
© Bernard Allemane / Ina via AFP
Le lundi 4 août 1975, l’ancien résistant, président de la CGT et membre du comité central du PCF, meurt à l’âge de 82 ans. Trois jours plus tard, ses obsèques rassemblent un immense cortège au Père-Lachaise. Par Christian Langeois, syndicaliste et auteur.
Par Christian LANGEOIS.
Benoît Frachon est installé aux Bordes, dans le Loiret, depuis le printemps 1973. Le fils de mineur, natif du Chambon-Feugerolles, ville du bassin houiller de la Loire, aime pêcher et se promener dans cette propriété du Parti communiste. Des camarades viennent lui rendre visite alors que son amie et confidente, l’ancienne déportée Mounette Dutilleul, effectue de longs séjours à ses côtés. Le président de la CGT se déplace un peu, revient à Paris de façon irrégulière, pour quelques réunions ou des visites à l’hôpital Boucicaut.
Pour ses 80 ans, en mai 1973, la fédération des métaux et l’union départementale CGT de la Loire organisent une réception dans leur maison de vacances de Fleury-sur-Loire, qu’il a lui-même inaugurée en 1937. Fort enjoué, Benoît Frachon improvise alors une causerie sur le rapport des grands hommes à l’histoire et sur le rôle particulier joué par le peuple dans la promotion de ses dirigeants.
Le mercredi 17 octobre 1973, victime d’un malaise cardio-vasculaire et cérébral, transporté à l’hôpital de Gien, placé en réanimation, il est finalement transféré à l’hôpital de la Salpêtrière, à Paris, qu’il ne quitte qu’en décembre.
« Il a pris part à tous les combats pour la solidarité »
Le bureau confédéral organise, au début de 1974, une réception en son honneur. La Vie ouvrière le montre en train de trinquer avec ses camarades. Tout va donc mieux. En mai 1975, les mêmes tiennent une « réunion fraternelle » pour son anniversaire. La Vie ouvrière publie sa traditionnelle photographie. On le voit amaigri, certes, mais fumant sa pipe. Il apparaît pour la dernière fois en public, lors du congrès de la CGT de juin au Bourget.
Le lundi 4 août 1975, à 9 heures, Frachon meurt aux Bordes à l’âge de 82 ans.
Pour la première fois, la CGT et le PCF cumulent leurs forces pour l’organisation commune des obsèques et de l’hommage à leur dirigeant commun. La CGT salue sa mémoire : « Il a su, tout au long de son existence, mener de pair une intense activité syndicale, dans le respect du caractère de la CGT, avec les hautes responsabilités qu’il n’a cessé d’exercer dans les temps de paix comme pendant la guerre à la tête du parti de ses convictions politiques, le Parti communiste français. »
Le comité central du PCF insiste de son côté sur la dimension internationaliste de son activité : « Benoît Frachon a toujours uni son patriotisme à un internationalisme profond. Il a pris part à tous les combats pour la solidarité avec les travailleurs et les peuples des autres pays en particulier avec ceux qui construisent le socialisme et avec ceux qui luttent contre le colonialisme. Après avoir été, dans sa jeunesse, membre de l’exécutif de l’Internationale communiste, il fut l’un des fondateurs de la Fédération syndicale mondiale (FSM). »
De nombreux militants interrompent leurs vacances pour se rendre aux obsèques
La dépouille mortelle de l’ancien résistant, un des principaux dirigeants du PCF clandestin sous l’Occupation, est exposée, rappel de sa profession, au siège de l’Union des syndicats parisiens de la métallurgie, rue Jean-Pierre-Timbaud. Les gardes d’honneur regroupent des représentants du bureau confédéral de la CGT et du bureau politique du Parti communiste.
Parmi les messages qui affluent, celui du ministre du Travail, Michel Durafour, maire radical de Saint-Étienne, et celui d’Edmond Maire, secrétaire général de la CFDT, qui signale le rôle spécifique joué par Frachon dans la mise au point de l’accord interconfédéral de 1966.
De nombreux militants, comme pour Maurice Thorez en 1964, interrompent leurs vacances. Le jeudi 7 août, à partir de 15 heures, précédé par l’harmonie du comité d’entreprise de la RATP, le cortège, véritable flot humain, s’écoule pour se rendre à l’esplanade du Père-Lachaise. Devant l’entrée du cimetière, l’hommage public se déroule en présence de la famille : sa femme, Marie-Louise, son fils, Henri, sa belle-fille, ses deux petits-fils, Olivier et Denis, assis dans la tribune aux côtés des responsables d’organisation et d’invités français et étrangers.
La CGT, « cette grande dame que tout le monde n’aime pas »
Robert Chambeiron, secrétaire général adjoint du Conseil national de la Résistance parle. Puis, au nom de la FSM, Ibrahim Zakaria, son secrétaire, poursuit en arabe. Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste, met l’accent sur « l’application sans défaillance de cette ligne unitaire » que symbolise Frachon, tandis que, pour finir, Georges Séguy, secrétaire général de la CGT, rappelle ce que disait Frachon à propos de son syndicat : « Cette grande dame que tout le monde n’aime pas, mais qu’on est bien obligé de respecter. »
Puis le cercueil est acheminé non loin du mur des Fédérés, vers le « carré » réservé par le Parti communiste pour ses dirigeants.
La presse rend compte de cet événement national. Les journaux communistes et syndicalistes accumulent témoignages, discours, photographies, récits. Si quelques rares éléments discordants apparaissent naturellement, le Monde, sous la plume de son directeur, accorde une large place à une évocation biographique.
Dès le 14 août 1975, le bureau confédéral de la CGT baptise du nom de son ancien président le centre éducatif confédéral de Courcelles.
°°°
Source: https://www.humanite.fr/en-debat/benoit-frachon/le-4-aout-1975-benoit-frachon-meurt-au-coeur-de-lete
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/le-4-aout-1975-benoit-frachon-meurt-au-coeur-de-lete-h-fr-3-08-25/