macron aurait dû nommer une figure comme Lucie Castets à Matignon. Il a préféré composer un gouvernement sans majorité. Il suffirait d’ailleurs que le RN et le Parti socialiste cessent de trahir leurs électeurs et votent la censure du gouvernement Bayrou pour que tout s’arrête. Sans cette complicité, ce gouvernement serait impossible.

L’un des objectifs majeurs du mouvement pourrait être de faire tomber ce gouvernement et d’obliger Emmanuel Macron à prendre en compte les résultats des dernières élections. Il y a une volonté d’organisation autonome, mais si les syndicats veulent rejoindre le mouvement dans cette optique, ils seront bien accueillis, à condition qu’ils ne répètent pas l’erreur de 2018-2019, et qu’ils appellent immédiatement à la grève générale.

Ce nouvel appel reflète-t-il une fracture profonde entre le peuple et le pouvoir politique ?

Oui, et cette fracture avec le peuple remonte à de nombreuses années. Il y a eu le référendum de 2005 sur le traité constitutionnel, dont le résultat a été ignoré.

Et quand les citoyens se mobilisent, comme lors du mouvement des gilets jaunes, ils sont massacrés, par la police mais aussi dans les tribunaux.

Voilà le constat sur notre pays : les résultats des élections sont niés, les gens ont l’impression que voter ne sert plus à rien et que manifester est devenu un risque physique. Le peuple cherche désespérément un moyen de se faire entendre.

Reprendre le pouvoir, de François Boulo, éd. les Liens qui libèrent, 2022.

°°°

Source: https://www.humanite.fr/politique/conflit-social/10-septembre-le-peuple-cherche-desesperement-un-moyen-de-se-faire-entendre

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/10-septembre-le-peuple-cherche-desesperement-un-moyen-de-se-faire-entendre-h-fr-21-08-25/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *