En désignant les classes capitalistes occidentales comme responsables en premier lieu des dérèglements climatiques, Jason W. Moore, Yoan Molinero Gerbeau, Álvaro San Román Gómez en appellent à un écosocialisme révolutionnaire, seule perspective réaliste pour faire face à la catastrophe en cours.
Par Jason W. MOORE, Yoan MOLINERO-GERBEAU et Alvaro SAN ROMAN-GOMEZ.
Nous sommes à la croisée des chemins. La planète brûle, il y a des tempêtes et des inondations, non pas parce que les êtres humains se comportent mal, mais à cause d’un système qui cherche insatiablement à transformer la vie à la fois en une ressource à exploiter et en un objet de consommation. La crise climatique n’est pas anthropique, elle est capitalique[1]: elle naît de la volonté implacable du capitalisme de dégrader les personnes, les animaux, les plantes et la planète au nom du profit.
Peu de gens nient la réalité du changement climatique. Seuls 9 % des Espagnols et 14 % des Étatsuniens, en général âgés de plus de 65 ans, rejettent les facteurs sociaux qui alimentent le changement climatique. Pourtant, pour la grande majorité, le climat est réel, dangereux et s’aggrave de jour en jour. La disparition de ce déni climatique pourrait être considérée comme une avancée significative, fruit du travail de sensibilisation mené par des théoriciens et des activistes écologistes. Mais le travail ne fait que commencer.
Aussitôt que s’estompe le déni climatique désormais passé, surgit un nouveau déni : celui qui occulte l’influence du système capitaliste sur le climat. On pourrait l’appeler le déni capitalogénique. Aujourd’hui, il existe une conscience climatique notable dans toutes les couches de la société. Mais, dans l’ensemble, il s’agit d’une posture qui ignore l’histoire du capitalisme et les causes spécifiques de la crise climatique, qui ne sont pas, contrairement à l’opinion courante, la consommation excessive, les combustibles fossiles ou une empreinte écologique démesurée.
Cette conscience unilatérale n’est pas le fruit du hasard. Les idées dominantes sur le changement climatique sont financées par les institutions les plus puissantes du monde : gouvernements, universités, fondations multimillionnaires. Aucune d’entre elles ne veut entendre que le problème, c’est le capitalisme. Aucune ne veut entendre que la réponse, c’est la révolution. Elles ne veulent entendre que des universitaires bien éduqués qui se limitent à formuler de simples recommandations politiques, impliquant peu d’engagement, permettant d’éluder les responsabilités et ayant une portée limitée.
Le nouveau consensus hégémonique consiste à accepter le changement climatique anthropogénique tout en niant le pouvoir géomorphique capitalogénique. Ce n’est pas une simple erreur ; c’est une décision politique. C’est une histoire aussi vieille que le capitalisme lui-même : créer des problèmes massifs pour en tirer profit, accuser la nature humaine, puis proposer des solutions qui profitent à une minorité et extorquent la majorité. Soyons réalistes : reconnaître que le changement climatique est causé par les êtres humains est parfaitement compatible avec la survie du pouvoir des entreprises. Le directeur exécutif d’ExxonMobil, Darren Woods (1964-), par exemple, reconnaît ouvertement le changement climatique anthropogénique. Et il n’est pas le seul. Les solutions climatiques proposées par l’élite mondiale et sa classe intellectuelle servile, réunies au forum de Davos, sont identiques : concevoir des technologies et des plans de marché unis par un seul objectif — préserver le contrôle du pouvoir et favoriser l’accroissement de la richesse de la superclasse planétaire.
Tel est le nouveau consensus climatique. Il s’agit d’un accord entre les États et les entreprises les plus puissants d’Occident : le changement climatique est un problème, et c’est au reste d’entre nous de payer pour le résoudre. De plus en plus, les capitalistes transnationaux occidentaux reconnaissent la réalité climatique, mais d’une manière excessivement partielle. Ils tracent une ligne dangereuse entre le réchauffement comme menace pour les affaires (ce qu’il est) et le réchauffement comme source d’instabilité politique (ce qu’il est aussi en train de devenir). Mais pour eux, la véritable menace viendrait d’une politique climatique populaire, cherchant des solutions authentiques en redistribuant la richesse et le pouvoir des riches vers les pauvres.
Le nouveau consensus climatique met à l’épreuve l’écologisme occidental. Joan Martínez-Alier (1939) l’appelle « l’écologisme des riches ». Une perspective qui, depuis plus d’un demi-siècle, a concentré son attention sur les substances nocives — la pollution, qui inclut désormais les gaz à effet de serre — tout en ignorant les relations sociopolitiques toxiques du capitalisme. D’où le récent théâtre politique : des activistes de Just Stop Oil lançant de la peinture dans des musées, interrompant des trains de banlieue ou peignant Stonehenge[2]. Mais l’ennemi n’est pas le pétrole, ni le charbon. Ce ne sont même pas les molécules de gaz à effet de serre : après tout, le dioxyde de carbone soutient l’habitabilité de la planète. Le problème, c’est la manière dont le capitalisme utilise ces substances comme une arme pour obtenir le maximum de profit.
Le véritable ennemi climatique est le consortium impérialiste formé par les classes capitalistes occidentales. Les preuves sont indéniables : selon le dernier rapport Carbon Majors (2024), seulement 78 entreprises ont produit 70 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre depuis le milieu du XIXe siècle. Le slogan du mouvement pour la justice climatique, « Changeons le système, pas le climat », est correct en ce qui concerne sa portée. Mais il ne va pas assez loin. Tout comme les architectes de la traite esclavagiste, l’Allemagne fasciste ou le génocide actuellement perpétré par les États-Unis et Israël à Gaza, ces entreprises ont des noms, des adresses et des actifs. Les ploutocrates doivent rendre des comptes pour l’écocide capitalogénique. Leur nouveau consensus climatique n’est rien d’autre qu’un écran de fumée (notez l’ironie) destiné à éluder la responsabilité de leurs actions impérialistes et écocidaires.
La science climatique identifie à juste titre l’excès de gaz à effet de serre comme un problème. Mais ces déclarations scientifiques ont une portée limitée lorsqu’il s’agit de proposer des solutions, puisqu’elles se bornent à décrire la réalité sans l’interpréter.
L’Anthropocène, « l’ère de l’homme », constitue l’exemple paradigmatique du problème idéologique que nous soulignons. Enraciné dans la pensée occidentale proprement dite — qui a connu son apogée au XVIIe siècle et dans l’élitisme malthusien du XIXe siècle —, le récit de l’Anthropocène limite l’interprétation du changement climatique à une prémisse idéologique : l’idée d’un conflit primordial entre l’être humain et la nature. Ce prétendu conflit primordial entre l’homme et la nature est loin d’être une description scientifique innocente de la relation entre les êtres humains biologiques et le reste du vivant. Ses origines remontent à la Grèce antique, berceau de l’Occident. Toutefois, sa version contemporaine est redevable aux impérialistes modernes et à des penseurs comme René Descartes et John Locke, qui ont ravivé l’opposition de l’homme à la nature pour justifier commodément le projet civilisateur, en qualifiant les peuples colonisés de sauvages. Comme toujours, il y avait de l’argent en jeu — beaucoup d’argent. Naomi Klein (1970), dans Tout peut changer. Capitalisme et changement climatique, a mis le doigt sur le problème : la crise climatique est aussi une crise de la démocratie. L’obsession pour les gaz à effet de serre, voilà précisément ce que le nouveau consensus climatique veut nous imposer. Le monde approche du pic des émissions de CO₂, et celui de la consommation des combustibles fossiles sera atteint au début des années 2030, voire plus tôt. La Chine pourrait même avoir déjà franchi son pic d’émissions en 2024, après une légère baisse cette année-là.
Cependant, la rhétorique occidentale sur l’urgence climatique commence à ouvrir la voie à une décarbonisation autoritaire, reproduisant les pires excès de l’austérité néolibérale et faisant peu, voire rien, pour s’attaquer au véritable problème : le projet civilisationnel technocapitaliste occidental.
Le Pacte vert européen en est un bon exemple. Comme l’a récemment souligné Thomas Fazi[3], cette initiative, lancée pour transformer l’économie européenne vers la neutralité carbone d’ici 2050, est aujourd’hui dans l’impasse. En dépit des 600 milliards d’euros alloués pour la période 2021–2027, les émissions avaient augmenté à la fin de 2024. La réduction des gaz à effet de serre est davantage imputable à la stagnation économique qu’au succès de politiques qui ont mis sous pression les petits agriculteurs, les petites entreprises et les ménages de la classe ouvrière, déclenchant des protestations populaires et alimentant le populisme de droite. En donnant la priorité à l’agro-industrie sur les petites exploitations et en externalisant les émissions via la désindustrialisation, le Pacte vert s’est révélé une bonne affaire pour le capital et une source de satisfaction culturelle pour les classes professionnelles, tout en semant les germes d’une ruine socio-écologique. C’est le nouveau visage du déni climatique, enveloppé dans de pieuses déclarations de durabilité.
Si l’Anthropocène est une histoire qui sert les puissants, comment alors donner un sens à notre époque ? Commençons par étudier l’histoire. Les êtres humains modernes existent depuis au moins 300 000 ans, et les civilisations ont une longue trajectoire qui précède également le capitalisme, vieille d’au moins 6 000 ans. Il ne fait aucun doute que ces sociétés de classes ont généré des problèmes environnementaux. Mais jamais les chasseurs-cueilleurs, ni les civilisations précapitalistes, n’ont produit quoi que ce soit qui ressemble à la crise climatique actuelle.
L’essor du capitalisme comme écologie-monde, à partir de 1492 avec la conquête européenne de l’Amérique, a marqué une rupture radicale avec les systèmes précapitalistes. Là où le féodalisme européen avait mis des siècles (du Xe au XIVe) à déboiser de vastes étendues, le capitalisme a ravagé, en quelques décennies aux XVIe et XVIIe siècles, les forêts du Brésil, de l’Irlande ou de la Pologne. Ce n’était pas une exception : partout en Europe et en Amérique, le capital et l’empire ont remodelé les paysages pour nourrir leur appétit insatiable de « natures bon marché » : travail, nourriture, énergie et matières premières. Le point culminant fut la conquête de l’Amérique, organisée à travers un tourbillon capitaliste d’esclavage, d’exploitation minière de l’argent et de plantations sucrières, qui a remodelé l’écologie planétaire à une échelle inédite — une transformation d’ampleur comparable à la séparation des continents lors de la fracture de la Pangée, il y a environ 175 millions d’années. Les coûts furent terribles, inaugurant une “Pangée moderne[4] » d’extraction illimitée, bâtie sur le massacre de millions d’autochtones.
Ce fut bien plus qu’une tragédie. La destruction des peuples autochtones par l’esclavage reconfigura à la fois le capitalisme et le climat. Dans le siècle qui suivit l’arrivée de Christophe Colomb, une extinction d’une ampleur énorme se produisit : environ 95 % de la population indigène, soit près de 50 millions de personnes, furent exterminés, soit par la violence, soit par les maladies importées par les colonisateurs. Cela eut des effets climatiques notables. Les géographes Simon L. Lewis et Mark A. Maslin (1968) ont appelé cet épisode l’Orbis Spike (le « pic d’Orbis »)[5]. Le génocide entraîna une régénération massive des forêts et une absorption accrue de dioxyde de carbone par les terres redevenues incultes. La décarbonisation qui en résulta, combinée à des facteurs naturels, provoqua l’une des périodes les plus froides de l’hémisphère Nord depuis 8 000 ans.
Il s’agissait de la première crise climatique du capitalisme, et ce qui suivit éclaire directement la politique climatique d’aujourd’hui. Au cœur de la phase la plus rude du petit âge glaciaire, les contradictions d’un ordre capitaliste puissant mais fragile se sont intensifiées : des révoltes paysannes éclatèrent, les économies stagnèrent, les empires se lancèrent dans des guerres. Face à des conditions climatiques bien plus difficiles que celles qui avaient mis fin au féodalisme deux siècles plus tôt, le capitalisme aurait pu s’effondrer. Alors, qu’est-ce qui sauva le capitalisme ? Au XVIIe siècle, banquiers, rois et généraux européens trouvèrent une solution ingénieuse. Une nouvelle stratégie climatique leur permit d’échapper à l’effondrement civilisationnel. Dans les colonies tropicales, une nouvelle phase de la traite esclavagiste africaine vint au secours du système de plantations, frappé par une crise de main-d’œuvre à la suite des génocides.
Au cœur de l’Europe, une violente réorganisation du travail féminin réinventa le régime patriarcal, indispensable à la reproduction d’une main-d’œuvre à bas coût. Au Pérou et en Nouvelle-Espagne, les administrateurs coloniaux imposèrent des formes coercitives de travail salarié, telles que la mita et la servitude pour dettes. Partout, les catégories modernes de race et de genre, forgées à partir des prémices du droit naturel, servirent à imposer de lourdes sanctions légales, destinées à garantir la division et la démobilisation des travailleurs et travailleuses. Ces transformations marquèrent les origines de la trinité capitalogénique : la division climatique des classes, le patriarcat climatique et l’apartheid climatique.
Cette trinité sauva le capitalisme du XVIIe siècle en ouvrant de nouvelles frontières de la nature bon marché. Elle fournit un modèle de base pour la prolétarisation et fit peser les coûts de l’adaptation climatique sur les épaules et les estomacs des producteurs directs du monde entier. Après cette période, chaque nouvelle ère capitaliste réinventerait sa propre stratégie. Tant que les empires capitalistes pouvaient résoudre leurs crises en conquérant de nouvelles frontières, leurs contradictions trouvaient une issue et de nouveaux âges d’or pouvaient émerger.
Aujourd’hui, ces frontières ont disparu. Certes, il reste encore quelques bastions que le système peut s’approprier. Dans des régions comme Sumatra ou l’Amazonie, on observe la répétition de l’ancienne dynamique : des monocultures de palmiers à huile ou de soja dévorent les forêts, surexploitent la main-d’œuvre et empoisonnent les écosystèmes. Aujourd’hui, ces frontières ont disparu. Certes, il reste encore quelques bastions que le système peut s’approprier. Dans des régions comme Sumatra ou l’Amazonie, on observe la répétition de l’ancienne dynamique : des monocultures de palmiers à huile ou de soja dévorent les forêts, surexploitent la main-d’œuvre et empoisonnent les écosystèmes. L’Occident impérial n’est plus en mesure de résoudre sa crise de la nature bon marché pour relancer l’accumulation. Pendant ce temps, l’atmosphère — qui, durant des siècles, a servi de décharge aux gaz à effet de serre — est saturée.
L’heure est venue de payer l’addition.
Et pourtant, la stratégie climatique du XVIIe siècle persiste. Le nouveau consensus climatique l’exploite pour s’assurer que la majorité mondiale supporte les coûts de l’atténuation et de l’adaptation. Ainsi, la crise climatique se transforme en lutte des classes sous un autre nom, liant le destin des travailleurs et travailleuses humains — rémunérés ou non rémunérés — à celui des plantes, des animaux, des mers et des forêts. Une atteinte à l’un est une atteinte à tous, comme l’affirme l’ancien mot d’ordre des Wobblies[6]. Et, avec Marx, nous insistons : la solidarité signifie que « toutes les créatures doivent également être libres ».
Quelles sont donc les tâches d’une politique climatique révolutionnaire et démocratique ? Une réponse nécessaire, mais loin d’être suffisante, commence par réélaborer le récit hégémonique de l’histoire du climat et des classes sociales. Nous devons donner un sens à notre époque dans une perspective historique, ce qui implique de briser et de démanteler les explications de la crise proposées par les élites. Le récit de l’Anthropocène affirme que le problème réside dans le mauvais comportement des marchés, dans la technologie polluante et dans la cupidité humaine. C’est un vieil argument, déjà avancé par Thomas Malthus (1766-1834) au début du XIXe siècle pour défendre pouvoir et privilèges. Une politique socialiste incapable de contrer ces grands mensonges est vouée à l’échec.
L’Anthropocène vend un fantasme : le changement climatique serait le résultat naturel du progrès humain et pourrait être résolu par des solutions technologiques comme la géo-ingénierie. Il constitue ainsi un exemple classique de ce que les philosophes marxistes appellent l’inconscient idéologique : le désir d’une éco-utopie capitaliste quasi totalitaire qui efface nécessairement le véritable coupable, le capitalisme. Pendant ce temps, les océans deviennent des décharges toxiques, les forêts des monocultures, les animaux du bétail d’élevage et les travailleurs et travailleuses du « matériel humain jetable » (Marx). Tout comme chez Malthus, l’argument de l’Anthropocène attribue les problèmes du monde à des travailleurs et travailleuses supposément défectueux et ignorants. Pour Malthus, le problème résidait dans une classe ouvrière qui se reproduisait trop et épargnait trop peu. Pour les tenants de l’Anthropocène, les coupables sont les consommateurs égoïstes. Ces deux arguments reposent sur la même idée biologisante : il y aurait quelque chose de mauvais dans la nature humaine, en particulier chez celles et ceux qui ne possèdent pas de capital.
Si le Capitalocène est le problème, alors la solution est un Prolétariocène : un écosocialisme révolutionnaire capable d’affronter la propagande de la bourgeoisie, ses services de sécurité, ses machines de guerre et sa manipulation de la science pour élaborer des arguments autoritaires. Nous ne nous faisons aucune illusion sur l’ampleur du défi. Exposer les choses clairement n’est qu’un début timide ; mais sans la construction d’un autre récit, il sera impossible de former les coalitions de classes nécessaires pour affronter le nouveau consensus climatique et ses solutions dystopiques. Cette clarté doit être conquise sur le « terrain réel de l’histoire », comme nous le rappellent Marx et Engels. Ce n’est qu’alors que nous pourrons relever les défis – et saisir les opportunités – du long chemin révolutionnaire qui s’ouvre devant nous.
En plaçant la lutte des classes au centre du tissu de la vie, cet écosocialisme doit viser à ériger une démocratie radicale et égalitaire, dans laquelle la vie sous toutes ses formes est protégée et défendue, au-delà de sa valeur marchande capitaliste, dans sa valeur vitale et écologique.
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Jason W. Moore (1971) est historien, géographe et professeur de sociologie à l’université de Binghamton (État de New York, États-Unis). Il est notamment l’auteur de Capitalism in the Web of Life (Verso, 2015) et a dirigé l’ouvrage collectif Anthropocene or Capitalocene? Nature, History, and the Crisis of Capitalism (PM Press, 2016). Ses travaux explorent les rapports entre accumulation du capital, transformations environnementales et rapports de pouvoir globaux.
Yoan Molinero Gerbeau Chercheur principal à l’Institut universitaire d’études sur les migrations (IUEM), Université pontificale Comillas (Madrid), et directeur de la revue Migraciones. Parmi ses publications : El medioambiente en las Relaciones Internacionales (Éditions Síntesis, 2022), State Thought and Migration: Analysing the Ideological Underpinnings of Temporary Migration Programmes (Genealogy, 2025).
Álvaro San Román Gómez Chercheur doctorant en philosophie (Département de philosophie morale et politique, UNED, Madrid), il travaille sur les fondements philosophiques du récit climatique et des temps politiques contemporains. Ses publications récentes incluent : l’ouvrage Pensar el Tecnoceno, vivir el Cosmoceno. Distopía y esperanza en la era de la emergencia climática (2021) ; l’article co-écrit avec Molinero sur les fondements idéologiques de la crise climatique (Anthropocene, Capitalocene or Westernocene ? 2023).
Publié initialement dans la revue Viento Sur (Septembre 2025). Traduit de l’espagnol (castillan) pour Contretemps par Christian Dubucq.
Notes
[1] Nous traduisons par « capitalique » le terme utilisé de façon polémique pour opposer au changement « anthropique » un changement causé par le capital. « Capitalogène » est employé dans un sens plus analytique, pour désigner ce qui est engendré par le capitalisme. Enfin, « Capitalocène » renvoie au concept théorique développé par Jason W. Moore et d’autres, qui propose de penser l’ère actuelle comme façonnée par le capitalisme, et non par « l’humanité » en général.
[2] En juin 2024, deux militant·es de Just Stop Oil ont aspergé de peinture orange les pierres de Stonehenge, le site mégalithique britannique classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, afin de dénoncer l’inaction climatique et d’exiger un traité international de sortie des énergies fossiles. L’action, largement médiatisée, a suscité une forte indignation politique, bien que la peinture utilisée fût soluble à l’eau et n’ait pas endommagé le monument.
[3] Thomas Fazi (né en 1982) est journaliste, écrivain et traducteur italien. Auteur de plusieurs ouvrages, dont The Battle for Europe (Pluto Press, 2014), Reclaiming the State (avec William Mitchell, Pluto Press, 2017) et The Covid Consensus (avec Toby Green, Hurst, 2023), il est chroniqueur régulier pour UnHerd, Compact et d’autres revues.
[4] La référence à une « Pangée moderne » n’est pas géologique mais métaphorique. Elle désigne l’ampleur inédite de la reconfiguration capitaliste des paysages planétaires, comparable en intensité symbolique à la fracture de la Pangée (il y a environ 175 millions d’années).
[5] L’Orbis Spike (« pic d’Orbis »), notion proposée par les géographes Simon L. Lewis et Mark A. Maslin (2015), désigne une baisse soudaine du CO₂ atmosphérique observée vers 1610. Elle résulte de la mort d’environ 50 millions (selon certaines estimations) d’autochtones en Amérique après la conquête européenne : l’abandon des terres cultivées entraîna la régénération des forêts, qui absorbèrent massivement du carbone. Ce phénomène est parfois considéré comme un marqueur possible du début de l’Anthropocène.
[6] Les Wobblies désignent les membres de l’Industrial Workers of the World (IWW), syndicat ouvrier fondé en 1905 aux États-Unis. Leur mot d’ordre, « An injury to one is an injury to all » (« Une atteinte à l’un est une atteinte à tous »), exprimait une solidarité de classe radicale et internationale, au-delà des frontières professionnelles, nationales ou raciales.
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Source: https://www.contretemps.eu/climat-et-capitalisme-une-histoire-de-lutte-des-classes/
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