
Le budget 2026 comporte plusieurs reculs pour l’écologie et quelques bonnes nouvelles, mais reste totalement insuffisant. Transports, énergie, biodiversité… Pour Reporterre, des ONG ont analysé le projet de loi de finances.
Par Emilie MASSEMIN.
C’est « un budget qui va creuser la dette climatique », alerte Nicolas Richard, vice-président de France Nature Environnement (FNE). Le Premier ministre Sébastien Lecornu a présenté mardi 14 octobre le projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
Objectif : réduire le déficit de 30 milliards d’euros en un an, en coupant 17 milliards de dépenses et en augmentant de 14 milliards les recettes. L’enveloppe allouée au ministère de la Transition écologique échappe au pire, puisqu’elle reste stable à un peu plus de 24 milliards d’euros.
« Cela reste très insuffisant. On ne voit pas de rupture majeure avec ce qui avait été proposé par le précédent gouvernement Bayrou », résume Clara Jamart, de Greenpeace. Et comme le diable se cache dans les détails, plusieurs ONG écolos ont analysé les quelques avancées et les reculs de ce budget 2026.
- Fonds vert
Très mauvais signal : la division par deux du Fonds vert. Créé en 2023 par le gouvernement, il aide les collectivités locales (communes, intercommunalités, départements, régions) à financer des projets concrets contribuant à l’adaptation au changement climatique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’amélioration du cadre de vie. Citons l’installation de panneaux photovoltaïques sur des bâtiments publics, la désimperméabilisation de cours d’école pour mieux gérer les eaux pluviales, la création de pistes cyclables et de réseaux de chaleur renouvelable… « Ce fonds fond littéralement : il tombe à 600 millions d’euros, ce qui est largement insuffisant », s’alarme Nicolas Richard.
- Biodiversité
Les programmes « nature » du ministère de la Transition écologique — financement des parcs nationaux et des réserves naturelles nationales, plans d’action dédiés aux espèces protégées et menacées, plan zones humides — devraient perdre 32 millions d’euros en 2026. Soit une diminution de 8,5 % de leur budget, alors qu’ils avaient déjà vu leurs financements baisser de 10 à 20 % en 2025, alerte Cédric Marteau, directeur général de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO).
« Cette baisse met directement en péril la stratégie nationale biodiversité (SNB), lancée par [l’ex-Première ministre] Élisabeth Borne, qui devait répondre à nos engagements internationaux », redoute-t-il.
La proposition des ONG :
Pour le WWF, des mesures fiscales existent pour notamment lutter contre l’artificialisation des sols tout en permettant de récolter « 2 à 5 milliards d’euros de recettes supplémentaires » : une réforme de la taxe d’aménagement, qui compte actuellement trop d’exonérations, et une extension de la taxe sur les surfaces commerciales aux entrepôts et parkings. « Ces propositions ont été reprises par des députées dans un rapport récent et pourraient être portées en amendements parlementaires », espère Jean Burkard.
La LPO réclame aussi la réintégration d’une niche fiscale qui permettait aux propriétaires de terrains avec des zones humides de ne payer qu’une partie de la taxe foncière — s’ils protégeaient l’écosystème. « Elle avait déjà été retirée, puis réintégrée, indique Cédric Marteau. Si on n’aide pas les propriétaires privés à protéger les zones humides, qui stockent l’eau, limitent les inondations, préservent la ressource et stockent du carbone… On fait fausse route. »
Enfin, la LPO annonce qu’elle sera très attentive au budget des établissements publics, notamment l’Office français de la biodiversité (OFB) et les parcs nationaux. « L’an dernier, l’OFB a déjà perdu 25 équivalents temps plein (ETP), et on annonce 216 ETP en moins pour 2026 à l’échelle du ministère. Nous voulons savoir quel impact cela aura sur les services déconcentrés et sur les agents des établissements publics », réclame Cédric Marteau.
- Transports
Côté automobile, « le PLF confirme une trajectoire mordante pour inciter particuliers et entreprises à décarboner leurs véhicules, ce qui est positif », souligne Jean Burkard. Le malus CO₂ serait ainsi abaissé à 98 g/km en 2028, contre 113 g/km actuellement.
En revanche, aucune avancée sur le malus poids — qui pénaliserait les véhicules lourds comme les SUV —, regrette Émeline Notari.
La proposition des ONG :
« Nous plaidons pour un déclenchement à 1,3 tonne, avec un abattement limité pour les véhicules électriques. Cela permettrait de dégager 1,5 milliard d’euros supplémentaires dès 2026, en ciblant principalement les constructeurs étrangers. »
Le WWF propose aussi de taxer la publicité pour les véhicules les plus lourds : « Les constructeurs dépensent environ 1,5 milliard d’euros pour la publicité des SUV. Taxer ces espaces publicitaires pourrait rapporter 400 millions à 1 milliard d’euros supplémentaires et limiter la promotion de produits polluants. »
Côté aviation, aucune revalorisation des taxes sur les billets ou de suppression des niches fiscales du secteur n’apparaît dans le PLF 2026.
- Énergie
Le PLF 2026 s’attaque aux énergies renouvelables et en particulier au solaire, en imposant bien davantage les centrales photovoltaïques installées avant 2021. Gain espéré, 50 millions d’euros par an sur trois ans. Pour Jean Burkard, « cela peut rendre certaines installations non rentables et arrêter des centrales existantes et cela envoie un signal négatif aux investisseurs et aménageurs pour les projets futurs ».
Le texte prévoit aussi la baisse de 500 millions d’euros des crédits MaPrimeRénov’. « L’aide est désormais recentrée sur les logements classés F et G. Dans le même temps, les plafonds de travaux sont divisés par deux, passant de 70 000 euros à 30 000 ou 40 000 euros, ce qui réduit d’autant le niveau de subvention », précise Isabelle Gasquet, du Cler.
Résultat, un ménage portant un projet de rénovation performante d’environ 100 000 euros pouvait jusqu’ici être soutenu jusqu’à 70 000 euros. Désormais, « il ne recevra que la moitié, voire moins. Beaucoup renonceront à leurs travaux ou se contenteront de rénovations partielles, insuffisantes pour sortir durablement de la précarité énergétique ».
- Agriculture
Le PLF 2026 s’attaque aux niches fiscales sur les agrocarburants. Il prévoit la suppression du tarif particulier du B100 issu du colza, qui coûte 148 millions d’euros par an à l’État, et une réduction progressive de l’avantage fiscal sur l’E85 jusqu’en 2028, avec une diminution des dépenses fiscales de 141 millions d’euros pour 2026. « C’est une revendication ancienne de la Confédération, car ces dispositifs encourageaient l’usage de terres agricoles pour des productions non alimentaires », se réjouit Émilie Deligny, de la Confédération paysanne. En revanche, l’exonération du gazole non routier (GNR) est maintenue.
Autre bonne nouvelle, le maintien du crédit d’impôt pour l’agriculture biologique, alors que « les agriculteurs et agricultrices bio traversent une période très difficile depuis plusieurs années, avec une baisse de la consommation et de fortes tensions économiques ».
- Déchets
Ça avance, mais trop lentement. Le PLF 2026 prévoit une hausse de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour inciter à réduire la mise en décharge et l’incinération des déchets au profit du tri et de la valorisation. La taxe sur les déchets enfouis passerait de 65 euros la tonne aujourd’hui à 105 euros en 2030. Celle sur les déchets incinérés grimperait à 20 euros voire 45 euros la tonne en 2030 — une hausse jugée trop faible par Zero Waste France.
Si l’ONG salue la création d’une taxe sur les emballages plastiques, mais juge son montant hors de propos. « 30 euros par tonne, c’est dérisoire comparé à ce que la France paie à l’Union européenne pour non-respect de ses objectifs de recyclage — environ 800 euros par tonne », souligne Pauline Debrabandere.
Conclusion ? « Il reste un blocage fondamental si on veut construire une véritable justice écologique et sociale, résume Clara Jamart, de Greenpeace. C’est le refus, persistant depuis plusieurs gouvernements, de faire enfin payer les ultrariches et les multinationales les plus polluantes, afin d’investir massivement dans la transition écologique et dans les services publics. »
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Source: https://reporterre.net/Ecologie-un-budget-2026-largement-insuffisant
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