Mine de lithium dans l’Allier : quel avenir pour le territoire ? (H.fr-2/06/25)

Un employé marche dans la mine à ciel ouvert de l’usine de lithium de la multinationale française de minéraux industriels Imerys à Echassières (Allier), le 17 janvier 2024.© OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

Alors que la firme Imerys promet emplois et transition écologique dans le cadre du projet d’exploitation d’Échassières, l’avenir du gisement questionne le futur industriel du territoire.

Par Elie POLSELLI.

Les chiffres sont vertigineux. Autour de 500 emplois créés pour sortir de terre 34 000 tonnes de lithium chaque année. En bout de ligne, 700 000 batteries lithium-ion doivent être produites par an, annonce Imerys, la société en charge de l’extraction et la conversion du minerai. Nommé Emili, ce projet qualifié d’intérêt national majeur s’inscrit dans la politique européenne de décarbonation des voitures pour 2035. L’immense mine, la deuxième du continent, doit être opérationnelle dès 2028.

Dans l’Allier, on veut éponger l’hémorragie industrielle du début du siècle. « La CGT ne s’oppose pas à Emili, mais ne soutient pas », résume Laurent Indrusiak (CGT). À plus de 300 mètres de profondeur, la qualité des contrats proposés est primordiale pour le syndicat. Le principal est de « s’assurer de la santé des futurs mineurs. Nous ne souhaiterions que des CDI qui respectent le Code minier », précise le secrétaire de l’union départementale.

500 futurs emplois pour la région

Face au risque de silicose, maladie respiratoire dite « du mineur », la CGT veut éviter d’exposer les intérimaires (moins protégés légalement) aux roches et poussières. Le syndicat plaide en faveur d’un suivi « post-exposition » pour accompagner les travailleurs.

En 2024, Imerys a d’ailleurs été jugée responsable pour son activité de talc aux États-Unis. « On sait qu’Imerys est une boîte cotée au SBF 120 (120 plus importantes sociétés cotées à Paris), qu’ils sont d’abord là pour faire de l’argent. Le but, c’est de continuer de revendiquer malgré celui que l’on a en face de nous », s’inquiète Laurent Indrusiak.

L’usine d’extraction devrait fonctionner de 7 heures à 22 heures et, pour l’acheminement vers Montluçon, le rythme devrait même suivre les week-ends. Aux côtés des cégétistes, Force ouvrière (FO) se dit prêt à « défendre les travailleurs contre les cadences infernales », explique Gaëlle Sipos, qui s’inquiète aussi de la santé des futurs mineurs.

Alors que la France compte produire 2 millions de voitures électriques en 2030, le Secrétariat général à la planification écologique estime que l’Hexagone utilisera 5 % des ressources mondiales de lithium. En 2023, 80 % de ce minerai en Europe était importé, selon Eurostat. « Dans tous les scénarios futurs, il va y avoir besoin de lithium. Dans l’absolu, autant que ça se fasse dans l’Allier, avec des normes françaises et européennes », maintient la responsable FO.

À l’étude, 55 trains de fret hebdomadaires « spécial lithium » sont envisagés pour relier Échassières à Montluçon. « Ce sont des emplois (environ cinquante selon les estimations) dans le ferroviaire sur vingt-cinq ou cinquante ans », souligne Sylvain Duvert, porte-parole de SUD rail Auvergne.

L’eau, au centre des débats

Rares sont ceux, dans l’Allier, qui critiquent ce projet. Mais pour Jérôme Duboeuf, de Solidaires, « aucun des voyants n’est au vert ». Le responsable syndical prévient des besoins conséquents en eau de la future exploitation. Selon les chiffrages d’Imerys, le mégaprojet nécessitera 2,5 m3 d’eau chaque année.

La Sioule, principal cours d’eau qui sera mis à contribution, devrait être prélevée de 1,3 m3 d’eau par an. « La rivière est susceptible d’être concernée par des épisodes de sécheresse qui doivent être anticipés », prévenait l’enquête publique réalisée en mars 2025. « Ce projet entend encourager la transition écologique, tout en bénéficiant à la troisième industrie la plus polluante. Nous ne voulons pas de cette frénésie », assène Jérôme Duboeuf.

De son côté, l’entreprise assure avoir étudié les conséquences possibles et affirme que l’impact est considéré comme faible, puisqu’« il n’est pas prévu de rejet d’eau directement dans le milieu naturel ». Les produits chimiques et potentiellement polluants seraient stockés de manière à « limiter les risques de pollution en cas de déversement accidentel ».

En 2018, l’agence Geoderis, rattachée au ministère de la Transition écologique, relevait que la mine d’Échassières était déjà surpolluée (classée E, le plus haut niveau de pollution). Laurent Indrusiak, de la CGT, reconnaît également qu’un doute subsiste sur les déchets polluants et sur l’utilisation de l’eau. Les rejets dans la nature seront pour lui « l’une des lignes rouges ».

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Source:https://www.humanite.fr/social-et-economie/lithium/mine-de-lithium-dans-lallier-quel-avenir-pour-le-territoire

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