« Certains collègues bossent ici depuis trente ans ! » : à Maisons-Alfort, Sanofi poursuit sa frénésie de cessions… Et sa course au profit (H.fr-15/07/25)

Le 10 juillet, près de 250 personnes sont venues soutenir les salariés de Sanofi, à Maisons-Alfort (Val-de-Marne) en grève illimitée depuis l’annonce de la cession du site à l’allemand Adragos Pharma. © ALAIN JOCARD / AFP

Les salariés de l’usine de conditionnement du Lovenox sont en grève illimitée depuis début juillet et l’annonce de la vente du site francilien à l’allemand Adragos Pharma. Travailleurs et syndicats craignent à terme pour le maintien des emplois.

Par Cécile ROUSSEAU.

Des mobilisations tous azimuts. Depuis l’annonce de la cession du site Sanofi de Maisons-Alfort (Val-de-Marne) à l’allemand Adragos Pharma prévue pour le premier trimestre 2026, la CGT enchaîne les actions : le 4 juillet, une grève illimitée sous forme de débrayages spontanés a été lancée. Le 10 juillet, un rassemblement avec plus de 250 personnes s’est tenu en présence de nombreux élus de gauche.

Via un courrier, le syndicat a également interpellé le premier ministre, la ministre du Travail et le ministre chargé de l’industrie pour dénoncer la vente de ce « maillon essentiel pour la sécurité sanitaire française, notamment en matière de formes injectables stériles ». Sans réponse à ce jour.

Si le futur acheteur assure qu’il garantira les 450 emplois pendant trois ans, que Sanofi s’engage à maintenir sa demande de Lovenox, l’anticoagulant mis sous forme pharmaceutique sur place, durant cinq ans, le compte n’y est pas. « Nos volumes de Lovenox vont baisser au fur et à mesure pour se réduire à peau de chagrin quand ceux de l’usine en Hongrie, où les seringues sont fabriquées trois fois moins chères, vont augmenter, souligne Nassim Bekhtaoui, délégué syndical central CGT. Sous le seuil de 100 millions de seringues par an, notre site n’est pas viable, or nous ne serons qu’à 80 millions en 2027… Adragos Pharma a beau nous promettre l’arrivée d’autres activités, ça ne sera pas avant 2028. À ce rythme-là, le plan social sera juste décalé dans le temps et réalisé par l’acheteur ! »

Grande bascule vers la biologie et recentrage vers les États-Unis

Celui qui travaille comme opérateur de conditionnement depuis vingt-deux ans à Maisons-Alfort refuse donc de voir la Big Pharma se désengager. « Certains collègues bossent ici depuis trente ans ! Nous voulons mettre en échec ce projet et rester au sein de Sanofi. Sinon, nous voulons être reclassés sur l’usine qui sera construite à Vitry-sur-Seine, pour laquelle le groupe promet d’investir 1 milliard d’euros. Nous portons également le projet d’un groupement d’intérêt public (GIP) », poursuit le cégétiste.

Cette cession serait la 25e engagée par Sanofi depuis 2009. Rien que cette année, trois sites dont celui de Maisons-Alfort sont sur la sellette. Les arguments de concurrence accrue des producteurs asiatiques d’anticoagulants depuis la crise sanitaire du Covid, dont les prix sont moins chers, sont réels, mais n’expliquent pas tout. « On sait que la demande de Lovenox est en baisse depuis 2021, le groupe aurait pu investir des dizaines de millions d’euros à Maisons-Alfort et le transformer pour accueillir des produits innovants, mais ils n’ont rien fait du tout ! dénonce Nassim Bekhtaoui. Ils préfèrent continuer à externaliser un grand nombre de produits de leur portefeuille considérés comme non porteurs pour le futur. »

Car pas question de ralentir la course effrénée au profit. D’ici à 2030, la Big Pharma s’est fixé comme objectif une augmentation faramineuse de 10 milliards d’euros de son chiffre d’affaires (il était de 41 milliards d’euros en 2024) et de 5 milliards pour ses bénéfices, notamment en lançant de nouveaux produits en immunologie et, dans une moindre mesure, sur les maladies rares.

« Il y a une grande bascule vers la biologie : les vaccins, les anticorps monoclonaux… tout ce qui n’est pas de la chimie. Il y a aussi un recentrage du cœur des activités de Sanofi vers les États-Unis, analyse Fabien Mallet, coordinateur CGT au sein du groupe. La recherche et développement (R & D) en Europe ne s’est pas orientée sur ces productions d’avenir… Et, comme ils veulent faire le plus de marge possible avec le moins de gens possible, la sous-traitance fait aussi partie de la stratégie. »

Au sein de la plus ancienne usine Sanofi de France, sortie de terre en 1948, la mobilisation, conçue pour toucher la production, continue de distiller de l’espoir. « Maisons-Alfort est un site qui fait du « remplissage” (qui met le produit dans un flaconnage injectable – NDLR), poursuit Fabien Mallet. Les salariés savent travailler dans des conditions particulières, dans des zones blanches (stériles). Ils sont ultra-qualifiés. Ils pourraient tout à fait être utilisés dans d’autres fonctions du même type. »

Selon lui, la configuration d’un rachat par Adragos Pharma va encore renforcer la pression du chiffre : « Le site va être mis en concurrence avec d’autres sous-traitants. Ce système ne peut pas durer que ce soit pour les employés comme pour les patients au bout de la chaîne. C’est à cause de cette concurrence exacerbée, de la concentration de centres de production qu’on se retrouve avec des pénuries de médicaments. »

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/big-pharma/certains-collegues-bossent-ici-depuis-trente-ans-a-maisons-alfort-sanofi-poursuit-sa-frenesie-de-cessions-et-sa-course-au-profit

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/certains-collegues-bossent-ici-depuis-trente-ans-a-maisons-alfort-sanofi-poursuit-sa-frenesie-de-cessions-et-sa-course-au-profit-h-fr-15-07-25/

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