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Alors que le sud du pays était secoué par des affrontements entre Druzes et Bédouins, l’armée syrienne est intervenue à Soueïda. Un bon prétexte pour Israël, qui occupe le plateau du Golan, d’attaquer la capitale et de se poser en défenseur de la communauté druze. Après un accord de cessez-le-feu conclu mercredi, le président syrien Ahmed al-Chareh a annoncé jeudi 17 juillet le transfert « à des factions locales et des cheiks » druzes la responsabilité du maintien de la sécurité à Soueida.
Pierre Barbancey
Le quartier général de l’armée syrienne, dont dépend le ministère de la Défense, qui se trouve à l’entrée de la place des Omeyyades a été la cible de missiles israéliens. Parallèlement, Israël annonçait le renforcement de ses troupes à la frontière avec la Syrie. Les « coups douloureux ont commencé », a posté le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, après cette attaque aérienne, dans un message sur X. Damas a vécu, ce mercredi 16 juillet, une journée à laquelle les habitants de la capitale ne s’attendaient pas. Depuis trois jours, ils avaient les yeux rivés sur le sud du pays.
Le 13 juillet, l’enlèvement d’un Druze par des Bédouins a mis le feu aux poudres. Les deux communautés ont commencé à s’affronter avant que l’armée régulière syrienne n’entre dans Soueïda, la ville principale du pays druze. Un véritable casus belli au vu des accords passés il y a quelques mois entre Damas et une partie des notables druzes, qui stipulent que la sécurité serait du ressort des autorités locales et de leurs troupes, en lien avec des responsables nommés par le pouvoir central. Mercredi matin, les affrontements entre l’armée syrienne et les milices druzes avaient fait 248 morts, accompagnés de pillages et d’exactions. Un cessez-le-feu trouvé mardi n’a pas été respecté et les affrontements ont repris le 16 juillet.
Israël jette de l’huile sur le feu
Mercredi après-midi cependant, le chef spirituel des Druzes de Syrie, le cheikh Youssef Jarboua, a confirmé « l’arrêt complet » des opérations militaires par toutes les parties à Soueïda. Selon l’agence syrienne Sana, un nouvel accord de cessez-le-feu a été conclu, avec le déploiement de points de contrôle de sécurité et la réintégration complète au sein de l’État. Le président syrien Ahmed al-Chareh a annoncé jeudi le transfert « à des factions locales et des cheiks » druzes la responsabilité du maintien de la sécurité à Soueida. « Nous avions deux options : une guerre ouverte avec l’entité israélienne aux dépens de notre peuple druze, de sa sécurité et de la stabilité de la Syrie et de la région tout entière, ou bien donner aux anciens et aux cheikhs druzes la possibilité de revenir à la raison et de donner la priorité à l’intérêt national », a-t-il déclaré lors d’une allocution télévisée.
Depuis l’avant-veille, Israël n’avait de cesse de jeter de l’huile sur le feu, celui-ci s’est propagé sans trop de mal. L’armée israélienne a annoncé mardi avoir mené des frappes contre des véhicules des forces syriennes, entrées à Soueïda. « Comme nous l’avons clairement indiqué et averti, Israël n’abandonnera pas les Druzes en Syrie et imposera la politique de démilitarisation » dans le sud du pays, a affirmé le ministre de la Défense, Israël Katz. L’envoyé spécial des États-Unis pour la Syrie, Tom Barrack, a condamné les attaques visant les civils dans la province de Soueïda.
Depuis le mois de décembre et la chute du pouvoir syrien, les Israéliens jouent la division en alimentant les dissensions communautaires, trouvant des hommes de paille (et de main) prêts à s’allier avec eux. Les minorités (druzes mais également alaouites, arméniennes, kurdes…) ressentent par ailleurs une profonde méfiance envers le gouvernement islamiste désormais au pouvoir.
D’autant que, depuis neuf mois, la région druze syrienne, avec sa ville principale Soueïda, est soumise à de multiples tensions, internes et externes. Celles-ci sont d’autant plus fortes qu’une partie du plateau du Golan, syrien, est occupée par Israël depuis 1967 (annexé en 1981).
Vers un éclatement de la Syrie ?
Tel-Aviv a vite compris comment il pouvait utiliser à son profit le nouveau climat créé par l’effondrement du régime baasiste. La stabilité de celui-ci dépendait, d’une part, d’une certaine autonomie laissée aux Druzes (la carotte) et, d’autre part, de la répression menée par ses fameux moukhabarat, le service de renseignements (le bâton).
Dès la fin de l’année dernière, le gouvernement israélien a poursuivi deux objectifs : d’une part démontrer à l’ensemble des Druzes (sur le Golan occupé, en Syrie et au Liban) qu’il était leur meilleur protecteur. D’autre part s’assurer un territoire plus important, en pénétrant plus avant en territoire syrien et en prenant possession de l’ensemble du mont Hermon, place stratégique.
Les buts exacts recherchés par Israël sont peu clairs. Pourquoi bombarder Damas alors qu’un processus est en cours visant à aboutir à la normalisation des relations entre les deux pays ? Les États-Unis ont levé les sanctions contre le pays, l’organisation autrefois classée « terroriste » Hayat Tahrir al Cham (HTC), dirigée par Ahmed al Charaa, aujourd’hui président du pays par intérim. Ce dernier n’a jamais tenté, en neuf mois, de chasser l’armée israélienne qui s’est implantée dans le sud.
Visiblement, Benyamin Netanyahou recherche l’instabilité qui empêcherait tout pays de se construire et de devenir une force régionale incontournable. Il n’est pas question ici de lutte contre les islamistes puisque Israël les a aidés dans leur guerre contre Bachar al-Assad. Il veut plutôt jouer sur les points sensibles de la société syrienne tout en donnant un signal régional. Quoi de mieux qu’activer les antagonismes communautaires ?
L’avantage est double puisqu’il obérerait le développement du pays tout en activant des forces susceptibles de remettre en question l’État nation. Enfin, dans cette guerre permanente, Israël trouvera toujours les États-Unis et une bonne partie de l’Europe à ses côtés.
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