Crise politique : Sébastien Lecornu joue la montre pour Emmanuel Macron (H.fr-8/10/25)

Sur France 2, Sébastien Lecornu, premier ministre démissionnaire, a annoncé un délai de 48 heures avant la nomination de son successeur par Emmanuel Macron.© Ludovic MARIN / AFP

Deux jours après sa démission et le lancement d’un nouveau cycle de discussions pour faire émerger un nouveau gouvernement, le premier ministre démissionnaire a rendu sa copie. Il annonce que son successeur devrait être connu dans 48 heures.

Par Anthony CORTES.

Une semaine sans fin. Lundi, Emmanuel Macron donnait deux jours à Sébastien Lecornu pour mener des discussions capables d’aboutir à une sortie de crise. Mercredi, son premier ministre démissionnaire annonce que le chef de l’État devrait nommer son successeur dans 48 heures. Ce que l’Élysée a confirmé.

« Je suis un moine soldat, ma mission est terminée », a annoncé l’éphémère chef du gouvernement sur le plateau du JT de 20 heures de France 2, le 8 octobre. Et après ? Face à Léa Salamé, ce dernier a étalé les résultats de son cycle de négociations avec l’ensemble des forces politiques, hors Rassemblement national (RN) et France insoumise (LFI).

Sébastien Lecornu renvoie la balle à Emmanuel Macron

« J’ai dit au président de la République que nous avions une Assemblée fragmentée mais avec des possibilités de compromis », a-t-il assuré, observant toutefois que « personne ne veut de compromissions ». Et d’ajouter : « Une majorité de l’Assemblée nationale refuse la dissolution, car elle voit bien qu’une dissolution amènerait les mêmes résultats. Il y a plusieurs groupes qui sont prêts à s’accorder sur un budget commun. Je sens qu’un chemin est possible. »

Sébastien Lecornu restera flou tout au long de l’entretien, se contentant d’évoquer « un socle commun qui n’existe plus » et « des oppositions ». Pour ce qui est du futur premier ministre et de l’équipe gouvernementale à venir, il évacue la question de la même façon, renvoyant la balle vers Emmanuel Macron.

Tout juste se contente-t-il de partager son « intime conviction » : « l’équipe, qui devra assumer les responsabilités, devra être une équipe déconnectée des ambitions présidentielles pour 2027 ». Que fera le président de la République de cette matière molle ? « Solution ? Faisons l’élection présidentielle tout de suite. Le pays n’a pas de temps à perdre », a immédiatement réagi Jean-Luc Mélenchon, fondateur de LFI, sur X. « Rien de concret, mais toujours la défense du présidentialisme ! Le verbe au service du pouvoir, sans le peuple », déplore Pascal Savoldelli, sénateur PCF.

Tout au long de la journée, le temps a paru long, bien long pour quiconque était à la recherche d’indices capables de dessiner l’issue de cette séquence politique de crise. À gauche, l’intense pression mise sur le président de la République pour obtenir le droit de former un gouvernement s’est poursuivie tout au long de ce mercredi.

LFI rejette toute coalition incluant des macronistes

Dès l’aube, le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, revendiquait ce droit, estimant avoir « peut-être la solution pour débloquer le pays ». « Il faut respecter les Français. Respecter leur vote et leur vie. Nous avons besoin que le cap change. Il y a besoin d’alterner, de faire en sorte que les choses bougent vraiment », a-t-il déclaré au micro de la radio publique. Loin d’être « fermé à l’idée de trouver des compromis au fur et à mesure », le député a cependant précisé refuser « un mélange des genres avec un gouvernement qui mélangerait des gens de gauche et de droite ».

Tout en se disant ouvert, en cas de gouvernement socialiste, à « accepter le maintien » des macronistes Jean-Noël Barrot aux Affaires Étrangères et Sébastien Lecornu aux Armées, car « c’est un domaine partagé avec le chef de l’État ».

Peu de temps après, à la suite de l’échange entre les socialistes et le premier ministre démissionnaire, Olivier Faure répète tout de même qu’il souhaite un gouvernement de cohabitation avec, à sa tête, une personnalité de gauche. Sinon, c’est non. Mais pour certains, en particulier chez les insoumis, peu importe : négocier avec Sébastien Lecornu équivaut à une compromission.

« Consternant ralliement d’Olivier Faure au sauvetage du système », se désole Jean-Luc Mélenchon, fondateur de La France insoumise. « Nous refusons absolument d’être associés à ces embrouilles et à ces magouilles secrètes. La gauche ne peut gagner que dans la clarté », a surenchéri Manuel Bompard, coordinateur national de LFI, qui précise que sa formation censurera quoi qu’il en soit « tout gouvernement de grande coalition » qui comporterait « des ministres macronistes ».

PCF et Verts exigent un premier ministre de gauche

Dans les rangs du Nouveau Front populaire (NFP), la position insoumise est toutefois largement minoritaire. Car du côté des communistes comme des écologistes, reçus à Matignon dans la foulée des socialistes, on revendique sans relâche le pouvoir.

« Nous demandons un premier ministre de gauche, a déclaré Fabien Roussel, secrétaire national du PCF à l’issue de l’échange. Ce premier ministre mettra à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale l’abrogation de la réforme des retraites. Si l’un d’entre nous est appelé, il dira oui, et nous le soutiendrons. Il n’y a pas de débat là-dessus, nous sommes prêts. » Précision importante apportée par la cheffe des députés écologistes, Cyrielle Chatelain : cette personnalité devra avoir « été en campagne au nom de la gauche et des écologistes » et avoir eu « le soutien des Français » aux législatives 2024. « Donc pas Bernard Cazeneuve », conclut-elle.

« Nous n’avons jamais été aussi proches d’avoir un premier ministre de gauche », a de son côté observé Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes. « Si Macron refuse la cohabitation, il devra partir », ont assuré les écologistes quelques heures plus tard pour accentuer la pression. Une position calquée sur celle du groupe GDR à l’Assemblée, où siègent les députés communistes.

Optimisme exagéré, jeu de poker menteur ou méthode Coué ? Pour une bonne partie de feu le « socle commun », qu’importe : la nomination d’un gouvernement de gauche et sous ses conditions, c’est niet. Principalement en raison de leur entêtement à obtenir la tête de la réforme des retraites de 2023. Et peu importe que l’ancienne première ministre d’Emmanuel Macron, Élisabeth Borne, ait jugé dans le Parisien, mardi soir, que son camp devait « avancer » et « savoir écouter et bouger » sur le sujet. Des propos reçus avec précaution par les socialistes, « sans aucune assurance » sur la réalité d’une potentielle suspension, et qui suspectent un « leurre ».

La droite ferme la porte à un gouvernement de gauche

Quoi qu’il en soit, pour Bruno Retailleau, de toute façon décidé à s’opposer à tout gouvernement de gauche, cette possibilité est une « ligne rouge », tout comme chez Horizons, parti de l’ancien premier ministre Édouard Philippe. Même chose pour une bonne partie des macronistes, qui y voit un affront fait à leur « héritage ».

« Je ne crois pas qu’un compromis se construise sur un déni comptable, économique et démographique », ose Olivier Dussopt, ex-ministre du Travail et cheville ouvrière du texte. Soit autant de freins à la désignation d’un chef de gouvernement de gauche. Seul le Modem se distingue, prêt à accepter cette idée avec un « moratoire » sur ce texte, nous dit-on.

Dès lors, en début d’après-midi, une rumeur venue on ne sait d’où apparaît. Selon Europe 1, propriété de Vincent Bolloré, un nouveau gouvernement issu du « socle commun » pourrait être nommé avec un accord de non-censure conclu entre la Macronie et les socialistes grâce à la promesse d’une suspension de la réforme des retraites.

Pendant ce temps, la crise politique s’enlise

Et parmi les ministres, on pourrait retrouver quelques LR, dont Laurent Wauquiez, qui remplacerait son grand rival Bruno Retailleau. « L’Élysée se lance dans une opération d’intox », a immédiatement réagi Olivier Faure. Information démentie par l’entourage de Sébastien Lecornu : « Il faut cesser les rumeurs et les fausses informations qui ne permettent pas de sortir de la crise. »

À l’extrême droite, on se frotte les mains de ce drôle de spectacle. « Je suis assez insensible au comique de répétition. C’est la fin de la blague », raille Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l’Assemblée.

Dénonçant une « classe politique » garnie de « gens prêts à se couper un membre pour maintenir leur place », elle réaffirme : « Je censurerai tous les gouvernements tant qu’il n’y aura pas de dissolution, puisque cela empêcherait le peuple de s’exprimer. »

Pendant ce temps, la parole du président de la République se fait attendre. À croire qu’Emmanuel Macron, qui atteint des sommets d’impopularité avec seulement 14 % des Français lui faisant encore confiance, selon un sondage Elabe pour Les Échos, se cache pour retarder l’échéance de sa fin.

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Source: https://www.humanite.fr/politique/assemblee-nationale/crise-politique-sebastien-lecornu-joue-la-montre-pour-emmanuel-macron

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