Emeutes racistes en Espagne : comment l’extrême droite a instrumentalisé l’agression d’un retraité pour « chasser les immigrés ». (l’Humanité – 15/07/25)

Le 12 juillet 2025, la deuxième nuit d’émeutes racistes à Torre Pacheco, en Murice. Des dizaines d’hommes cagoulés ont semé le chaos trois nuits d’affilée pour « chasser les immigrés ».
© Europa Press/ABACA

Depuis le 11 juillet, la ville de Torre Pacheco, dans le sud-est de l’Espagne, est en proie aux émeutes. Ces trois nuits de violences d’extrême droite envers les populations immigrées se sont conclues par l’arrestation de dix personnes. Récit d’une affaire montée en épingle sur les réseaux sociaux après l’agression d’un retraité.

Dans le sud-est de l’Espagne, les habitants de Torre Pacheco espèrent l’accalmie ce soir. Après l’agression d’un retraité le 9 juillet dernier, des dizaines d’hommes cagoulés ont semé le chaos trois nuits d’affilée pour « chasser les immigrés ». Des émeutes racistes sur fond de ratonnades que les forces de police ont bien eu du mal à contenir.

Au total, dix personnes ont été interpellées : trois mises en cause pour l’agression du retraité et sept autres ayant pris part aux affrontements. Mariola Guevara, déléguée au gouvernement central de la région de Murcie, a annoncé l’identification de 80 émeutiers. La présence policière, quant à elle, continue de se renforcer. Si 90 agents de la Garde civile étaient sur place ce week-end, jusqu’à 120 seront déployés ces prochains jours selon le colonel Francisco Pulido.

À l’origine de ces violences, l’agression le 9 juillet dernier de Domingo, retraité de 68 ans habitant à Torre Pacheco. Une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montre l’homme le visage tuméfié et l’œil voilé par les coups. Interrogé par la presse espagnole, Domingo explique avoir été attaqué par trois jeunes d’origine nord-africaine.

L’affaire est largement relayée dans les sphères d’extrême droite. Alors que la ville organise un rassemblement pacifique en soutien au retraité, des dizaines d’hommes cagoulés se présentent aux abords du quartier de San Antonio. Plusieurs commerces tenus par des immigrés originaires du Maghreb sont saccagés et détruits, des familles sont poursuivies, et des bagarres éclatent aux cris de « Dans votre pays » et « Vive Franco ».

Sur les 80 personnes identifiées par les autorités, beaucoup disposent déjà d’un casier judiciaire et ne résident pas à Torre Pacheco : en témoignent les vingt véhicules interceptés à l’entrée de la ville de 40 000 habitants. « 30 % des résidents sont immigrés. Ce sont des gens qui travaillent et vivent ici depuis 20 ans », a rappelé le maire Pedro Angel Roca.

Les réseaux sociaux : outil favori de l’extrême droite

Les conséquences chaotiques de ces émeutes sont le fruit d’une manœuvre organisée de plusieurs groupuscules d’extrême droite sur les réseaux sociaux. Peu après la vidéo de l’agression de Domingo, une autre vidéo est relayée. Selon son auteur, qui en appelle à la « traque aux immigrés », il s’agit de la même agression, filmée sous un autre angle.

Les photos de cinq immigrés prétendument responsables de l’agression sont ensuite publiées, tout comme une déclaration du conseil municipal disant soutenir les manifestations de rue. Problème, tout est faux : la vidéo n’a rien à voir avec l’agression du 9 juillet, les cinq personnes en photo ont été accusées à tort, et jamais la mairie n’a publié de telle déclaration. Mais c’est trop tard pour calmer la polémique. Sur Telegram et d’autres messageries cryptées, le groupe fasciste « Deport them now » appelle explicitement aux ratonnades.

Le parti Vox a lui aussi été accusé de jeter de l’huile sur le feu. Son responsable régional, Jose Angel Antelo, a incité les habitants à se défendre eux-mêmes lors d’un rassemblement samedi 12 juillet. Une action aussitôt condamnée par Podemos : « Les responsables de Vox ont encouragé les nazis à chasser à Torre Pacheco », a appuyé Maria Marin, porte-parole du mouvement.

Loin d’être un cas à part, les exemples de récupération politique d’un fait divers par l’extrême droite pour inciter à la violence ne cessent de se multiplier en Europe. Plus tôt en juin, plusieurs nuits d’émeutes anti-immigrés avaient lieu en Irlande du Nord. Il y a un an, le Royaume-Uni vivait aussi des manifestations racistes. Et en France, cette histoire n’est pas sans rappeler les suites du meurtre de Thomas à Crépol en 2023.

Source : https://www.humanite.fr/monde/emeutes/emeutes-racistes-en-espagne-comment-lextreme-droite-a-instrumentalise-lagression-dun-retraite-pour-chasser-les-immigres

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