La ministre du Travail vend la mèche (IO.fr-31/01/25)

photo AFP

La ministre du gouvernement Bayrou, Mme Panosyan-Bouvet s’attaque aux principes fondateurs de la Sécurité sociale, aux retraites. La Sécurité sociale de 1945 c’est le contraire de l’assurance privée ! Tandis que Bayrou donne son programme sur LCI.

Par Nicole Bernard

« Le financement de la protection sociale aujourd’hui incombe trop aux entreprises et aux travailleurs », a déclaré la ministre du Travail du gouvernement Bayrou, Astrid Panosyan-Bouvet, le 21 janvier, sur TF1.

Trop aux entreprises ? Rappelons que, entre 1991 et 2022, le taux des cotisations dites « employeurs » est passé de 42,6 % à 6,9 % pour un salaire au Smic.

Et la ministre de poursuivre : « Il y a différentes taxes et cotisations qui pourraient être envisagées sur les retraités qui peuvent se le permettre ». Les retraités présentent un grand avantage : ils ne font pas grève !

Mine de rien, c’est la nature même de la Sécurité sociale qui est en cause.

La ministre précise sa pensée : « Il y a un moment donné où il faut que cette charge soit mieux répartie sur l’ensemble de la population, surtout pour un risque, la dépendance, qui concerne très principalement les personnes âgées. »

Tout est dit. Ça, c’est la logique de l’assurance : vous êtes exposé à un risque ? Vous payez pour être protégé pour ce risque. Jusqu’à ce que les assurances ne veuillent plus vous assurer.

La Sécurité sociale, c’est exactement l’inverse. À la multiplicité des assurances (caisses pour les soins et la maternité, assurances pour les accidents du travail, caisses d’allocations familiales) a été substituée, en 1945, une caisse unique et une cotisation unique. La même pour tous1. Et aussi, une cotisation sur les salaires pour que les ressources augmentent automatiquement quand les richesses augmentent.

Et les retraités ?

Aujourd’hui, grâce aux gouvernements Rocard, Juppé et Hollande, les retraités payent :

– la contribution sociale généralisée (CSG) de 3,8 % à 8,3 % selon les revenus ;

– la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) : 0,5 % ;

– la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (Casa), de 0,3 %, qui n’est prélevée que sur les retraités et les invalides (puisque ce sont eux qui peuvent se trouver en perte d’autonomie).

C’est une rupture totale. En 1945, les retraités ne payaient rien, évidemment, puisque leur pension est financée par les cotisations des actifs.

À quelles prestations ont-ils droit ?

« Les titulaires d’une pension ou rente de vieillesse qui n’effectuent aucun travail salarié ont droit et ouvrent droit aux prestations en nature prévues à l’article 22 a, sans limitation de durée pour tout état de maladie. » (article 72 de l’ordonnance du 19 octobre 1945).

À qui ouvrent-ils droit ? À leur conjoint, par exemple, s’il n’est pas lui-même retraité.

À quoi ont-ils droit ? Aux prestations de l’article 22 a, c’est-à-dire « la couverture des frais de médecine générale et spéciale », etc.

La Sécurité sociale de 45, c’est donc le contraire de l’assurance. On n’est pas couvert si on paye. On est couvert parce qu’on a droit.

Inutile de dire que les patrons n’en voulaient pas. Ils ont hurlé dès le début contre « le caractère totalitaire du projet, absolument contraire aux idées de liberté, notamment en matière d’association, que la Libération a restaurées en France ». Entendre les patrons collaborateurs se réclamer des idéaux de la Libération fait un drôle d’effet !

Malgré l’union nationale incarnée dans les gouvernements de la Libération où droite et gauche siégeaient, le patronat n’a rien pu faire.

Ce sont ces principes fondateurs qui sont en cause aujourd’hui.

Ce n’est pas par hasard que le Medef veut remettre en discussion la retraite par capitalisation.

Rappelons ce que dit l’exposé des motifs de l’ordonnance du 19 octobre 1945 : « La pension n’est plus le résultat, ô combien aléatoire, de l’épargne, mais résulte des règles communes à tous les salariés du privé selon le nombre d’années d’activité et les salaires perçus. »

Ce sont ces questions qui se posent.

Bayrou donne son programme sur LCI

1/ Retraites à 64, 65 ou 66 ans
Le conclave sur les retraites (appelé parfois concertation par certains), est cadré par le discours du Premier ministre à l’Assemblée nationale le 14 janvier : ni abrogation ni suspension de la réforme des retraites.L e 27 janvier sur LCI, le Premier ministre a précisé l’objectif du conclave : « Travailler plus est une nécessité… Il n’y a aucun moyen de s’en sortir que d’avoir de plus en plus de gens qui travaillent quand ils sont séniors ».Et Bayrou a poussé ses exigences un cran plus loin : « J’espère que nous pourrons avoir des accords pour avoir plus de départs à la carte : je pars plus tôt avec moins, je pars plus tard avec plus… La retraite à points est plus souple, à la carte », vante le Premier ministre, « même si nous n’y arriverons pas maintenant… Ce n’est pas la même chose de partir à 64, 65 ou 66 ans dans un métier préservé ou non. »Chacun notera que la « retraite à la carte » (selon la pénibilité) pour Bayrou c’est choisir entre 64, 65, ou 66 ans ; et c’est la retraite par points chère à la CFDT.Dans tous les syndicats, dans toutes les instances en ce moment, se discute et s’exprime, de différentes manières, le refus de voir les syndicats prisonniers volontaires de ce conclave, venir cautionner les projets de Bayrou et du patronat.Des dirigeants partisans de siéger au conclave, ont expliqué : « Nous irons au conclave, nous rappellerons l’exigence d’abrogation des 64 ans, mais nous restons libres d’en sortir à tout moment si c’est une impasse ».

Aucun dirigeant syndical n’a annoncé sa sortie du conclave
Remarquons qu’une première session s’est tenue le 17 janvier, tous les dirigeants des confédérations étaient présents. Le patronat a bien précisé comment de son côté il verrouillait aussi les choses : « Le rendement de la réforme doit absolument être maintenu, et même augmenté car elle n’a pas réglé tous les déficits ».Bayrou vient de resserrer le nœud coulant du conclave vers la « retraite à la carte »… À ce jour, aucun dirigeant n’a annoncé sa sortie du conclave.Certains partisans de la participation au conclave ont argumenté : « Le syndicat ne doit pas pratiquer la politique de la chaise vide ». Ce à quoi un syndicaliste cheminot a répondu : « Ok, pas de politique de la chaise vide, sauf si c’est une chaise électrique ». Comment lui donner tort ?

2/ Chasse aux immigrés et austérité
Le quotidien Le Monde résume ainsi l’interview de deux heures du Premier ministre lundi 27 janvier : « François Bayrou donne des gages à la droite pour espérer durer à Matignon au-delà du vote du budget ».Bayrou (qui n’a pas eu en 2 heures, un mot sur l’écologie) a salué les « piliers » de son gouvernement : Messieurs Retailleau et Darmanin.Il a dit que les populations d’origine immigrée amenaient un « sentiment de submersion et de ne plus reconnaître son pays ». Il a fixé un objectif : que les apports étrangers « ne dépassent pas une certaine proportion ». François Bayrou a lié insécurité et immigration avec cet argument stupéfiant : il y aurait chez les Français le « sentiment » que ce sont les étrangers qui ne respectent pas la loi. Les grands médias des milliardaires, Bolloré, Saadé etc. répètent en boucle la même propagande raciste en sélectionnant certains faits divers… Bayrou en déduit un « sentiment » des Français et justifie ainsi des mesures contre la population d’origine immigrée. Écœurant !Mais Bayrou a précisé : « Il y a des métiers pour lesquels on ne trouve plus de Français qui veulent les occuper. Si des immigrés viennent travailler, ils doivent accepter de parler français et respecter nos principes de vie. »Ce qui veut dire, sans langue de bois, que les employeurs veulent dans plusieurs secteurs, pouvoir payer très bas les salariés, pour des conditions très dures. Les salariés non expulsables refusent de telles conditions. Avec la menace permanente d’expulsion, en multipliant les obstacles, les conditions, à toute régularisation des salariés d’origine immigrés, ceux-ci finissent et finiront par accepter ces conditions de misère.Bayrou a aussi approuvé la remise en cause du droit du sol à Mayotte et en Guyane.Bayrou a expliqué la voie qui s’ouvrirait si le budget 2025 est voté : « Une fois le budget adopté, alors nous allons partir à l’assaut, sans exception, de tous les problèmes que nous identifions et qui font aujourd’hui l’extrême difficulté du pays » pour préciser plus loin : « Non, les dépenses sociales ne sont pas tenables… Notre pacte social est le plus généreux du monde ».Ce que Bayrou appelle un « pacte social généreux », ce sont la Sécurité sociale, les retraites, les services publics arrachés au profit des multinationales en 1945, et constamment attaqués depuis.Qui peut prétendre, après l’interview de lundi 27 janvier, que le projet brutal de Macron-Bayrou contre l’immense majorité de la population n’est pas donné ?

Bruno RICQUE

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Source : https://infos-ouvrieres.fr/2025/01/31/la-ministre-du-travail-vend-la-meche/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/la-ministre-du-travail-vend-la-meche-io-fr-31-01-25/

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