
Trois mois après sa suspension, le principal dispositif de soutien public à la rénovation des logements redémarre dans des conditions très dégradées et avec de grandes inquiétudes sur sa pérennité en 2026.
Par Elsa SOUCHAY
Quand la tronçonneuse budgétaire taille dans le vif, faut-il se réjouir qu’une branche reste temporairement épargnée ? C’est le triste dilemme du secteur de la rénovation énergétique alors que rouvre ce 30 septembre le guichet MaPrimeRénov’.
Déjà en 2024, l’enveloppe budgétaire avait été nettement amputée et ramenée de 5 à 3,5 milliards d’euros. Cet été, ce dispositif d’aides publiques avait carrément été suspendu pour tous les nouveaux dossiers de rénovation globale. La raison ? Trop de demandes, avec près de 70 000 dossiers cumulés sur le premier semestre 2025.
Le dégel des aides ce 30 septembre se fait désormais par une porte très étroite : 13 000 nouveaux dossiers seulement d’ici à la fin 2025. Et avec des conditions bien plus restreintes : le plafond de travaux est ramené à 30 ou 40 000 euros maximum selon les projets — contre 70 000 auparavant —, pour les seuls logements classés E, F ou G en termes de performance énergétique (l’étiquette DPE) et sans le bonus de 10 % de « sortie de passoire » pour les logements très énergivores.
Enfin, ces dossiers ne seront examinés que début 2026 et financés sous réserve du vote de la prochaine loi de finances. La suite s’annonce encore plus restrictive puisque le gouvernement a fait part de sa volonté de rogner également dans les aides au coup par coup (« par geste ») d’une part pour l’installation de chaudières biomasses mais aussi pour l’isolation des murs. Un non-sens écologique, car l’isolation, avec le remplacement de fenêtres, est la première étape de tout projet de rénovation performante selon les données de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) elle-même.
Justifications frauduleuses
Outre la dimension clairement idéologique des coupes budgétaires tous azimuts par le pouvoir, le ministère des Finances met aussi en cause la fraude qui gangrènerait le dispositif. Une évaluation initiale de l’administration faisait état de 10 % de dossiers frauduleux, avec 5 000 rénovations d’ampleur et 8 000 monogestes sans qu’on sache sur quelle période et critères ces chiffres ont été établis.
La loi « contre la fraude aux aides publiques » votée fin juin dernier permet désormais de suspendre le versement d’aides publiques « en cas d’indice sérieux » de manquement délibéré ou de manœuvres frauduleuses, pour une durée de trois mois sans justification. Un décret précisant les sanctions est attendu dans les prochaines semaines.
Ces outils auraient pu dans tous les cas être déployés depuis longtemps si le pouvoir avait écouté les propositions des associations qui réclamaient dès la création de MaPrimeRénov’ en 2020 un véritable service public indépendant pour des rénovations de logements au service des usagers.
« On a mis des années à trouver les bons équilibrages des aides pour massifier la rénovation, et là, on nous dit que ça marche trop bien »
Face à ces annonces, dès cet été, les professionnels ont tenté « d’interpeler sur les risques qui pèsent sur la politique publique de rénovation de l’habitat », sans écho.
Pour Bénédicte Rouault, de la Fédération des agences locales de l’énergie et du climat (Flame), il s’agit pourtant d’un dramatique retour en arrière : « On a mis des années à trouver les bons équilibrages des aides pour massifier la rénovation performante et globale, et là, on nous dit que ça marche trop bien », déplore-t-elle.
À la Fédération française du bâtiment, les effets commencent à se faire sentir avec, depuis un an, « un marché qui se replie et des entreprises qui s’interrogent ». Pour ces professionnels de la construction et de la rénovation, l’une des causes de cette volte-face tiendrait à : « une sous-estimation du coût réel des rénovations globales » par Bercy, une certaine « désillusion » des usagers qui ont vu leur facture continuer d’augmenter avec l’inflation malgré leurs investissements pour rénover.
S’y ajoute en parallèle l’effet indirect de la volonté de relancer la production d’électricité peu chère et décarbonée. Car les nouveaux EPR ont besoin à la fois de débloquer des milliards pour être construits mais aussi d’un marché pour écouler la (sur)production d’électricité future.
Et pour ça, il est plus facile de financer des pompes à chaleur et radiateurs électriques que de rénover l’ensemble du parc de logements, ce qui ferait nécessairement baisser les consommations. La « chasse aux économies » s’arrête visiblement à la porte des foyers.
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Source: https://reporterre.net/Ma-Prime-Renov-un-budget-taille-a-la-tronconneuse
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/maprimerenov-revient-mais-votre-dossier-a-peu-de-chances-de-passer-reporterre-1-10-25/