
Le projet de loi de finances (PLF) présenté par le premier ministre Sébastien Lecornu prévoit de réaliser 30 milliards d’euros d’économies au détriment des classes moyennes et des plus modestes.
Par Cécile ROUSSEAU, Naïm SAKHI, Anthony CORTES, Hélène MAY.
Sous prétexte de refaire passer le déficit public sous la barre des 5 %, le premier ministre défend un budget d’austérité multipliant les attaques tous azimuts qui risque d’avoir des effets délétères sur le quotidien de millions de Français. Depuis les coupes dans la politique de l’emploi jusqu’à la nouvelle purge visant les collectivités locales, inventaire non exhaustif.
Des niches rabotées au détriment de la population
Si les pistes budgétaires sont approuvées par le Parlement, les Français seront lourdement mis à contribution à travers la suppression de niches fiscales. Au total, 23 des 474 niches que compte le budget sont concernées. L’exécutif espère y trouver 5 des 30 milliards d’économies prévus. Certaines auront des effets marginaux tant elles sont insolites, comme la fin des exonérations attachées aux décorations telles que la Légion d’honneur ou les prix Nobel.
D’autres toucheront directement les Français. À commencer par la fiscalisation des indemnités journalières versées au titre des affections longue durée (ALD). Près de 26 % de la population pourrait être ainsi pénalisée par un recentrage de ce dispositif sur les pathologies « importantes », avec à la clé de « nouveaux parcours de prévention ».
S’agissant des retraités, le gouvernement confirme la fin à l’abattement fiscal de 10 % dont ils bénéficient depuis 1978. Le dispositif sera remplacé par un abattement forfaitaire de 2 000 euros pour un ménage célibataire et 4 000 euros pour les couples. « Les retraités sont aussi les premières victimes de l’explosion des frais de santé, en plus de la désindexation des pensions pour 2026 », déplore Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT.
Le syndicat appelle les retraités à une journée de manifestation le 6 novembre. Enfin, rognant sur les ambitions climatiques, le gouvernement prévoit la suppression progressive des avantages fiscaux sur les biocarburants. « On parle d’une hausse de la fiscalité allant jusqu’à 400 % en trois ans pour le E85 (superéthanol), immédiatement pour le B100. Et tout cela sans aucune concertation », tance Isabelle Weber, présidente d’EsteriFrance, le syndicat français des producteurs de biodiesel.
Plus de 500 postes liquidés à France Travail
Chez France Travail, 515 équivalents temps plein (ETP) devraient disparaître en 2026 pour contribuer aux 2,5 milliards d’euros d’économies à réaliser sur le ministère du Travail. « Ils avaient déjà essayé de supprimer 500 postes en 2024 mais n’avaient pas réussi à cause de la mobilisation, raconteFrancine Royon, déléguée syndicale centrale CGT. Ces pertes d’effectifs paraissent impossibles : la loi ”plein-emploi” donne déjà plus de boulot aux agents trop peu nombreux et engendre une perte de sens. »
Pour mettre en œuvre ces coupes claires, le gouvernement mise notamment sur le plan d’efficience proposé par la direction générale de France Travail, à base de reploiement d’agents des fonctions supports vers le terrain, d’utilisation de l’intelligence artificielle et de simplifications. L’objectif est de remplir les trois missions priorisées : l’obligation de 15 heures d’activité hebdomadaires pour les bénéficiaires du RSA, le contrôle de la recherche d’emploi et la prospection aux entreprises.
« On nous incite aussi à traiter les chômeurs, dont le nombre ne baisse pas, de manière collective et non plus individuelle, poursuit Francine Royon. Ces 515 suppressions de postes vont encore accélérer le recours aux opérateurs privés de placement (OPP) et préparer le terrain à notre privatisation. » L’hécatombe ne s’arrête pas là.
Selon la Fédération des acteurs de la solidarité, 20 000 postes dans l’insertion par l’activité économique devraient être rabotés en 2026, soit 60 000 personnes de moins accompagnées. En cause, une baisse du budget global de 14 % et ce,« malgré les engagements de lutte contre le chômage » de la part de la Macronie.
Logement : 108 millions d’économies sur le dos des plus pauvres
Premier poste de dépense des Français, traversé par une crise sans précédent depuis l’après-guerre, le secteur du logement est lui aussi mis à la diète dans le projet de loi de finances (PLF) 2026. Premier élément, la non-indexation des aides personnalisées au logement (APL), qui selon le gouvernement « permettra de réaliser une économie de 108 millions d’euros pour l’État, dont 54 millions d’euros du fait de l’absence de revalorisation ».
La mesure va affecter plus de 2 millions de ménages parmi les plus pauvres, le plafond pour accéder à cette aide étant équivalent au Smic. Pire, pour les étudiants extracommunautaires, l’APL est tout simplement supprimée. Un geste en direction du RN aux conséquences dramatiques. « Ces aides sont vitales pour ces étudiant.es qui vivent déjà dans des situations de précarité extrême », rappelle à l’AFP Léa Jules-Clément, cosecrétaire générale du syndicat l’Union étudiante.
Autre cible des coupes, le logement social. En raison du désengagement de l’État, il devrait voir « ses dépenses augmenter de 550 millions d’euros par rapport à l’année précédente et ses aides à la rénovation diminuer de 200 millions, soit au total 750 millions d’euros de moyens en moins pour entretenir, rénover et construire », fustige l’Union sociale pour l’habitat (USH). Une coupe qui s’ajoute au système de prélèvement des fonds des organismes adopté depuis 2018 et qui dans le nouveau projet de loi de finances « atteindrait le niveau record de 2,175 milliards d’euros ».
Purge massive pour les collectivités locales
C’est devenu une habitude en Macronie : cibler les collectivités locales. Si le PLF 2025 leur a coûté 5,7 milliards d’euros d’économies, selon une estimation de France urbaine, bien loin des 2,2 milliards fixés initialement, le budget 2026 n’épargnera pas non plus les communes, intercommunalités, départements et autres régions. Bien au contraire : Sébastien Lecornu exige de leur part une « contribution à l’effort national » de 4,7 milliards.
Un chiffre largement sous-estimé à en croire André Laignel, président du Comité des finances locales (CFL) et maire d’Issoudun (Indre), qui estime qu’il faut ajouter à ce chiffre 1,4 milliard d’euros de hausse des cotisations de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) prévue en 2026, 500 millions d’euros de rabotage du Fonds vert, qui les accompagne dans les projets de transformation écologique, 700 millions d’euros de crédits en moins pour l’Agence nationale de l’habitat (Anah), sans oublier 90 millions d’euros retirés pour les agences de l’eau.
Une « purge massive », selon l’élu, qui devrait s’établir au-dessus des 8 milliards d’euros. L’Association des petites villes de France (APVF) a une estimation plus élevée encore de ces coupes drastiques : « près de 10 milliards d’euros » en comptant « les mesures qui touchent les collectivités d’outre-mer, et d’autres missions budgétaires (cohésion des territoires, culture, sport…) ».
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