
Après la démission express du gouvernement de Sébastien Lecornu, les macronistes se retournent contre le chef de l’État. Si une grande partie dénonce ses méthodes, quelques voix s’élèvent pour demander une présidentielle anticipée, dont celle d’Édouard Philippe.
Par Anthony CORTES.
« Qu’ils viennent (m)e chercher ! »En 2018, lorsque Emmanuel Macron lance cette phrase à ses troupes en pleine affaire Benalla, comme un défi à ceux qui lui demandent des comptes, il ne s’attend certainement pas à ce que, sept ans plus tard, ses soutiens soient ceux qui lui disent : « Manu, tu descends ! »
Au lendemain du fiasco du premier gouvernement de Sébastien Lecornu, qui n’a pu tenir que quatorze heures avant de présenter sa démission lundi matin, la Macronie demande vigoureusement des comptes à son chef, le président de la République, qu’elle estime responsable de la chienlit qui touche le pays, à nouveau sans gouvernement.
Sur le plateau du JT de 20 heures de TF1, ce lundi, Gabriel Attal, premier ministre de janvier à septembre 2024, a ouvert les hostilités, le ton grave. « Je ne comprends plus les décisions du président de la République, se désole-t-il. Il y a la dissolution et il y a eu depuis des décisions qui donnent le sentiment d’une forme d’acharnement à vouloir garder la main. »
Selon le secrétaire général de Renaissance, également patron des députés Ensemble pour la République (EPR), Emmanuel Macron est coupable de ne pas avoir voulu « partager le pouvoir ». « Il faut accepter l’idée que le pouvoir est au Parlement, composé des partis issus du vote des Français d’il y a un an, poursuit-il. Ces partis doivent pouvoir se mettre d’accord avant qu’un gouvernement soit choisi. Il faut changer de méthode : privilégier le quoi avant le qui. » Bref, ne plus faire du Macron.
Renaissance en crise de défiance
« On ne peut pas dire que l’on redonne la parole aux Français à travers une dissolution, prendre acte des résultats, en l’occurrence que ma famille politique n’a plus la majorité, et continuer à nommer des premiers ministres issus de notre propre famille politique », sermonne également Prisca Thevenot, ancienne porte-parole du gouvernement et députée Renaissance.
L’ex-ministre le concède, « depuis un an, nous avons un sentiment d’incompréhension sur des décisions qui ont pu être prises » par le chef de l’État, dont certaines ont mis les parlementaires de la minorité présidentielle « devant le fait accompli ». Mais il ne faut rien y voir de « déloyal » dans ces critiques: « Non, c’est être lucide. La lucidité, c’est ce qui différencie un clan d’une famille politique. Je suis issue d’une famille politique où on peut et on doit se dire les choses. (…) Le gouvernement présenté dimanche soir a été un des plus macronistes. Cela peut choquer et nous devons être en capacité de l’entendre. »
« Vous dire qu’il y a certaines décisions qui ont surpris le bloc central quand elles ont été prises par le président de la République, c’est une évidence, assène enfin Valérie Hayer, eurodéputée macroniste, comme un coup de grâce pour le chef de l’État. Le sujet, c’est qu’il faut un changement de méthode et de culture politique. »
« Ce n’est pas contre Emmanuel Macron mais pour le pays »
Cependant, pour elles comme pour Gabriel Attal, il est hors de question d’appeler à l’organisation d’une élection présidentielle anticipée. Les voix des députés Renaissance ne se « mêleront jamais à ceux qui appellent matin, midi et soir à la démission du président de la République et à une présidentielle anticipée », assure le premier. « Cela créerait un précédent sans précédent pour notre pays », avertit la deuxième.
Une position partagée du côté du Modem et clarifiée lors de sa réunion de groupe de ce mardi matin, selon nos informations. « Nous n’oublions pas que nous avons été élus pour soutenir Emmanuel Macron, rapporte-t-on dans ses rangs. Même si nous sommes effarés par la situation, il continue de représenter nos institutions. Il ne faut donc pas compter sur nous pour taper sur lui. »
Chez Horizons, parti d’Édouard Philippe, le choix fait est bien différent. À l’antenne de RTL, ce mardi, l’ancien premier ministre et candidat à l’élection présidentielle de 2027 demande à Emmanuel Macron d’organiser une « élection présidentielle anticipée ». Et de préciser : « C’est-à-dire qu’il part immédiatement après que le budget a été adopté. » « Ce n’est pas contre Emmanuel Macron, c’est pour le pays, complète Paul Christophe, chef des députés de ce parti. La situation n’est plus tenable. »
« Il y a deux urgences : régler le budget 2026 et assurer la stabilité des institutions, indique Frédéric Valletoux, député Horizons et ex-ministre de la Santé. Il faut donc accélérer ce grand rendez-vous de clarification de la ligne politique qu’est l’élection présidentielle. Sinon c’est prendre le risque de voir les crises succéder aux crises sans que la France n’avance. » Définitivement, Emmanuel Macron semble de plus en plus seul.
°°°
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/je-ne-comprends-plus-les-decisions-du-president-de-la-republique-emmanuel-macron-lache-par-les-siens-h-fr-7-10-25/