Le nombre de maternités en France est passé de 1 369 en 1975 à 464 aujourd’hui . La conséquence a été une réduction du maillage territorial et l’augmentation de la distance entre le domicile maternel et la maternité la plus proche pour accoucher.
Par le Dr Jean-Louis Chabernaud pédiatre réanimateur praticien hospitalier honoraire (AP-HP) bureau du Conseil national professionnel de pédiatrie
Le nombre de maternités en France est passé de 1 369 en 1975 à 464 aujourd’hui, en raison d’une volonté de regroupement et de concentration des structures de soins périnatals et d’une logique financière de baisse des coûts. La conséquence a été une réduction du maillage territorial et l’augmentation de la distance entre le domicile maternel et la maternité la plus proche pour accoucher. L’accouchement accidentel en dehors d’une maternité a ainsi naturellement augmenté en France, au cours de la dernière décennie (moins de 1 % en 2016). Cela n’a pas empêché l’Académie nationale de médecine de préconiser, dans un rapport publié en 2023, de poursuivre la fermeture des maternités effectuant moins de 1 000 accouchements par an, en arguant que 93,6 % des femmes enceintes sont domiciliées à moins de trente minutes d’une maternité.
Le 15 mai, l’Assemblée nationale, au vu d’un rapport de l’Insee mettant en évidence une hausse de la mortalité infantile en France depuis 2012, a approuvé une proposition de loi qui prévoit d’instaurer un moratoire de trois ans sur les fermetures de maternités. Cela a provoqué une vive réaction de la part des opposants à ce texte qui eux prétendent qu’il est plus sécuritaire pour la mère et l’enfant d’accoucher dans une maternité même éloignée si elle est très équipée ; qu’en est-il exactement ?
Même les grandes maternités n’ont plus les moyens de fonctionner
Dans un article médical, publié le 24 février 2020 dans la revue Plos One1, nous avons étudié, avec plusieurs collègues, sur tout le territoire national 2 256 797 accouchements, réalisés de 2012 à 2014. Nous avons montré que le principal facteur de risque d’accouchement en dehors d’une maternité est la distance en kilomètres qui sépare le domicile maternel de la maternité la plus proche. Pour les 6 733 (3 ‰) accouchements hors maternité enregistrés dans cette étude le risque a été multiplié par 1,4 si la distance est inférieure à 16 km jusqu’à 3,2 si celle-ci est de 46 km ou plus. De plus, en cas de naissance hors maternité, les conséquences pour la santé de la femme enceinte et de son enfant sont défavorables. L’étude a mis en évidence une augmentation de 6,5 du risque de décès de la mère et de 3,3 du risque d’accoucher d’un enfant « mort-né ». En ce qui concerne le nouveau-né, cette étude a montré qu’une naissance accidentelle hors maternité lui fait courir, un risque d’hypothermie 5,9 plus fréquent, de décès dans les premiers mois de vie 1,9 fois plus élevé, et 1,2 fois plus important d’être hospitalisé après sa naissance. Dans 75 % des cas seulement, une équipe médicale spécialisée de secours (Smur) a pu être présente pour prendre en charge la mère et son nouveau-né sur le lieu de naissance.
Pour les spécialistes de la périnatalité, comme cela est rappelé dans un rapport du Sénat de 2024 et leurs syndicats, le manque de ressources humaines est criant depuis 2019. Même les grandes maternités hospitalo-universitaires de type 3 disposant de soins critiques néonatals sont en difficulté et n’ont plus les moyens de fonctionner. C’est cela qu’il faut changer et améliorer d’urgence ! Les propositions inacceptables faites le 15 juillet par le Premier ministre François Bayrou, pour imposer une cure d’austérité de cinq milliards d’euros au budget de la santé, vont totalement à l’encontre des besoins urgents pour la santé des femmes et des enfants.
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