À Nantes, les personnes à la rue doivent aussi affronter la vague de chaleur (OF.fr-18/08/25)

Alyssa, Raphaël et Kastello, rejoints par un ami, patientent devant le village des 5-Ponts. Ils ont fait connaissance dans la rue et s’entraident parfois. | OUEST-FRANCE

Un épisode de canicule sévit ces jours-ci à Nantes (Loire-Atlantique). Comment les sans-domicile font-ils face ? Nous sommes allés à leur rencontre, vendredi 15 août 2025, dans les rues de la ville.

Par Christian MEAS.

Le paysage est bucolique. Un large ruban d’herbe en bord de Loire, sur l’île Beaulieu à Nantes, protégé du soleil par les arbres. Deux tentes ont été plantées à cet endroit, entre les ponts Éric-Tabarly et Willy-Brandt. Un fauteuil en skaï élimé, un vieux matelas en mousse et une petite table font office de salon. Il fait déjà chaud à midi et les occupants ne sont toujours pas levés. « On dort ! » balance l’un d’eux. Peut-on revenir plus tard ? « Non, non ! » Les jours de grosse chaleur, comme ce vendredi 15 août 2025, les personnes à la rue essaient de trouver un spot ombragé.

Des SDF ont planté leurs tentes sur les bords de Loire, à Beaulieu, se protégeant ainsi des fortes chaleurs de cet été. | OUEST-FRANCE
Des sans domicile ont choisi de s’installer sous le quai Hoche, sur l’île de Nantes, un abri précaire pour se mettre à l’ombre. | OUEST-FRANCE

Non loin, quai Hoche, sur l’île de Nantes, d’autres ont installé une toile de fortune sous la route surélevée, à l’abri des regards et des rayons du soleil. Lors de notre passage, c’était désert. Comme la plupart des sans domicile, peut-être sont-ils partis faire la manche, trouver de quoi se nourrir ou se doucher, auprès des structures adaptées. Dans le quartier République, au village des 5-Ponts, centre destiné aux plus démunis, Raphaël boit par courtes gorgées sa dernière petite bouteille d’eau.

« De l’eau partout »

Lors des jours de canicule, en juin et juillet, le jeune homme de 28 ans a contacté le 115 : « J’ai été dirigé vers un gymnase à Beaulieu où il y a une centaine de lits. On y reste selon la durée de la canicule. » Une amie rencontrée dans la rue, Alyssa, 22 ans, est assise sur un sac contenant ses maigres affaires. Elle se voit refuser l’accès du centre – dont le personnel n’a pas souhaité nous parler – après une nuit agitée. Du café est servi à l’intérieur, mais ce n’est pas ce vendredi qu’elle pourra reprendre quelques forces. Kastello, 54 ans, s’en plaint : « De toute façon, il n’y a pas assez de place. Le soir, à 18 h 30, on est trente ou quarante à faire la queue ! »

Devant le Carrefour Market de la place Bouffay, dans le centre de Nantes, plus désertée qu’à l’accoutumée. Seul un SDF, avec son chien, mendiait au moment de notre venue. | OUEST-FRANCE

Coiffé d’un béret, Hector (prénom d’emprunt), 44 ans, propriétaire de deux beaucerons bergers qui l’attendent au pied d’un arbre de la place Bouffay, tape la discute avec Victor (prénom d’emprunt), 29 ans, maillot du FC Barcelone usé sur les épaules, avec son beauceron croisé rottweiler en laisse. L’hypercentre n’est pas un lieu où l’on peut mourir de soif, selon eux : « Tous les bars, ou presque, acceptent de nous servir un verre d’eau. La bouteille d’eau coûte vingt centimes chez Carrefour. Et il y a des fontaines d’eau partout : place de la Duchesse-Anne, à la gare SNCF, au jardin des Plantes, au skatepark de l’hôpital… »

« Pieds nus, on brûle »

C’est finalement pour leurs chiens que les deux hommes s’inquiètent. Et pour leurs pattes en particulier : « Quand il fait 40 °C, on se met à l’ombre, sur la pelouse, et on ne bouge plus. Essayez de poser vos pieds nus sur le sol, ça brûle ! » Ce vendredi après-midi, contrairement à d’autres jours où l’on peut trouver « des dizaines de SDF » devant le Carrefour Market, assurent-ils, il n’y en avait qu’un seul, au moment de notre reportage. Sans doute ont-ils préféré se mettre au frais ailleurs, comme cet homme croisé à Feydeau, mais qui a décliné notre proposition de discussion.

Dans un autre quartier, face à la Cité des congrès, Karim est en train de mendier devant l’entrée de la boulangerie Honoré, tout près du Carrefour City. Il porte un maillot de foot du Brésil, cinq étoiles sur l’écusson, et a la gouaille. L’ancien Parisien, 19 ans, trimbalé dans « plein de villes » de France, envoyé « au bled », vit dans la rue depuis un an et demi. S’il dit trouver de l’eau partout à proximité, il a acheté une bouteille d’eau, une canette de soda et un vaporisateur, pour tenir des heures. Parfois, ça a été dur, comme cet après-midi passé devant l’Intermarché de l’ancien tripode, « plein sud et en plein cagnard »

« Un déjeuner à 1,90 € »

Devant une autre supérette de l’île de Nantes, le Carrefour Express de la place François-II, Vincent, 45 ans, fait aussi la manche. Bénéficiaire de l’allocation adulte handicapé, il vient de trouver un appartement dans un hôtel social, qu’il dit préservé des vagues de chaleur.

Vincent, devant le Carrefour Express de la place François-II, sur l’île de Nantes, explique avoir obtenu, tout récemment, un logement dans un hôtel social. | OUEST-FRANCE

« J’ai dormi à la rue pendant des mois », raconte celui qui connaît la marginalité depuis dix ans. Il allait à l’espace Agnès-Varda où il prenait « douche et petit-déjeuner », au village des 5-Ponts qui propose « un déjeuner entrée plat dessert à 1,90 € », ou à l’association Tinhï Kmou qui « distribue gratuitement des barquettes de nourriture ». Ce vendredi, l’une de ses connaissances lui a apporté à boire, après des courses dans la supérette. Il s’estime chanceux.

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Source: https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/a-nantes-les-personnes-a-la-rue-doivent-aussi-affronter-la-vague-de-chaleur-db875f32-79e5-11f0-918c-237d7f802514

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