Décryptage – Censure : comment François Bayrou a enfumé le Parti Socialiste (LI.fr-17/01/25)

Par Eliot.

Parti Socialiste. Ce 16 janvier, l’Assemblée nationale n’a pas voté la motion de censure contre le Premier ministre usurpateur François Bayrou. En cause, le refus du Rassemblement National et du Parti Socialiste de renverser le gouvernement. En jetant aux pieds d’Emmanuel Macron le scalp du Nouveau Front Populaire et des espoirs qu’il a suscité, les socialistes ont acté leur soutien au gouvernement de François Bayrou, Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et autre Elisabeth Borne. En trahissant leurs engagements et les promesses faites à leurs électeurs, ils se sont compromis en même temps qu’ils se sont ridiculisés.

Ridiculisés, les socialistes le sont parce qu’ils ont cru, ou ont feint de croire aux prétendues concessions du gouvernement pour sauver sa peau. La non-censure des socialistes a en effet été décidée à la suite d’un courrier qui leur a été envoyé hier, 16 janvier, par François Bayrou. Ce courrier, qu’ils fêtent comme une victoire et qui leur sert aujourd’hui de prétexte à la compromission, est, à en croire les socialistes, porteur de concessions du gouvernement sur son projet de budget austéritaire, et d’une meilleure répartition des richesses.

Mais tout cela n’a en réalité été qu’un vaste exercice de communication du gouvernement pour se sauver de la censure. Les annonces de François Bayrou dont se gargarise aujourd’hui le Parti Socialiste ne sont en fait que fausses concessions ou véritables enfumages. Une fois encore, les socialistes ont vendu leurs engagements pour un plat de lentilles avariées.

L’Insoumission vous propose le décryptage détaillé, point par point, du courrier d’enfumage de François Bayrou contre lequel le Parti Socialiste a accepté de soutenir Emmanuel Macron. Notre article.

Sur le budget : des mesures déjà existantes, ridicules ou mensongères

Sur un plan budgétaire, François Bayrou évoque dans son courrier 23 points présentés comme des concessions pour obtenir le soutien du Parti Socialiste. Parmi eux, 8 figuraient déjà dans le budget présenté par Michel Barnier en octobre, 11 avaient déjà été votés au Sénat, sont le résultat de la censure ou avaient déjà été annoncés par Michel Barnier avant sa chute. 

Par exemple, la revalorisation des pensions retraites annoncée par Bayrou est déjà effective depuis le 1er janvier et résulte de la chute du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale avec la censure de Michel Barnier, qui prévoyait le report de l’indexation des pensions de retraites sur l’inflation du 1er janvier au 1er juillet. 

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Même chose au sujet du prétendu renoncement de François Bayrou à la suppression de 4 000 postes d’enseignants. Cette mesure avait elle aussi chuté avec Michel Barnier. Alors que le Parti Socialiste prétend aujourd’hui avoir obtenu que cette mesure ne soit pas re-proposée dans le futur projet de budget de François Bayrou, il se trouve que la chute de son gouvernement aurait permis le même résultat.

Idem concernant le renoncement à la hausse de la taxe sur l’électricité qui avait déjà été annoncé par Michel Barnier avant même sa censure, et au sujet de la minime contribution différentielle sur les hauts revenus. Rien de tout cela n’est donc une victoire obtenue par la négociation du Parti Socialiste.

Dans son courrier, François Bayrou annonce aussi que l’ONDAM (dispositif fixant les autorisations estimées de nombreuses dépenses de Santé) sera porté de +2,8 % à +3,3 %. Là encore, cette annonce est trompeuse. Alors que les dépenses d’assurance-maladie augmentent mécaniquement de 4,7 % par an, le gouvernement les contient à 3,3 %. Autrement dit, il fait des économies.

Comme le rappelle le député de la France insoumise et Président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale Éric Coquerel, les économies du gouvernement sur la Santé sont encore pires si l’on retranche l’augmentation des prix et des cotisations payées par les hôpitaux sur les salaires de leurs agents. L’augmentation de l’ONDAM ne serait alors que de 0,3 %.

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Alors que François Bayrou annonce également l’abandon des mesures prévues de déremboursement des médicaments et consultations médicales, ces dernières seront en fait compensées par la hausse du tarif des mutuelles. Ni plus ni moins, François Bayrou annonce reprendre d’une main ce qu’il donne de l’autre.

Même exercice d’enfumage dans le renoncement à la baisse de 12,5 % du budget des outre-mer, qui n’aurait de toute façon pas été baissé au Sénat.

Par ailleurs, alors que François Bayrou reprend exactement les recettes prévues par Michel Barnier dans le budget qui a causé sa censure, le Parti Socialiste se félicite d’une augmentation de 0,1 point de la taxe sur les transactions financières ; d’une éventuelle taxe sur le patrimoine ne faisant que remplacer la taxe sur les hauts revenus et qui serait inscrite dans une loi ultérieure dont il est permis de douter qu’elle sera vraiment déposée ; et d’un nouveau dispositif de lutte contre l’optimisation fiscale que François Bayrou se réserve le droit de renvoyer au budget de 2026, alors qu’il s’en sera vraisemblablement allé. Champagne.

Plus largement, cette lettre fêtée comme une victoire immense par le Parti Socialiste ne dit rien sur les baisses de dépenses publiques inédites sous la Vème République – -2 % en valeur brute, le budget le plus austéritaire depuis 25 ans selon les mots de la ministre chargée des Comptes publics –, plus fortes de 10 milliards d’euros que celles prévues par Michel Barnier.

Une conférence fantoche sur les retraites a suffi à convaincre le Parti Socialiste de renoncer à ses engagements 

On apprenait ces derniers jours que François Bayrou souhaitait convoquer un « conclave » réunissant les syndicats et organisations patronales afin, « sous réserve d’accord global », d’aboutir en trois mois à une proposition de modification de la réforme de la retraite à 64 ans, et à la transmission de cette proposition à l’Assemblée nationale.

Alors qu’il était évidemment impossible d’aboutir à un accord global entre des organisations patronales toujours davantage favorable à l’exploitation des travailleurs, et des syndicats unanimement opposés à cette réforme cruelle, François Bayrou a finalement annoncé dans son courrier au Parti Socialiste  qu’un « accord politique » et la « recherche d’un équilibre financier » seraient les préalables à la présentation des potentiels résultats de ce conclave à l’Assemblée nationale.

Passant sur la différence inexistante entre les expressions « accord global » et « accord politique », l’ « équilibre financer » évoqué par François Bayrou, posé comme condition au résultat du conclave, fracasse les péroraisons socialistes contre les récentes annonces de François Bayrou. En effet, alors que le gouvernement travaillait jusqu’alors sur la base du déficit des retraites estimé par le Conseil d’Orientation des Retraites (6 milliards d’euros), François Bayrou a évoqué dans son discours de politique générale un déficit de 55 milliards.

En fait, François Bayrou ajoute au déficit du régime général les compensations normales de l’État aux retraites des fonctionnaires, qui, notamment faute d’embauche et du fait de l’importance des primes dans leurs revenus annuels, est structurellement déficitaire. Or, travailler à une solution alternative respectant un « équilibre financier » sur la base d’un déficit mensonger surgonflé à 55 milliards d’euros n’aurait évidemment pas la même incidence que dans le cadre du déficit de 6 milliards d’euros évoqué par le Conseil d’Orientation des Retraites, lequel était jusqu’alors la référence du gouvernement. 

Détail important s’il en est et dont le Parti Socialiste connaissait l’existence, un droit de veto sera réservé au MEDEF, farouche défenseur de la réforme des retraites à 64 ans, sur les décisions qui seront prises à l’occasion de cette conférence sociale sur les retraites. 

Déficit mensonger, droit de véto du MEDEF et une réforme qui continue de s’appliquer pendant ce temps, ce conclave proposé par François Bayrou pour appâter le Parti Socialiste n’est donc rien d’autre qu’une comédie dont la fin est écrite à l’avance.

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De reniements en reniements, le Parti Socialiste s’est exclu de l’opposition au gouvernement 

D’abord, les socialistes ont posé comme préalable à la discussion avec le gouvernement la nomination d’un Premier ministre de Gauche. Ensuite, cela a été l’engagement de François Bayrou à ne pas utiliser de 49.3, ce que l’intéressé a immédiatement refusé. Puis vint le tour de l’abrogation de la réforme des retraites comme ligne rouge à la non-censure. Il y a moins d’une semaine, voilà que les socialistes menaçaient François Bayrou de le censurer s’il ne suspendait pas la réforme des retraites.

Aujourd’hui, ils en sont réduits à demander un vote à l’Assemblée nationale à l’issue d’une conférence fantoche. De reniements en reniements, le Parti Socialiste a déchiré le programme du Nouveau Front Populaire, et par là même l’engagement qu’il a fait à ses électeurs. 

Et pour quels résultats ? Immédiatement débarrassé de la censure, François Bayrou décidait ce matin d’humilier le Parti Socialiste en déclarant que la retraite à points « s’imposera un jour », un système qui signerait la fin de la répartition en privant les travailleuses et travailleurs de prévision sur le montant de leur retraite, et conduirait mécaniquement à une baisse de leurs pensions.

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Avant lui, le ministre de l’économie Éric Lombard, « ami personnel » d’Olivier Faure, reconnaissait lui-même qu’un certain nombre des mesures que prétend avoir obtenu le Parti Socialiste « ne relèvent pas des négociations qui effectivement ont produit des effets avec le Parti socialiste mais qui étaient déjà décidées avant ». Par voie de presse, un autre ministre de François Bayrou déclarait ce matin que « la suspension [de la réforme des retraites] c’était l’hameçon pour attraper les socialistes ».

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Humiliée, la girouette socialiste fait désormais face à la fronde massive de ses élus et militants. Ainsi de celles et ceux qui sur les réseaux sociaux annoncent rendre leur carte. Ainsi également des 8 députés socialistes ayant voté la censure, refusant de tourner le dos au Nouveau Front Populaire et à son programme. De fait, le Parti Socialiste s’est exclu de l’opposition au gouvernement. Pendant ce temps, les autres composantes du Nouveau Front Populaire se sont montrées unies dans la censure du gouvernement de François Bayrou. Les socialistes, eux, se sont plus que jamais isolés.

Pour aller plus loin : « Je démissionne du Parti Socialiste » – Après la non-censure, le PS face à la fronde massive de ses élus et de ses militants

Sans candidat ni programme, le Parti Socialiste est terrifié à l’idée d’une élection présidentielle anticipée que pourrait provoquer la censure successive des gouvernements illégitimes d’Emmanuel Macron. Alors, il renoue avec ses vieux réflexes, capitule, viole ses engagements, trahit. 

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Source: https://linsoumission.fr/2025/01/17/censure-bayrou-parti-socialiste/

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