Destruction du service médical de la Sécu : un coup de force du gouvernement (IO.fr-11/10/25)

Nous poursuivons la publication de notre dossier à l’occasion du 80e anniversaire de la Sécurité sociale. Cette semaine : coup de force du gouvernement contre le service médicale de la Sécu. Et un focus sur les accidents du travail et la retraite.

Par Soriane Frid

Le gouvernement et le directeur à sa solde de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) ont eu une drôle de manière de fêter le 80e anniversaire de la Sécu…

À u 1er octobre, les agents du service du contrôle médical, exerçant jusqu’à présent leur mission au service des assurés en dehors de toute tutelle financière, ont intégré les CPAM… Un bouleversement majeur (nous y reviendrons plus loin), un coup de force, sur le fond comme dans la forme.

Tous les 7 100 agents du contrôle médical ont-ils été transférés ? Non ! Ont été mis de côté les élus et délégués syndicaux et les médecins chefs régionaux du contrôle médical (DRSM) ! Ils n’en ont été informés que le jour dudit transfert, ces 450 salariés ont été renvoyés chez eux au moment où leurs collègues étaient jetés dans les griffes des CPAM.

Ben oui ! avec les délégués syndicaux dans les pattes, majoritairement FO et CGT, qui combattent sans relâche ce projet, difficile de pouvoir mettre en œuvre les décrets sur les ALD (affection de longue durée) ou de s’en prendre aux arrêts de travail !

La présence des représentants du personnel est une entrave pour la Cnam dans son objectif de mise en œuvre des plans de destruction de l’assurance maladie au détriment des agents de l’institution.

Immédiatement, les fédérations CGT et FO des organismes sociaux, qui combattent contre ce projet destructeur pour les assurés et les collègues, sont intervenues auprès de la Cnam dans le but de mettre fin à l’éviction des délégués syndicaux. Pour seule réponse, la direction s’est permis de demander aux fédérations de déroger au Code du travail !

Pourquoi un tel acharnement ? Parce que la macronie, ne veut plus que ce soit votre état de santé qui détermine vos droits. Il faut en finir avec le principe de 1945 : « On reçoit selon ses besoins ».

Rassemblement devant le siège de la Cnam, Paris, le 3 octobre (photo correspondant).

« Le service du contrôle médical tel que constitué est ce qui empêche Macron et sa clique démissionnaire de dérouler son projet mortifère.« 

En effet, la seule boussole du service médical est l’état de santé de l’assuré. C’est tout l’inverse des CPAM qui paient les prestations et subissent la pression du budget. C’est le service médical qui donne son avis, ensuite ce sont les CPAM qui règlent les prestations. Vous comprenez donc pourquoi le gouvernement met toutes ses forces pour en finir avec la DRSM.

Un exemple : dans le cadre d’une ALD, le service médical, se basant sur les rapports médicaux de l’assuré, octroie la prise en charge d’un assuré si ceci est médicalement justifié. Par exemple, le service médical ne va pas refuser la prise en charge d’un assuré atteint d’un cancer ou d’un diabète parce que le directeur de la Cnam estime qu’il y a trop de malades dans le pays…

Cela est du fait de l’indépendance du service médical. Quand on est indépendant du payeur, on est indépendant dans les décisions !

Vous comprenez maintenant pourquoi il était urgent pour ces fossoyeurs de publier le décret actant la disparition du service médical : l’indépendance du service médical pose problème et il faut liquider ce rempart pour les assurés afin que les décrets sur les ALD et autres plans contre les arrêts maladie et prises en charge des soins puissent s’appliquer !

N’oublions jamais le cas de l’assurée de l’Allier qui s’est vu refuser la prise en charge par sa CPAM de son traitement contre le cancer parce qu’elle ne prenait pas les génériques. Dans un contexte où le patron est le directeur de la CPAM, demain c’est peut-être l’hospitalisation et les chimiothérapies qui seront refusées aux assurés, budget oblige.

C’est vers ça que ce gouvernement voudrait aller et c’est cela que nous combattons !

Qu’ils dégagent tous et qu’on rétablisse la Sécu de 1945 !

ACCIDENTS DU TRAVAIL
Le travail peut gravement nuire à la santé… et aux comptes de la Sécurité sociale !


Historiquement, la prise en charge des risques liés à l’activité professionnelle a été la première à faire l’objet d’une législation. Et pour cause, car les travailleurs ont payé un lourd tribut à la révolution industrielle : le nombre d’accidents du travail a considérablement augmenté avec le machinisme et le développement du travail au rendement.Tout au long du XIXe siècle, les travailleurs ne bénéficiaient pourtant d’aucun droit face à ce risque, il était considéré qu’ils contractaient librement avec leur employeur pour louer leur force de travail, en toute connaissance des dangers auxquels ils étaient exposés. Il fallait alors prouver une faute de l’employeur pour espérer une indemnisation fondée sur le régime commun de la responsabilité civile ou pénale lorsque les circonstances le justifiaient.La loi du 10 avril 1898 a une importance particulière pour la protection des salariés. Pour la première fois, une loi établit la présomption de responsabilité de l’employeur. Il est réputé responsable de tout accident ayant lieu au travail.Le salarié n’a plus à faire la preuve de la responsabilité de l’employeur. Elle est établie d’office. En revanche – et c’est toute la limite de la loi –, c’est l’assurance de l’employeur qui indemnise le salarié accidenté. On imagine sans peine sa partialité !Depuis l’instauration de la loi de 1898, le patronat a cherché à en minimiser autant que possible les conséquences financières, notamment en tentant de se soustraire à ses responsabilités en invoquant des fautes des salariés et en limitant autant que possible la reconnaissance du caractère professionnel de nombreuses maladies.Suite à la création de la Sécurité sociale, l’assurance contre les risques professionnels est intégrée, par une loi du 30 octobre 1946, aux missions de la Sécurité sociale. À compter de cette date, les employeurs, qui s’assuraient jusqu’alors contre ce risque auprès d’assurances privées, doivent s’acquitter d’une cotisation patronale obligatoire dont le taux tient compte du nombre d’accident déclaré. Il s’agissait d’inciter les entreprises à investir dans la prévention en faisant porter intégralement aux employeurs le coût du dispositif – un dispositif que les patrons s’acharnent à contourner.

« Un million d’accidents du travail, un énorme chiffre et pourtant sous-estimé »


D’après les dernières données disponibles (2023), l’assurance maladie a recensé plus d’un million d’accidents du travail, d’accidents de trajet et de maladies professionnelles, avec trois morts au travail par jour en moyenne ! Et ce nombre est loin de refléter la gravité du problème : les chiffres concernant les fonctionnaires, les agriculteurs, ou encore les auto-entrepreneurs ne sont pas pris en compte dans ce terrible bilan.De plus, il existe une sous-déclaration importante des accidents du travail par les employeurs, à tel point que la Cour des comptes estime que près de 4 milliards d’euros de prestations sont supportés par la branche maladie, à laquelle cotisent tous les salariés, alors qu’ils devraient l’être par la branche AT/MP, uniquement financée par les employeurs.C’est dans ce contexte que Sébastien Lecornu, alors Premier ministre, dans le courrier adressé aux « partenaires sociaux » le 29 septembre dernier, invite ces derniers à réfléchir et proposer des solutions pour « améliorer la prévention pour protéger davantage la santé physique et mentale des salariés » et pour « renforcer la lutte contre les accidents du travail graves et mortels qui augmentent ».Quelle indignité comme dirait un ancien président, car les solutions sont connues et ne vont pas lui plaire. Pour améliorer la sécurité au travail, commençons par revenir sur toutes les récentes contre-réformes qui ont fait exploser les risques professionnels :– restauration des CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) ;– retour à la retraite à 60 ans ;– baisse de la durée légale du travail ;– reconnaissance de la qualité de salariés aux travailleurs « ubérisés » ;– reconnaissance du caractère professionnel des nombreuses affections psychiques causées par la dégradation des conditions de travail.La sécurité au travail a un coût qui doit être intégralement pris en charge par l’employeur, il est temps de leur présenter la facture intégrale.
Haro sur les retraitesQui ne prétend pas aujourd’hui que notre système de retraites ne peut plus rester en l’état, qu’il n’est plus viable, que le déficit est « abyssal ». Patrons, économistes et membres des gouvernements qui se succèdent produisent des prévisions démographiques catastrophiques pour nous prouver « scientifiquement » qu’il n’est plus possible de demander à ceux qui travaillent de financer les pensions de ceux qui sont à la retraite…Tous les jours, on entend des « experts » préconiser les vertus de la capitalisation contre la répartition, déclarée obsolète. Or la Sécurité sociale a sorti les vieux travailleurs de la misère que leur imposait la capitalisation.Auparavant, la première et seule loi votée sur les retraites date de 1910. Cette loi instaurant des « retraites ouvrières et paysannes » est basée sur la capitalisation individuelle : le travailleur se constitue sa retraite par ses cotisations tout au long de sa vie active ; pendant ce temps, les patrons font « travailler » cet argent au risque qu’il ne reste plus rien au moment du départ du travailleur à la retraite. N’oublions jamais les effets de la crise des subprimes de 2008 aux États-Unis : du jour au lendemain, des millions de salariés se sont retrouvés sans le sou !Ajoutons que cette loi prévoyait le départ à la retraite à l’âge de 65 ans. Or à cette époque, seuls 6 % des ouvriers étaient encore en vie à 65 ans ! C’est pourquoi la vieille CGT a mené campagne contre cette loi, la qualifiant de « retraite des morts ».À noter que seuls certains travailleurs ont échappé à cela, ceux qui ont bénéficié de l’un des régimes spéciaux, le premier ayant été créé sous Louis XIV au profit des anciens marins : mineurs au XIXe siècle, cheminots en 1909, etc.Pour en finir avec la misère de la capitalisation, la Sécurité sociale a instauré un système de retraite basé sur la solidarité ouvrière, assurant un droit à la retraite calculé selon le nombre de trimestres travaillés et/ou validés.Ainsi des trimestres sont validés pendant le congé maternité, ou à partir du troisième enfant, et dans bien d’autres cas.À la création de la Sécu, il fallait 120 trimestres validés, soit 30 annuités pour bénéficier d’une retraite complète.Et en plus, le montant t de la retraite n’est pas calculé d’après la moyenne de toutes les annuités, mais sur la base des meilleures années. Chaque annuité étant affectée d’un coefficient permettant la comparaison avec le coût actuel de la vie.Étaient alors prises en compte les dix meilleures années pour calculer le montant de la retraite.Ce sont les gouvernements successifs de la Ve République qui ont dégradé ces paramètres, la seule exception étant la décision de Mitterrand juste après son élection de porter l’âge de départ à la retraite de 65 à 60 ans :– 1971, réforme Boulin : passage de 30 à 37,5 annuités (150 trimestres).– 1993, loi Balladur : passage de 37,5 à 40 anuités (160 trimestres), et des 10 aux 25 meilleures années.– 2003, loi Fillon : passage de 40 à 41 annuités (164 trimestres).– 2010, loi Woerth : âge de départ repoussé à 62 ans avec décotes si départ avant cet âge (sauf pour carrière longue).– 2014, loi Touraine : passage progressivement de 41 à 43 annuités (172 trimestres).– 2023, loi Macron : âge de départ rallongé à 64 ans, accélération du prolongement de la durée de cotisation avec 172 trimestres à valider pour la génération 1965 et les suivantes.Mais aujourd’hui, cela ne suffit plus au capitalisme en décadence. Il lui faut à toute force revenir à ses origines, quand le travailleur, inorganisé, n’était payé que lorsqu’il travaillait. Quand il ou elle n’était pas ou plus en état de travailler, en maladie, lors de sa maternité, au chômage, et bien entendu quand l’âge ne le lui permettait plus, il ou elle n’avait qu’un droit, celui de crever la gueule ouverte.Pour aller dans ce sens, il leur faut détruire la Sécurité sociale qui assure des droits. Et de prôner : la capitalisation (vos cotisations ou vos impôts viendront grossir les profits capitalistes) ; le régime par points dont on a vu les conséquences en Suède (effondrement du montant des retraites) ; le régime « en comptes notionnels » selon l’espérance de vie de votre génération (si vous voulez une retraite confortable, dépêchez-vous de mourir).Résister à cette volonté de retour à la misère pour le plus grand nombre commence par abroger la loi Macron de contre-réforme des retraites, et par chasser son auteur.

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Source:

Source: https://infos-ouvrieres.fr/

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