
Le géant américain souhaite évincer une large partie de ses activités pétrochimiques dans son usine de Port-Jérôme-sur-Seine d’ici à 2025. Mardi 6 août, les centrales syndicales ont refusé, à l’unanimité, de signer le projet de « plan de sauvegarde de l’emploi » de la direction.
Par Léa PETIT SCALOGNA .
Port-Jérôme-sur-Seine (Seine-Maritime), envoyée spéciale.
Les cheminées crachent une fumée blanche tandis que Germinal Lancelin souffle son inquiétude. Il risque de perdre son poste en tant qu’opérateur en pétrochimie à ExxonMobil, le géant américain du secteur. Après dix-huit années passées dans les dédales de tuyaux et de conduits, le secrétaire général de la CGT chimie de l’entreprise a déjà commencé ses recherches. « Il le faut bien, j’ai deux enfants et une maison à payer », se soucie-t-il.
Germinal Lancelin est l’un des 659 salariés dont l’emploi risque d’être supprimé. La CGT, FO et la CFDT ont toutes trois refusé de signer le projet de « plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) » proposé par la direction. Leur mot d’ordre commun tient en deux mots : aucun licenciement. « On a fait de multiples propositions à la direction pour sauvegarder un maximum d’emplois. Toutes ont été refusées », déplore James Aucreterre, délégué syndical FO.
« La chimie doit vivre »
Le 11 avril, le géant texan pour lequel ils travaillent a annoncé sa décision d’abandonner une large partie de ses activités pétrochimiques en Normandie. Depuis fin mai, la production est à l’arrêt et les salariés en grève. Le vapocraqueur, installation clé du site permettant de convertir le pétrole en matières plastiques, n’est plus en marche.
Les raisons de ce PSE, avancées par le groupe, sont financières : le site « affiche une perte de près de 515 millions d’euros pour l’exercice 2023, selon la direction. Et la situation financière ne s’est pas améliorée au premier semestre 2024, avec un endettement additionnel de plus de 150 millions d’euros ». Une somme qui ne risque pas de faire de l’ombre aux bénéfices nets d’ExxonMobile Corporation : 36 milliards de dollars pour l’année 2023.
Seule la raffinerie Esso, appartenant au même groupe et vieille de 90 ans, est conservée par le groupe tandis que l’écrasante majorité des activités chimiques sont menacées. « Les produits pétroliers de la raffinerie, très rentables, absorbent largement les pertes engendrées par la partie chimie », plaide Christophe Aubert, coordinateur CGT. Les suppressions de postes concernent majoritairement ce second secteur, et ce sont des banderoles « La chimie doit vivre » qui sont accrochées aux grilles d’entrée.
Interrogée, la direction s’engage à proposer « trois offres valables d’emploi » qui doivent correspondre « soit au métier, soit aux compétences, soit aux aptitudes, soit au projet ou à l’objectif professionnel de l’intéressé ». Assis autour d’une table, des opérateurs se questionnent sur les usines alentour dans lesquelles ils pourraient postuler.
Pour réaliser exactement le même travail, dans les sous-domaines pointus que sont les activités pétrochimiques, le plus proche serait Le Havre, à 30 kilomètres. « Problème : ces entreprises n’auront pas besoin de nous tous, 600 personnes, en même temps ! » soufflent-ils.
18 licenciements évités sur les 677 annoncés
Au départ, le compteur des emplois menacés affichait 677 (dont 30 à Nanterre, au siège), sur les 1 226 de l’usine normande. Au terme de huit tours de négociations de longue haleine avec les élus du personnel, seuls 18 postes ont pu être sauvés. « C’est honteux ! Et les survivants du PSE vont en pâtir, avec des conditions de travail dégradées et un très faible effectif », s’alarme Christophe Aubert.
Les élus communistes normands montent au créneau et ont pris la plume pour s’adresser à Emmanuel Macron, ce 24 juillet. Dans un courrier, Céline Brulin et Jean-Paul Lecoq, sénatrice et député PCF de la Seine-Maritime, ont demandé au chef de l’État de reprendre le dossier du PSE, en l’absence de gouvernement et d’interlocuteurs dédiés.
Aussi, les négociations sont menées en pleine période de « trêve olympique et politique » censée clouer les piquets de grève. Germinal Lancelin, pour la CGT, parle de « calcul parfait » de la part de la direction, tandis que Sébastien Pichault, de FO, remarque que cette dernière annonce des décisions importantes « très régulièrement lors des périodes estivales, lorsqu’un grand nombre de salariés est en vacances ».
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