
Il n’a que 37 ans mais en onze ans, le Brestois est devenu un spécialiste reconnu de la Seconde Guerre mondiale à Brest. Et engagé, avec l’obsession « d’entretenir la mémoire ». Il est à l’origine d’un site internet qui recueille plus de 1 000 résistants de l’arrondissement de Brest. Il travaille aussi à faire obtenir la médaille de la Résistance à ceux qui ne l’ont pas. Un travail de titan.
Par Laurence GUILMO.
« La bataille devait être rapide mais elle a tourné en un siège de 42 jours, dévastateur pour la ville », explique Gildas Priol, 37 ans, historien amateur, devenu spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance à Brest par passion.
Commencée le 7 août 1944, la bataille de Brest a duré sept semaines ! Les 40 000 Allemands dirigés par Ramcke, dont des parachutistes d’élite, ont opéré une farouche résistance. Un « acharnement » !
Brest était une ville stratégique pour eux. Son port abritait les U-boots, redoutables sous-marins. Et, à la Pointe Saint-Mathieu la batterie de Keringar – avec son blockhaus de cinq étages – empêchait tous navires alliés de s’approcher. Ses canons de 28 cm pouvaient atteindre une cible à près de 30 km.
Pour les Alliés aussi, Brest, port en eau profonde, était un objectif important. Les généraux Middleton et Patton espéraient la reprendre rapidement afin de l’utiliser comme base logistique. 50 000 Américains, appuyés par 4 500 résistants FFI, se sont lancés dans la bataille avec l’appui des avions qui ont pilonné la ville de bombardements incessants. Un long siège, difficile et meurtrier. Le 19 septembre 1944, Brest est libérée mais elle est un champ de ruines. Ses infrastructures portuaires sont inutilisables. Brest a perdu toute valeur stratégique.
Un grand-père résistant
Gildas est tombé dans la marmite historique tout petit. Son grand-père, Roger Priol, résistant, membre des FFI, a participé à la bataille contre la batterie de Keringar. « Mon grand-père racontait souvent des anecdotes. Et avec mon père et mes oncles, on en parlait souvent. »
Un jour, en 2012, son aïeul lui montre une photo de son groupe de résistants. Tous sont morts, sauf lui… Les deux hommes décident de réaliser un livre avec ses souvenirs. Un par un, Gildas Priol a cherché l’identité des résistants, contacté leurs familles, recueilli des photos, témoignages et des documents. Le livre a été édité en 2014. Et distribué aux familles. « Elles étaient si émues, c’était indescriptible. L’impression d’être à côté de l’Histoire, de la toucher. »
Ému jusqu’à la moelle, fasciné, le jeune homme s’est alors senti investi comme d’une mission. « Ce qu’ont fait ces résistants, c’est admirable ! Il faut préserver leur mémoire. » Et la faire (re) vivre !
Il a su utiliser les réseaux sociaux pour communiquer mais aussi « demander de l’aide ». Un travail qui a débouché en 2019 sur la création d’une encyclopédie en ligne de la résistance de l’arrondissement de Brest (resistance-brest.net), qui contient 1 054 fiches, dont 988 rédigées par lui.
Un travail « pharaonique »
Autre chantier du passionné, diplômé d’un bac en logistique : faire obtenir la médaille de la Résistance française à des résistants décédés non reconnus. Recherche de comptes rendus de procès, de police, etc. Archives à Quimper ou Paris, Un travail « pharaonique », en lien avec l’ONACVG (Office national des anciens combattants et victimes de guerre) et l’Ordre de la Libération.
Un travail qui porte ses fruits. Par exemple, sur les 19 Brestois fusillés au Mont Valérien le 17 septembre 1943, trois n’avaient pas reçu la médaille de la résistance pour des raisons administratives ou familiales. Trois ans de démarches. Mais avec succès pour deux des trois. La médaille sera remise aux familles le 19 septembre, lors du 80e anniversaire de la Libération de Brest !
Devenir « intervenant mémoriel »
Depuis onze ans qu’il s’investit dans ses recherches ou au sein d’associations (ANACR, Souvenir français, Brest 44, etc.), Gildas Priol est en passe d’en faire son métier. Il a créé sa société baptisée Eñvor (mémoire en breton) pour devenir « intervenant mémoriel » dans les établissements scolaires, collectivités, et maisons de retraite. Objectif : des présentations sur la Seconde Guerre mondiale mais en privilégiant un aspect local. « Toutes les communes ont été touchées de près ou de loin et elles ont envie d’entretenir cette mémoire. J’amène des objets de la guerre, qui « parlent » aux gens. L’histoire devient palpable. »
Même s’il ne connaît plus de témoins directs de l’époque (ils sont décédés), il continue de collecter des documents. « J’oriente des familles qui ont des archives vers les structures qui vont conserver leurs fonds. »
Ainsi, les 400 photos de l’abbé Branellec sur l’occupation et les destructions à Brest ont été numérisées. Elles seront exposées pour la première fois lors des Journées du patrimoine les 21 et 22 septembre.
L’infatigable Gildas Priol a participé à la labellisation d’une trentaine d’événements pour les commémorations de la Libération en Finistère, à la préfecture. « Un honneur », apprécie-t-il. Dans des organismes souvent composés d’anciens, il est le plus jeune. « Je dénote complètement », s’amuse-t-il, avec sa sympathie habituelle.
« Je le fais pour tous ces résistants qui n’ont plus voix au chapitre. »
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