
À Nice, 5 policiers insultent, passent à tabac et tentent de faire manger des pages du Coran à deux hommes. À Saint-Laurent-Du-Var, un agent de police révoqué pour avoir dénoncé le racisme
Le Canard enchaîné révélait le 8 octobre dernier un nouvel exemple immonde du racisme décomplexé de la police française. Le 22 juillet à Nice, deux hommes originaires de Tunisie sont interpellés par la police en milieu d’après-midi pour «offre et cession de produits stupéfiants». Ils subissent alors un tabassage et une humiliation en règle pendant le trajet qui les amène au commissariat.
L’un des deux hommes a pu enregistrer toute la scène avec son téléphone, qui dure plus de 30 minutes. «T’es un arabe. T’es là pour violer des Françaises et nous voler ! Ici personne ne veut de toi ! Donc tu vas rentrer dans ton pays, suceur de chameaux !» Les insultes et les coups pleuvent, qui sont parfaitement audibles sur l’enregistrement. L’un des policiers va jusqu’à arracher les pages du Coran de l’un des deux hommes, et tente de leur faire manger. Il menace également de le brûler, et d’en faire un joint.
À leur arrivée au commissariat, ils sont interrogés par l’officier de police judiciaire, qui découvre l’enregistrement sur le téléphone du suspect et contacte l’IGPN. L’enquête révèle qu’aucune image n’est disponible puisque, bien entendu, aucun des agents ne portait les caméras obligatoires, et la caméra de l’avenue Martin Luther King, où les deux victimes avaient été arrêtées, ne fonctionnait pas non plus.
Pourtant, Nice est officiellement la ville la plus «vidéosurveillée de France». Mais les caméras sont souvent aveugles face aux violences policières. Les cinq agents ont été suspendus et placés sous contrôle judiciaire. Le 24 octobre prochain ils seront jugés pour violence aggravée et injures non publiques à raison de la religion.
À Saint-Laurent-du-Var, en mai 2025, un policier municipal dénonçait «les méthodes de barbouzes, la brutalité, le racisme» de ses collègues, évoquait un «bras tendu très ambigu» et les interventions où pleuvent les injures à caractère raciste. Il a finalement été révoqué par la mairie, après 20 ans de service pour «harcèlement moral d’ambiance». Autrement dit, ce flic est puni pour s’être élevé contre le racisme de ses collègues. L’agent en question avait lui-même été victime du racisme qui règne dans la police, son appartenance à la communauté des gens du voyage faisant de lui une cible désignée.
Il avait en outre soutenu un collègue qui avait filmé une scène de tabassage d’une jeune homme à l’arrière d’un véhicule de police, en janvier 2025. Ce collègue a été mis à pied pendant deux mois. Et le policier auteur de violences ? Il n’a eu qu’un simple avertissement. Ainsi, dénoncer le racisme est plus condamnable que violenter des jeunes racisés.
Le maire LR Joseph Ségura, lui-même ancien fonctionnaire de police, avait violemment défendu les policiers et critiqué le lanceur d’alerte, évoquant des hommes «[qui] ne sont que des manipulateurs mus par la rancune, l’ego et des velléités de vengeance personnelle». Il a déclaré en conseil municipal le 8 octobre dernier : «Depuis cette révocation, le climat de travail au sein de la police municipale s’est très nettement apaisé». On comprend pourquoi : les racistes n’ont plus d’empêcheur de tourner en rond, et peuvent commettre leurs exactions en toute tranquillité et impunité.
Ce racisme systémique est soigneusement glissé sous le tapis au sommet de l’État. En 2021, le conseil scientifique de la DILCRAH – la Délégation interministérielle de lutte contre le racisme – réalise un rapport sur le racisme dans la police suite à la mort de George Floyd. Ce rapport est transmis au ministère de l’Intérieur qui, bien entendu, l’enterre. Pourtant ce rapport, rendu public par l’Humanité en 2023, n’est qu’un ensemble de recommandations bien timides. Mais rien ne doit venir enrayer le continuum raciste dont la police est un rouage central. La France est régulièrement épinglée pour le racisme de sa police au sein des institutions internationales, de l’ONU à la Cour européenne des droits de l’Homme, mais aussi par la Défenseure des droits en France. Pourtant, la France persiste et signe dans son refus d’admettre l’existence d’un racisme d’État.
Et avec l’arrivée de Laurent Nunez au ministère de l’intérieur dans le gouvernement Lecornu 2, lui qui déclarait que «la police, elle ne discrimine qu’une seule chose, ce sont les délinquants» et que «d’une manière générale, il est complètement faux de dire qu’il y a une forme de racisme systémique dans la police», l’impunité généralisée des racistes en képi a de beaux jours devant elle.
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