Face à la barbarie capitaliste, où va l’Europe ? Retour sur les interventions à Manifiesta, la Fête de la Solidarité. (Investig’Action – 27/09/25)

Par Julie Jauffrineau

Du génocide des Palestiniens, par le régime d’apartheid israélien, au génocide au Congo mené par les terroristes du M23, en passant par le déploiement militaire des États-Unis aux portes du Venezuela, la raison du plus fort est-elle toujours la meilleure ?

Justement, à ManiFiesta, l’équivalent belge à la Fête de l’Huma, Ignacio Ramonet était l’invité de Peter Mertens, président du Parti du travail de Belgique (PTB), pour parler de ce monde en profond bouleversement. Dans cet entretien, l’ancien directeur du Monde diplomatique est revenu sur l’émergence du monde multipolaire, porté par les BRICS, et sur la « nervosité » de la politique états-unienne qui en découle, faisant le portrait saisissant de la barbarie capitaliste à l’œuvre aujourd’hui, qu’il nomme « brutalisme politique ».

Quelles sont les manifestations de cette politique brutale ? Et quel rôle joue l’Europe face à cette effusion de violence ? Les intervenants présents à la Fête de la Solidarité ont apporté un éclairage à ces questions.

La barbarie capitaliste, de Gaza au Venezuela

Pour comprendre la barbarie du capitalisme actuel, Ignacio Ramonet expliquait à Ostende :

« Il y a une sorte de brutalisme politique, qu’évidemment Israël pratique quotidiennement à Gaza, on détruit une école, on détruit une église, on détruit un hôpital, on détruit une tour d’appartements, mais on dit « le Hamas était là, il y avait une cellule du Hamas ». Et voilà, ça suffit pour les tuer, pour les détruire. Et Trump fait la même chose, il détruit une barque avec 11 personnes à bord et il dit : « ils transportaient de la drogue ». Parce que maintenant, Trump et l’administration Trump considèrent que les narcotrafiquants sont assimilés à des terroristes. »

En d’autres termes, les dirigeants et les États du bloc impérialiste s’affranchissent du droit international pour imposer leurs intérêts, peu importe le coût humain.

Le cas d’Israël

Cela vient en écho aux propos de Basil Farraj, chercheur palestinien de l’université de Birzeit en Cisjordanie. Il était en Belgique pour dépeindre les pratiques de l’État carcéral israélien, pays au plus fort taux d’incarcération au monde : 18 000 Palestiniens croupissent actuellement dans les geôles israéliennes, dont le plus jeune est un enfant de 5 ans ! Sans oublier que nombre de ces prisonniers sont incarcérés sans procès et pour une durée indéterminée, car qualifiés de « combattants illégaux ». Aussi, « Israël utilise la loi [loi d’exception militaire] pour criminaliser les Palestiniens et prolonger indéfiniment les détentions », sans possibilité de communiquer avec leur famille comme avec un avocat, expliquait B. Farraj.

Si les pratiques carcérales de l’État colonial font partie intégrante de la politique du régime, depuis sa création, les conditions des prisonniers ont drastiquement empiré depuis le 7 octobre. Depuis cette date, « au moins 77 prisonniers palestiniens sont morts dans les prisons israéliennes ». C’est dire l’ampleur des tortures infligées. D’autant plus que cette violence se poursuit par-delà la mort : les corps de 74 d’entre eux n’ont pas été restitués aux familles des prisonniers. Et B. Farraj constatait que : « ce qui se passait à l’échelle des prisons se passe désormais à Gaza et en Cisjordanie ». Aujourd’hui, l’ensemble de la population palestinienne est soumise au régime carcéral barbare, en totale contradiction avec les droits de l’Homme et le droit à l’autodétermination des peuples.

Le cas du Venezuela

De la même façon, les pressions militaires états-uniennes à l’égard du Venezuela, qui ont fait 14 morts, témoignent de l’utilisation de « la force pour achever un adversaire, sans que la question juridique, la question du droit soit posée », enchaîne I. Ramonet. Elles sont injustifiables. Les dernières données statistiques des services américains montrent que les lignes de transfert de drogue vers les États-Unis passent, à plus de 80%, par la Colombie et l’Équateur, précisait I. Ramonet. Trump s’attaque au Venezuela non pas pour lutter contre le narcotrafic, mais pour instaurer un nouveau gouvernement par la force.

Les États-Unis veulent accaparer les richesses du sol vénézuélien et reprendre le contrôle de l’Amérique latine, en renversant les gouvernements de gauche. Une illustration frappante : la critique sévère, par les États-Unis, de la décision de justice brésilienne, qui a condamné Jair Bolsonaro à 27 ans de prison.

L’Europe : indignée ou complice ?

Face à la barbarie impérialiste, on note un « effacement généralisé de l’Europe sur le plan politique », poursuit I. Ramonet. Elle a perdu la place centrale qu’elle occupait dans le règlement des conflits internationaux. Ces dernières années, les centres de négociations se situent en Turquie et au Qatar. De plus, « les dirigeants européens ne donnent pas l’impression de s’occuper de leur société », mais se soumettent aux US, adoptent « une attitude de capitulation permanente face aux États-Unis », a souligné I. Ramonet.

La vassalisation de l’Europe aux États-Unis

Au début de la crise ukrainienne, « l’Europe a suivi Biden dans cette politique de confrontation avec la Russie », alors même que l’économie et l’industrie européenne dépendaient de la Russie, expliquait I. Ramonet. Il était dans l’intérêt de l’Europe d’ouvrir des négociations.  De la même façon, l’accord signé entre Trump et Von der Leyen, en Écosse, mais sur le terrain de golf du Président états-unien, est l’expression de cette humiliation et vassalisation aux États-Unis.

On a donc une Europe effacée des négociations de paix, une Europe qui refuse aussi de se joindre à l’Afrique du Sud pour condamner les crimes du régime israélien devant la Cour internationale de justice. Face à la barbarie, l’Europe adopte le mutisme. En revanche, le soutien financier aux US, via l’OTAN et ce fameux « deal » en Écosse, montre le support européen à la politique impérialiste et barbare menée par les États-Unis. Mais l’Europe n’est-elle qu’un soutien ? Ne serait-elle pas aussi une complice directe de la barbarie capitaliste ?

L’Europe complice en Ukraine comme au Congo

Dans la crise en Ukraine, les Européens, démunis face à l’attitude différente de Trump vis-à-vis de la Russie, sont devenus « plus va-t-en-guerre que les États-Unis alors que ce n’est pas dans leur intérêt », confiait I. Ramonet. L’UE se projette vers une conflagration plus large. À la négociation, semble prévaloir le carnage.

La table ronde sur « Le Congo au cœur des luttes géopolitiques », avec Isabelle Minnon, Marc Botenga et Komeza Maximilien Ngendakumana, n’a pas été plus complaisante envers l’Europe. Le député européen, Marc Botenga, a rappelé que l’UE avait débloqué 20 millions d’euros pour les forces rwandaises au Mozambique, fin novembre 2024. Ignorait-elle que les terroristes du M23 qui œuvrent au génocide de la population congolaise étaient financés par le gouvernement rwandais ? Impossible. Pensait-elle que les fonds débloqués n’iraient qu’à la lutte contre le terrorisme au Mozambique ? Terrible ignorance.

Finalement, l’ensemble de ces interventions ont concouru à montrer que l’Europe mène, aux côtés des États-Unis et d’Israël, une politique barbare. L’Europe est silencieuse quand il s’agit de demander justice et, à contrario, pousse à la confrontation quand la réponse au désordre mondial se trouve dans la coopération. Face à ce constat, c’est à l’Europe et aux Européens qu’il revient de construire leur propre projet d’espoir pour l’humanité, un projet qui rejette la barbarie et qui reprenne le droit pour boussole. Sans quoi, l’humanité se reconstruira sans l’Europe.

Source : https://investigaction.net/face-a-la-barbarie-capitaliste-ou-va-leurope-retour-sur-les-interventions-a-manifiesta-la-fete-de-la-solidarite/

URL de cet article : https://lherminerouge.fr/face-a-la-barbarie-capitaliste-ou-va-leurope-retour-sur-les-interventions-a-manifiesta-la-fete-de-la-solidarite-investigaction-27-09-25/

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