Budget 2026 : la contestation des médecins du travail face aux mesures d’austérité de François Bayrou (H.fr-4/08/25)

En Île-de-France, environ 100 000 visites de reprise sont réalisées chaque année.© DR

Alors que François Bayrou a ciblé la médecine du travail dans ses mesures d’économie, les blouses blanches dénoncent une méconnaissance de leur spécialité, notamment concernant la visite de reprise.

Par Cécile ROUSSEAU.

Les services de santé au travail n’ont pas échappé aux coups de boutoir. Le 15 juillet, en annonçant un torrent d’économies, François Bayrou a jugé nécessaire qu’un salarié en arrêt maladie puisse retourner au travail sans voir le médecin du travail. 

Selon lui, « comme nous manquons cruellement » de ces spécialistes, « des dizaines de milliers de personnes qui souhaiteraient reprendre le travail en sont empêchées (…), c’est absurde. À l’exception des maladies professionnelles et des accidents du travail, on dira que c’est le médecin généraliste ou spécialiste qui déterminera la possibilité de reprise du travail ». 

Une proposition gouvernementale critiquée par les médecins du travail

Si cette proposition ravit le patronat, les premiers concernés sont atterrés. « Il donne l’impression que nous sommes là pour empêcher la reprise alors que ce sont les généralistes qui prescrivent les arrêts ! déplore Jean-Michel Sterdyniak, secrétaire général du Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST). On se demande comment ils envisagent de générer des économies avec une visite qui serait effectuée par un généraliste, facturée 30 euros et remboursée par la Sécu. »

Un autre praticien ne décolère pas : « Notre mission n’est pas de fluidifier le risque pour les entreprises. » Cette visite de reprise (qui fait en général suite à une visite de préreprise) est obligatoire pour les arrêts d’au moins soixante jours, donc un problème de santé sérieux comme les patients en affection de longue durée (ALD) – également ciblés par le gouvernement –, pour un congé maternité, une maladie professionnelle et pour les arrêts d’au moins trente jours pour les accidentés du travail.

Elle est censée avoir lieu au plus tard dans les huit jours du retour en milieu professionnel, mettant ainsi fin à la suspension du contrat de travail. Tant qu’elle ne s’est pas déroulée, la Cour de cassation a précisé que le salarié n’était pas dans l’obligation de venir travailler et ne pouvait être sanctionné pour absence injustifiée. Quelque 100 000 visites de ce type sont réalisées chaque année en Île-de-France.

« Nous arrivons globalement à les effectuer en temps et en heure, car nous les priorisons. Si elles n’ont pas lieu dans le délai imparti, c’est souvent parce que l’employeur n’en a pas fait la demande, exposeJean-Michel Sterdyniak. Le premier ministre n’y connaît rien : pour lui, il s’agit de reprendre au plus vite un travail et pas son travail. Par exemple, si un manutentionnaire a été amputé d’un bras, la Sécu pourrait lui demander de reprendre de manière automatique. C’est là que le médecin du travail intervient pour montrer que ce n’est pas compatible avec son job spécifiquement. »

Hausse des arrêts maladie liée à la dégradation des conditions de travail

Durant ces visites de reprise, un aménagement horaire et physique du poste de travail peut être préconisé de manière temporaire ou permanente. Elles permettent également d’envisager un reclassement ou une reconversion et, si cela n’est pas possible, de viser une inaptitude.

Selon un autre médecin du travail, le passage par la case généraliste promettrait une visite plus expéditive : « En ce qui me concerne, elle peut durer jusqu’à une heure, explique-t-il. Un généraliste ne pourra pas en faire autant avec 50 rendez-vous dans la journée, eux-mêmes n’étant pas assez nombreux. Ils n’ont pas non plus notre connaissance fine de la situation de travail. Sous pression des médecins-conseils de la Sécu, les généralistes font d’ailleurs appel à nous pour prolonger un arrêt en nous demandant d’écrire un courrier le justifiant… »

La mesure comptable du gouvernement est donc à côté de la plaque : « Si nous proposons des aménagements, c’est bien pour éviter que les gens restent trop longtemps en arrêt ou finissent en désinsertion ! précise Isabelle Legras, secrétaire générale adjointe du SNPST. Cela peut être tout bénéfice pour l’employeur. »

Si les médecins du travail sont en voie de disparition, de 5 100 en exercice en 2012, ils n’étaient plus que 4 260 en 2023, c’est que les réformes successives en 2012, 2016 et 2021, avec réduction de leurs prérogatives, n’ont pas encouragé les vocations des étudiants en médecine. 

Pour ces spécialistes, le discours de François Bayrou comporte un angle mort majeur : la dégradation inédite des conditions de travail contribuant à la hausse des arrêts maladie. « Nous n’avons jamais reçu autant de personnes en souffrance professionnelle, appuie Bernard Salengro, médecin du travail et administrateur CFE-CGC au sein de l’Institut national de recherche et de sécurité. Mais le gouvernement préfère casser le thermomètre plutôt que de reconnaître que la température monte. »

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/medecine-du-travail/budget-2026-la-contestation-des-medecins-du-travail-face-aux-mesures-dausterite-de-francois-bayrou

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/budget-2026-la-contestation-des-medecins-du-travail-face-aux-mesures-dausterite-de-francois-bayrou-h-fr-4-08-25/

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