
« La révolution socialiste en Europe ne peut pas être autre chose que l’explosion de la lutte de masse des opprimés et mécontents de toute espèce. Des éléments de la petite bourgeoisie et des ouvriers arriérés y participeront inévitablement – sans cette participation, la lutte de masse n’est pas possible, aucune révolution n’est possible – et, tout aussi inévitablement, ils apporteront au mouvement leurs préjugés, leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses et leurs erreurs. »
Lénine écrivait ces lignes en 1919.
En 2025 rien ne nous semble prévoir une révolution socialiste en Europe. Mais en revanche la lutte des classes se poursuit et de luttes sociales ont lieu comme la grande grève en Grande-Bretagne qui a contribué grandement à la défaite du Parti conservateur. Ou comme la grande mobilisation en faveur de la retraite à 60 ans ou, avant, le mouvement des Gilets jaunes.
En ce moment des appels à bloquer le pays le 10 septembre prochain circulent massivement sur les réseaux sociaux. Lancé par le collectif « Mobilisation10septembre », il est relayée sur les réseaux sociaux. Les médias s’en font l’écho. Cette initiative s’adresse à ceux qui refusent la politique d’austérité que le gouvernement Macron-Bayrou veut mettre en place et qui s’inscrit dans le cadre d’une politique de « réarmement » exigée par l’exécutif étasunien, son bras armé l’OTAN et les gouvernements bourgeois d’Europe. Le beurre ou les canons. Le pouvoir a choisi les canons.
Cela étant avaler de l’acier est indigeste: suppression de deux jours fériés, coupes dans les services publics, en particulier santé et éducation, gel des prestations sociales, négation de toute politique environnementale, insensibilité au génocide à Gaza ou à la reconnaissance de la dignité du peuple Kanak…Tout ça a du mal à passer.
D’autant que le peuple n’a pas donné à ce gouvernement de droite et minoritaire la légitimité démocratique d’agir dans ce sens. On peut même dire le contraire puisque la force arrivée en tête il y a un an, aux législatives, fut le Nouveau Front Populaire. Et on peut même considérer que, contrairement au RN vendue au capital, une partie de sa base a des aspirations sociales. Bref cette majorité populaire qui s’était exprimée en 2004 lors du référendum.
La puissante mobilisation pour défendre les retraites et la lutte de Gilets jaunes qui furent à terme fatales à la Macronie nous permettent d’envisager que ce blocage du pays auquel le « 10 septembre » appelle est une possibilité.
Or face à de tel mouvements l’expérience nous montre que les forces d’émancipation doivent être présentes.
Avec les Gilets jaunes l’attitude des syndicats, y compris de la CGT d’alors, avait été décevante, pour ne pas dire lamentable. Attitude partagée avec la gauche institutionnelle. Sous prétexte qu’il y avait dans ce mouvement des complotistes ou des gens d’extrême-droite, la petite partie fut prise pour le tout du mouvement. Snobé, méprisé au moins à ses débuts. Après il était trop tard pour établir des liens de confiance.
Certes la responsabilité est partagée avec certains porte-paroles des GJ qui ne voulaient pas entendre parler des organisations syndicales et politiques. Mais dans de telles situations on débat et pour débattre on participe. On démontre concrètement, dans la lutte, que l’on est du côté de ceux qui refusent ce plan d’austérité même s’ils sont idéologiquement gazeux. Côte à côte, on frappe ensemble.
Et on ne laisse pas le terrain aux agitateurs d’extrême-droite, aux racistes, aux complotistes qui tentent toujours de récupérer de tels mouvements. C’est même une raison de plus pour en être et les combattre. Déjà une frange militante pousse à occuper le terrain, plutôt que de le laisser à d’autres. En 2018, on disait déjà que le mouvement était incohérent. Et pourtant, il a bousculé le pouvoir. Un pouvoir qui était pourtant plus fort, avec une majorité à l’Assemblée. Aujourd’hui entre la Macronie agonisante, la droite divisée et radicalisée, un grand mouvement populaire peut bousculer les plans de la bourgeoisie y compris l’union des droites de la Macronie au RN.
Les syndicats ne peuvent pas se contenter de se réunir le 2 septembre (CGT) ou le 8 (l’intersyndicale). C’est aujourd’hui qu’ils doivent s’exprimer et évitant les fautes politiques de 2018. La question du leadership d’un mouvement se règle dans le mouvement, pas pour des raisons doctrinaires, mais par la capacité de se montrer capable et digne d’avoir ce rôle. Le « paternalisme syndical » n’a plus sa place à notre époque. Son rôle le syndicat doit le conquérir à chaque combat.
La gauche politique frémit. Mais il faut aller plus loin: quel argument peut-on présenter au fait que la gauche se doit d’être aux côtés de ceux qui se disent disposé à lutter contre l’austérité et la casse sociale? Que la mayonnaise prenne ou ne prenne pas le 10 septembre, la gauche doit montrer qu’elle est la seule issue politique de la crise, qu’elle rassemble toutes celles et tous ceux qui veulent plus de justice sociale, de démocratie et aspirent à la paix. Depuis le lieu idéologique et politique où ils se trouvent.
La « révolution citoyenne » commence parfois ainsi…avec des citoyens.
Antoine Manessis
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