
À l’occasion de l’ouverture de la session ordinaire, les députés ont désigné leurs six vice-présidents. Par le biais d’un accord entre le camp gouvernemental et l’extrême droite, le parti de Marine Le Pen rafle deux postes. Une trahison du front républicain de juillet 2024.
Par Anthony CORTES.
Assise dans l’Hémicycle aux côtés de Jean-Philippe Tanguy, son fidèle lieutenant, Marine Le Pen tapote sa tablette avec ses doigts. Elle se recoiffe, sourit, et répète l’opération plusieurs fois. Elle sait l’heure des siens venue. Yaël Braun-Pivet prend la parole et annonce le verdict : l’extrême droite est de retour au bureau de l’Assemblée nationale. Et pas de n’importe quelle manière.
En foulant un tapis rouge dressé par les macronistes grâce à un accord conclu entre le Rassemblement national (RN) et le camp gouvernemental. Ce mercredi 1er octobre, à l’occasion de l’ouverture de la session ordinaire du Parlement, les députés ont désigné les six vice-présidents de leur chambre au prix d’un seul tour de scrutin. Résultat : deux sont membres du camp présidentiel, Marie-Agnès Poussier-Winsback (Horizons) et Christophe Blanchet (Modem), deux autres proviennent du Nouveau Front populaire (NFP), les insoumises Clémence Guetté et Nadège Abomangoli. Et les deux derniers sont issus… du RN de Marine Le Pen.
Formation qui avait perdu cet honneur après les élections législatives anticipées de 2024 et le vote d’une majorité de Français en faveur d’un barrage républicain. Aux Quatre-Colonnes, Hélène Laporte (RN), élue vice-présidente avec son collègue Sébastien Chenu, se pavane fièrement : « C’est le début de la réparation d’une injustice. Ce qu’il s’est passé aux précédentes élections était immonde. Merci à nos collègues de nous faire confiance. »
« Cette trahison de la Macronie est désolante »
Jusqu’au bout, avant l’ouverture du scrutin, la gauche a tout tenté pour empêcher ce dénouement. Notamment en proposant deux candidatures de plus que le nombre de postes à pourvoir, celles des écologistes Marie Pochon et Jérémie Iordanoff, pour obliger le camp gouvernemental à assumer, par le vote, son accord avec l’extrême droite. Mais aussi pour offrir aux macronistes gênés par cette alliance antirépublicaine la possibilité de choisir une autre voie. À en croire le résultat, ils sont bien peu.
« Nous avons fait ce choix en cohérence avec les conditions de notre élection en 2024 : le refus pur et simple des électeurs du front républicain de voir le RN accéder aux responsabilités, martèle Marie Pochon. Cette trahison de la Macronie est désolante. Dans la pente glissante dans laquelle nous sommes, avec une extrême droite aux portes du pouvoir, nous devons tous être responsables. Et ne surtout pas sombrer dans l’acceptation de leur volonté de conquête. » Au final, le NFP, qui disposait de trois vice-présidents de l’Assemblée, perd donc un poste, puisque Jérémie Iordanoff, qui était sortant, n’a pas été soutenu par une Macronie qui lui a préféré une candidature RN.
À l’origine de cette élection, une femme : la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, soucieuse d’en finir avec une gauche devenue majoritaire dans son propre bureau au lendemain des législatives de 2024. Sur X, celle-ci s’est d’ailleurs adressée aux Français quelques heures avant l’échéance pour les convaincre du bon sens de sa position, non sans les infantiliser.
Allant jusqu’à oser une comparaison dépolitisant absolument l’enjeu de cette élection : « Le bureau, c’est un peu le syndic de copropriété. C’est comme si 174 copropriétaires étaient exclus de toutes les décisions concernant leur immeuble (le Modem, l’UDR et le RN n’ayant pas de représentants au sein du bureau – NDLR). Ça vous choque ? Moi aussi ! »
« Ce deal ne s’arrête pas qu’aux vice-présidences »
Selon elle, ouvrir grand les portes du RN répond à une nécessité : celle de respecter le « choix des Français ». « Simple, basique ! » ajoute-t-elle. Étonnamment, la Macronie se soucie bien moins du respect des équilibres électoraux lorsqu’il s’agit de nommer un premier ministre provenant de la force arrivée en tête aux dernières législatives : le NFP.
« Un an après les élections, Yaël Braun-Pivet trahit le barrage républicain en faisant élire deux députés RN au bureau de l’Assemblée nationale. Face à cette connivence nauséabonde, demandons sa démission ! » appelle Benjamin Lucas, député du groupe Écologiste et social, qui a lancé une pétition en ce sens à la suite du vote. « Cette trahison du pacte républicain qui nous a élus est un signal inquiétant », souffle Arthur Delaporte, porte-parole du groupe socialiste.
Plus inquiétant encore : ce compagnonnage pourrait n’en être qu’à ses premières heures. « Ce deal ne s’arrête pas qu’aux vice-présidences, assure Jérémie Iordanoff. Les Français doivent le savoir : le bloc central pactise avec le RN pour s’assurer une majorité de places en commissions. » Dont la présidence des Affaires économiques ou le poste de rapporteur général du budget, très prisés pour leur pouvoir de contrôle de l’action du gouvernement, et qui seront en jeu ce jeudi.
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