
Interview de trois militants autrichiens, signataires de l’Appel « Pas une arme, pas un centime, pas une vie pour la guerre ». Une délégation autrichienne sera présente au meeting international le 5 octobre à Paris.
Par la rédaction d’IO
Quelles sont les raisons qui vous amènent à signer l’Appel contre la guerre ?
Dieter Reinisch, rédacteur en chef du magazine International et du Club des journalistes autrichiens : Presque chaque mois, un nouveau conflit militaire s’ouvre actuellement en Europe de l’Est, en Asie occidentale, au Cachemire, en Asie du Sud-Est, en Afrique centrale et bien d’autres régions du monde.
L’Europe ne joue pas un rôle pacificateur, mais elle se réarme aux dépens de la population qui vit et travaille ici. Aux confins de l’Europe et dans les pays du Sud, des millions de personnes meurent pour les profits des entreprises d’armement et la politique de l’UE. Dans mon pays, l’Autriche, officiellement neutre, la ministre des Affaires étrangères, Beate Meinl-Reisinger, tente également de lancer un débat sur l’adhésion à une alliance militaire.
Dans le même temps, la Chambre de l’industrie et du commerce et la Fédération de l’industrie demandent un renforcement des liens entre les entreprises autrichiennes et l’économie de guerre européenne afin de profiter des milliards dépensés par l’UE pour l’armement.
Mais ce n’est pas la bonne voie : plus d’armes ne conduisent pas à plus de paix, mais à plus de guerre. Des guerres que nous, les travailleurs, finançons avec nos impôts afin que les entreprises d’armement puissent faire des profits. S’opposer à cette logique de guerre doit être la tâche des syndicats, car la prospérité sociale ne peut être garantie qu’en temps de paix.
Au lieu de la guerre, il faut préserver et développer la prospérité en Europe, par le dialogue et la coopération avec les pays du Sud. Aujourd’hui déjà, les syndicalistes et les travailleurs peuvent contribuer à réduire le rôle de l’Europe dans les guerres mondiales : ne participez pas à la course à l’armement, empêchez l’exportation d’équipements militaires vers les régions en guerre depuis les ports de Hambourg, Marseille, Gênes et d’autres lieux. Car nous devrons payer à l’avenir les conséquences des guerres exportées depuis l’Europe.
Le gouvernement de coalition (droite-libéraux-socio-démocrates) de l’Autriche s’intègre au programme « Rearm Europe » de l’UE. Quelles en sont les conséquences budgétaires et sociales ?
Stefan Grasgruber-Kerl, président de la section I du SPÖ Vienne-Josefstadt : Le rapport sur la défense nationale 2023 prévoit une augmentation continue des dépenses militaires, qui passeront d’environ quatre milliards d’euros par an en 2024 à près de dix milliards d’euros en 2033. Soit un total de 72 milliards d’euros sur ces dix années. Cependant, cela était avant que la participation à Sky Shield ne soit décidée, qui coûtera au moins 32 milliards d’euros selon les chiffres actuellement disponibles.
Au total, bien plus de 100 milliards d’euros seront donc dépensés pour l’armement, ce qui entraînera nécessairement des économies dans de nombreux autres domaines, comme on le voit déjà avec la suppression du congé formation, des coupes dans le système de retraite progressive ou l’augmentation de la cotisation d’assurance maladie pour les retraités de 5,1 à 6 %.
Dans le nouveau gouvernement formé en 2025, les libéraux, qui militent ouvertement pour l’adhésion de l’Autriche à l’Otan, ont obtenu le ministère des Affaires étrangères. Jamais auparavant le vieil adage « Les armes autrichiennes, l’argent autrichien tuent dans le monde entier » n’avait été aussi vrai qu’aujourd’hui.
Que pensez-vous des actions syndicales menées par les dockers de Marseille, d’Italie et de Grèce, ainsi que par le personnel des aéroports français, afin de bloquer les livraisons d’armes ?
Axel Magnus, membre de la direction nationale du syndicat GPA, descendant de victimes du nazisme : C’est un signe merveilleux qui montre que la classe ouvrière sait toujours qu’elle n’a pas de patrie, comme le disait autrefois Rosa Luxemburg. De telles actions et d’autres similaires ont toujours existé dans l’histoire. N’oublions pas non plus les cheminots biélorusses qui ont bloqué les transports de guerre pour la Russie contre l’Ukraine et ont été condamnés à de longues peines de prison pour cela.
Nous devons leur témoigner notre solidarité. En fin de compte, il s’agit de reconnaître qu’il ne doit plus jamais arriver que des travailleurs doivent assassiner d’autres travailleurs pour les intérêts de leur nation, c’est-à-dire en fin de compte pour leur capital, comme l’a si bien formulé la IIe Internationale peu avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, ce qui est l’une des plus belles formes d’internationalisme.
C’est précisément cet internationalisme qui sera nécessaire pour résoudre pratiquement toutes les crises actuelles dans le monde. Cependant, je pense que cette forme de lutte des classes ne doit pas commencer dans le secteur des transports, mais dans celui de la production. Les employés de l’industrie de l’armement devraient refuser de continuer à produire des instruments de mort, car les armes ne sont rien d’autre que cela.
Que pensez-vous de l’annonce faite par Jeremy Corbyn et Zarah Sultana, de créer un nouveau parti, en rupture avec l’orientation de Starmer ?
Axel Magnus : Comparé à Starmer, le New Labour de Tony Blair à l’époque semble carrément radical de gauche. Les coupes sociales, le racisme et le bellicisme déterminent la politique du gouvernement britannique actuel.
Beaucoup se demanderont donc à juste titre quelle est la différence avec les conservateurs une fois au pouvoir. Les manifestations de masse contre ces trois éléments centraux du programme gouvernemental montrent que beaucoup sont prêts à s’engager pour une autre politique.
L’augmentation rapide du nombre d’adhérents au nouveau parti montre qu’une politique de gauche crédible et honnête reste populaire auprès du grand public. Tout le contraire de celle qui se dit social-démocrate, mais qui ignore tout ce qui fait réellement cette théorie politique et s’est plutôt soumise aux intérêts de son capital national respectif dans une nouvelle trêve politique.
Peut-il donc y avoir un meilleur moment pour fonder un nouveau parti qui s’engage à respecter les principes historiques du mouvement ouvrier, qui se range véritablement du côté de la classe ouvrière et qui lutte avec elle pour défendre ses intérêts au lieu de se contenter de prononcer des paroles creuses au Parlement ? Je ne pense pas.

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Source: infos-ouvrieres.fr/2025/08/24/plus-darmes-ne-conduit-pas-a-plus-de-paix-mais-a-plus-de-guerres/
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