
À l’appel de la CGT et du Snepap-FSU, les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation vont de nouveau débrayer le 9 octobre, après deux autres grèves en mai et juin derniers. Ils continuent de dénoncer des effectifs en deçà des besoins et la perte de sens de leurs missions sous l’effet d’une politique du tout répressif, accentuée par l’arrivée de Gérald Darmanin au ministère de la Justice, affirme Kelly Bianco, co-secrétaire nationale de la CGT Insertion probation.
Entretien réalisé par Hayet KECHIT.
Les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip) sont de nouveau appelés à la grève le jeudi 9 janvier par la CGT et le Snepap-FSU, les deux syndicats majoritaires de cette branche du ministère de la Justice. Cette journée de mobilisation nationale, la troisième depuis mai 2025, marque pour ces agents chargés de la réinsertion des personnes placées sous main de justice une montée en puissance visant à dénoncer des moyens en berne, le manque chronique d’effectifs – il manquerait plus de 1 000 postes dans leurs services pour assurer un suivi digne de ce nom. Le public à suivre ne cesse, lui, d’augmenter : plus de 80 000 personnes incarcérées et plus de 170 000 personnes en milieu ouvert, pour 6 500 agents dans les Spip.
Le tout sur fond de tournant hyperrépressif impulsé par les obsessions sécuritaires de Gérald Darmanin qui mine le sens même de leurs missions. Le ministre de la Justice démissionnaire ne se contenterait pas de gérer les affaires courantes, mais persisterait à dérouler sa politique répressive, affirme Kelly Bianco, co-secrétaire nationale de la CGT Insertion probation (CGT IP). Selon la syndicaliste, la mobilisation syndicale s’impose de façon d’autant plus urgente en cette période de déroute de l’exécutif et de menace toujours vivace d’une purge budgétaire.
Qu’attendez-vous de cette troisième journée de mobilisation ?
Nous voulons sonner l’alerte sur le manque d’effectifs lié au refus d’ouvrir des postes, depuis trois ans, dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation sur les budgets alloués au ministère de la Justice. Pendant ce temps, la population carcérale augmente, que ce soit en milieu fermé ou en milieu ouvert.
Les ratios de prise en charge, que l’administration pénitentiaire avait concédés il y a quelques années, sous la pression d’un mouvement social précédent, destinés à déterminer le nombre d’effectifs nécessaires dans les services, ajustables chaque année en fonction du nombre de personnes suivies, ne sont jamais atteints. Il y a aujourd’hui un peu plus de 1 000 postes vacants dans les effectifs des 6 500 agents œuvrant en Spip.
Comment cette baisse des moyens impacte-t-elle votre travail quotidien auprès des personnes sous main de justice ?
Le résultat de cette politique est une charge de travail devenue insoutenable pour les collègues. Ils ne peuvent plus accompagner correctement les personnes dans des démarches incontournables pour leur insertion, à savoir la recherche d’un logement, d’un emploi, l’accès aux soins, etc.
Le fait que les personnes à suivre soient de plus en plus nombreuses a clairement des répercussions sur la qualité de l’accompagnement. Et cela se ressent, tant en milieu fermé qu’en milieu ouvert. La surpopulation carcérale a, par exemple, un impact sur les collègues qui travaillent en milieu fermé : la prise en charge d’un nombre croissant de personnes incarcérées empiète sur le temps qu’ils peuvent consacrer au travail sur les aménagements de peine, notamment.
Au-delà de ça, nous subissons, particulièrement depuis l’arrivée de Gérald Darmanin au ministère de la Justice, les conséquences de décisions guidées par une vision ultra-sécuritaire, qui entrent en contradiction avec les missions intrinsèques des Spip, dont le sens est d’œuvrer pour la réinsertion des personnes dans la société et de donner à la justice un visage humain.
Vu la situation actuelle de déshérence politique, ne craignez-vous pas de crier dans le désert ?
C’est au contraire aussi pour cela qu’on continue de se mobiliser. Le gouvernement est censé être démissionnaire, mais nous constatons que Gérald Darmanin ne respecte pas le principe de s’en tenir à la gestion des affaires courantes. Il continue de dérouler sa politique répressive au mépris de la fonction réhabilitatrice de la peine. Il persiste ainsi à exiger l’interdiction des « activités ludiques » en prison.
En mai dernier, nous avons obtenu gain de cause auprès du Conseil d’État contre sa circulaire visant à interdire ces activités et nous avons entamé plusieurs autres procédures pour contester des suppressions d’activités dans plusieurs prisons en France. Le problème est que l’administration pénitentiaire en vient dans certains endroits à s’auto-censurer sur cette question. Par exemple, à la maison d’arrêt de Carcassonne, plus aucune activité n’est proposée aux détenus.
En outre, nous maintenons la pression car nous ne sommes toujours pas à l’abri du vote d’un budget austéritaire qui ne fera qu’accentuer les défaillances actuelles dans le service public. Ce qui se passe politiquement est trop grave pour relâcher la pression.
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