Que va changer la reconnaissance d’un État palestinien par la France ? (FranceInfo-ICI-25/07/25)

Emmanuel Macron a annoncé qu’il reconnaîtra formellement un Etat de Palestine lors de l’Assemblée générale des NU

Par Frédéric SAYS

Emmanuel Macron a annoncé jeudi que la France reconnaitra l’État de Palestine lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, au mois de septembre. Quel impact juridique concret cette décision peut-elle avoir ? ICI fait le point avec la rédaction internationale de Radio France.

La France va reconnaître l’État de Palestine en septembre à l’ONU, a annoncé jeudi Emmanuel Macron, suscitant les critiques d’Israël et de son allié américain, et divisant la classe politique française. Cette décision intervient dans un contexte d’urgence humanitaire à Gaza, où Israël impose depuis mars un blocus total. « L’urgence est aujourd’hui que cesse la guerre à Gaza et que la population civile soit secourue », a souligné le président français sur X. L’Élysée fait valoir que cette reconnaissance doit permettre une « contribution décisive à la paix au Proche-Orient ».

Mais que peut-elle changer concrètement ? ICI fait le point avec la rédaction internationale de Radio France.

Créer une dynamique collective

Le 19 mai, le Royaume-Uni, le Canada et la France avaient ouvert la voie à une éventuelle reconnaissance dans une déclaration commune, et le 10 juillet, en visite au Royaume-Uni, Emmanuel Macron avait appelé à une reconnaissance commune de l’État de Palestine par la France et le Royaume-Uni, sans succès pour l’heure.

Mais la diplomatie française veut croire que l’annonce du chef de l’État français peut avoir une influence. D’une part parce que la France est membre du Conseil de sécurité de l’ONU et du G7, ce sera d’ailleurs le premier pays du G7 à reconnaître l’État palestinien. D’autre part, Paris espère que sa décision entraînera celles d’autres pays occidentaux. En mai 2024, l’Irlande, l’Espagne et la Norvège, rejointes un mois plus tard par la Slovénie, avaient déjà franchi le pas. Les Européens restent cependant divisés sur cette question, l’Allemagne, notamment, dit « ne pas envisager de reconnaître un État palestinien à court terme. »

Des conséquences juridiques limitées

« D’un point de vue du droit international pur, la reconnaissance n’a qu’une valeur déclarative », explique Insaf Rezagui, docteure en droit international public, chercheuse associée du Centre Thucydide (université Paris-Panthéon-Assas) et à l’Institut français pour le Proche-Orient à Jérusalem, sur France Culture. « En droit international, c’est la convention de Montevideo de 1933 qui, dans son article premier, définit ce qu’on entend par un État, » précise l’universitaire. « Il faut quatre critères :  un gouvernement (…)  un territoire (…) une population, donc le peuple palestinien en l’occurrence qui a été reconnu de tous y compris par Israël dans le cadre des accords d’Oslo. Et enfin un quatrième critère, qui est la capacité à entrer en relation avec la société internationale, des États et des organisations internationales. »

À date, plus de 140 pays dans le monde reconnaissent déjà l’État palestinien, sans que cela ait d’effet sur le terrain. Toutefois, la décision française n’est pas que symbolique ou inutile estime Romain Le Bœuf, professeur de droit international à l’Université d’Aix-Marseille, interviewé par Télérama (Nouvelle fenêtre) : « La reconnaissance ou la non-reconnaissance d’un État est sans effet sur ses droits et ses obligations internationales. » Mais « en pratique, tant qu’un État n’est pas reconnu, il est peu probable que ses droits soient respectés », défend ce spécialiste.

Un outil diplomatique au service de la solution à deux États

Sur le terrain précisément, l’existence d’un État palestinien souverain semble plus que jamais s’éloigner : Gaza fait l’objet d’un blocus total depuis mars et en Cisjordanie, les checkpoints tenus par l’armée israélienne se multiplient – il en existe près de 900 aujourd’hui, sur un territoire de 5.000 km². En mai dernier, le gouvernement israélien a annoncé la création de 22 nouvelles colonies illégales en Cisjordanie.

La diplomatie française veut cependant voir dans cette reconnaissance de l’État de Palestine « un outil diplomatique au service de la solution à deux États vivant côte à côte, en paix et en sécurité ». Paris ne récompense pas le mouvement islamiste palestinien, mais lui « donne tort », a défendu ce vendredi le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot. « Le Hamas a toujours refusé la solution à deux États. En reconnaissant la Palestine, la France donne tort à ce mouvement terroriste. Elle donne raison au camp de la paix contre celui de la guerre », a-t-il écrit sur X.

La France coprésidera en septembre avec l’Arabie saoudite une conférence internationale au niveau des chefs d’État et de gouvernement visant à relancer la solution dite « à deux États », palestinien et israélien. Dans l’intervalle, une réunion au niveau ministériel se tient lundi et mardi à New York. Paris « mobilisera tous ceux de ses partenaires internationaux qui souhaitent y prendre part », a écrit vendredi Emmanuel Macron au président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.

Début juin, Mahmoud Abbas s’est engagé à une démilitarisation du Hamas, et à organiser des élections législatives et présidentielle en 2026 afin de « renforcer la légitimité » de l’Autorité palestinienne dans le cadre d’un futur Etat palestinien, rappelle Emmanuel Macron dans sa lettre. Ryad a salué une décision « historique » de la France et a appelé les autres pays à prendre « des mesures positives similaires ».

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Source: https://www.francebleu.fr/infos/international/que-change-la-reconnaissance-d-un-etat-palestinien-par-la-france-decidee-par-emmanuel-macron-4861483

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