Augmentation de TVA de 5,5 % à 20 % sur les abonnements de gaz et d’électricité : « On nous vole l’accès à l’énergie pour financer les errances du marché ! », interpelle Fabrice Coudour-CGT (H.fr-1/08/25)

« Notre programme préconise la renationalisation du secteur, la sortie des marchés de l’énergie et une TVA à 5,5 % sur l’ensemble de la facture. » © Jean-Pierre Nguyen Van Hai-Barbier/ABACAPRESS.COM

Après l’augmentation, ce 1er août, de la TVA de 5,5 % à 20 % sur les abonnements de gaz et d’électricité, Fabrice Coudour, secrétaire général de la Fédération Nationale des Mines et de l’Énergie (FNME-CGT) dénonce « un hold-up à grande échelle » et appelle à la mobilisation.

Entretien réalisé par Emilien URBACH.

La TVA sur les abonnements de gaz et d’électricité est passée, ce 1er août, de 5,5 % à 20 %. Pour s’aligner sur les directives européennes, le gouvernement aurait tout aussi bien pu faire un autre choix, comme abaisser la TVA sur la consommation d’énergie à 5,5 %. Le sénateur communiste, Fabien Gay, a déposé une proposition de loi, début juillet, pour aller dans ce sens mais le gouvernement persiste et signe dans sa logique austéritaire et libérale. Pour Fabrice Coudour, secrétaire général de la Fédération Nationale des Mines et de l’Énergie (FNME-CGT), ce choix injuste et inégalitaire appelle une réponse forte, par la grève, à la rentrée, « pour gagner la baisse des factures pour les usagers et l’augmentation des salaires pour les travailleurs de l’énergie. »

Dans quel cadre cette hausse de la TVA sur l’énergie a-t-elle été décidée ? Est-ce uniquement une décision budgétaire du gouvernement ou est-ce que cela va plus loin ?

Cette décision va bien au-delà d’un simple ajustement budgétaire. C’est un véritable hold-up à visage découvert. C’est un racket à grande échelle passé de manière assez discrète dans la dernière loi de finances. L’augmentation de la TVA concerne spécifiquement la part abonnement de la facture, c’est-à-dire la part fixe, tandis que la part variable, celle de la consommation, est déjà à 20 %. L’Europe a demandé une uniformisation des taxes sur les factures, car il n’est pas possible d’avoir deux TVA différentes sur la même facture. Au lieu de baisser la TVA sur l’ensemble de la facture à 5,5 %, le gouvernement a choisi d’augmenter la TVA de l’abonnement pour la porter à 20 %.

Cette augmentation sur la partie fixe de l’abonnement représente un milliard et demi d’euros de plus pour l’État, c’est un choix délibéré pour renflouer les caisses dans la droite ligne du budget Bayrou. Ce qui est fondamental, au-delà de l’aspect financier, c’est que cette mesure change la considération de l’électricité et du gaz d’un point de vue fiscal. Le passage de 5,5 % à 20 % signifie que l’énergie n’est plus considérée comme un bien de première nécessité, mais comme un bien marchand. L’abonnement, qui est un droit de péage pour accéder à l’électricité ou au gaz, est désormais traité comme un bien de consommation ordinaire. C’est un changement de philosophie que nous contestons fermement car c’est un vol de l’accès à l’énergie de tous les usagers.

Quelles sont les conséquences pour les consommateurs ?

C’est complètement inégalitaire et injuste fiscalement. Cela va accroître la précarité énergétique, car pour avoir une facture similaire, un ménage qui a déjà du mal à payer devra baisser sa consommation pour compenser l’augmentation de la part fixe – quoi qu’en dise le gouvernement. Nous estimons, en outre, que cette hausse pourrait entraîner une baisse de la consommation nationale d’environ 3 %. C’est donc un choix qui va aussi à l’encontre de la transition énergétique car il va à l’encontre des transferts d’usage du fioul vers le gaz et du gaz vers l’électricité. De plus, les consommateurs de gaz sont les plus pénalisés, car les mécanismes mis en place pour baisser la part consommation ne s’appliquent qu’à l’électricité.

En France, la consommation des deux énergies est à peu près identique, et nous avons besoin des deux. Ces deux énergies ne s’opposent pas, elles se complètent. L’une ne peut pas compenser l’autre d’un claquement de doigt. Tout le monde, par ailleurs, paie déjà cette hausse de la TVA depuis le 1er février. C’est un tour de passe-passe. Le gouvernement a anticipé la hausse en augmentant l’accise de 50 %, puis en la baissant de 10 % tout en y transférant une partie du TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité). Cette manœuvre a permis de rendre l’augmentation moins visible, mais les usagers paient déjà, in fine, la TVA plus élevée depuis le 1er février.

En plus, pour les gros consommateurs, les factures vont peut-être baisser légèrement mais pour les petits, elles vont augmenter de façon certaine…

En effet. On nous vole l’accès à l’énergie en la transformant en bien de consommation, alors qu’elle était considérée comme un bien de première nécessité. Les justifications pour une TVA réduite en 1989 reposaient sur l’intérêt du service public et le pouvoir d’achat des usagers, ce qui a été totalement oublié. Les hausses des taxes servent en réalité à faire payer aux usagers le bouclier tarifaire et les « errances du marché ».

Depuis plus de 25 ans d’ouverture des marchés de l’énergie, les factures n’ont fait qu’augmenter alors que le coût des matières premières ou de production n’a pas tant bougé. Le marché de l’énergie ajoute un coût supplémentaire qui ne produit rien.

Ce coût du marché a-t-il été chiffré ?

Oui, à plus de 15 % du total de la facture. Tout le monde fait le constat d’échec du marché mais le gouvernement, fidèle à sa ligne tant libérale qu’austéritaire, fait le choix d’alimenter l’hémorragie ! Les collectivités locales sont également dupées par ce système. Le FACE (Fonds d’amortissement des charges d’électrification) est une redevance que les collectivités perçoivent d’Enedis pour investir dans l’entretien des réseaux. Une partie de cette redevance, qui faisait partie du TURPE, a été transférée vers l’accise. Si cette redevance vient à baisser, les collectivités devront soit augmenter les impôts locaux pour compenser, soit laisser le réseau se dégrader. Dans tous les cas, ce sont les usagers qui paient au bout du compte.

Quelles réponses apporter ?

À la FNME-CGT, nous portons le Programme progressiste de l’énergie depuis 2018. Il fait suite à nos revendications d’un pôle public de l’énergie dès les années 2000. Nous portons donc de très longues dates la baisse des factures et les renationalisations. Certains partis politiques – d extrême droite – ont donc beau jeu de dire que nous porterions leur programme alors qu’ils n’ont découvert, par opportunisme et populisme, la TVA qu’aux moments des présidentielles de 2022…

Notre programme préconise la renationalisation du secteur, la sortie des marchés de l’énergie et une TVA à 5,5 % sur l’ensemble de la facture. Notre modèle permettrait aux usagers d’économiser 25 % sur leur facture tout en revalorisant les salaires des agents de l’énergie, tout en finançant les renationalisations et les investissements nécessaires pour l’avenir. C’est possible ! Et personne ne peut le contester. Nous avons déposé, au Sénat avec le sénateur communiste Fabien Gay, une proposition de loi qui imposerait l’abaissement de la TVA pour l’électricité et pour le gaz.

Un autre sénateur communiste, Ian Brossat, a même évoqué une TVA à 0 % sur les produits de première nécessité…

La TVA à 5,5 % est une étape, mais si l’électricité et le gaz sont de vrais biens de première nécessité, alors la TVA devra être à terme à 0 %. Nous appelons à la grève à partir du 2 septembre pour avancer dans cette direction. C’est une action pour la baisse des factures et l’augmentation des salaires des agents. Ces deux revendications ne s’opposent pas, car ce qui coûte cher, ce n’est pas le salaire, mais le marché et les dividendes. Même si pour l’instant, nous sommes concentrés sur notre appel que nous avons acté dès le mois de juin, il n’est pas en opposition avec ceux qui se font entendre pour le 10 septembre. Nous pensons que pour faire un grand mouvement social, rien ne s’oppose. Pour faire un grand brasier, il faut allumer plusieurs feux. Il y en a marre de se battre pour éviter de perdre, en septembre nous nous battrons pour gagner des avancées.

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Source: https://www.humanite.fr/societe/cgt-mines-energie/augmentation-de-tva-de-55-a-20-sur-les-abonnements-de-gaz-et-delectricite-on-nous-vole-lacces-a-lenergie-pour-financer-les-errances-du-marche

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/augmentation-de-tva-de-55-a-20-sur-les-abonnements-de-gaz-et-delectricite-on-nous-vole-lacces-a-lenergie-pour-financer-les-errances-du-marche/

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