
© Jens Kalaene/DPA/ABACAPRESS.COM
Depuis plus d’un an, dans le droit fil de son histoire, Ljubljana porte une position courageuse sur la reconnaissance de la Palestine et la vente d’armes à Israël. Le pays, qui fait du respect du droit international une pierre angulaire de sa diplomatie, jette une lumière crue sur l’attentisme de ses partenaires européens. Il a également entamé un rapprochement avec le Sud global.
Par Lina SANKARI.
Le centre et la périphérie de l’Union européenne ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Depuis plus d’un an, la Slovénie fait partie, avec l’Espagne, l’Irlande et la Norvège, des pays moteurs en termes de volontarisme diplomatique. Après avoir reconnu la Palestine en 2024, interdit l’exportation, l’importation et le transit d’armes vers Israël, Ljubljana a annoncé suspendre, ce 6 août, l’entrée sur son territoire de produits issus des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée. La Slovénie« ne doit pas faire partie d’une chaîne qui ferme les yeux » sur « ces constructions illégales, ces expropriations et ces expulsions », insiste l’exécutif de centre-gauche.
Dans les faits, l’État d’Europe centrale n’avait procédé à aucun approvisionnement depuis les colonies en 2022 et 2024. En 2023, ces importations s’élevaient seulement à 2000 euros. Le pays, déjà pionnier sur la question des armes, est désormais le premier du continent à prendre une telle disposition commerciale. Si la Belgique, la Finlande, l’Irlande, le Luxembourg, la Pologne, le Portugal, l’Espagne et la Suède ont évoqué une telle possibilité, ils ne l’ont jamais mise en pratique.
Héritage yougoslave
« Toutes les mesures sont sur la table, nous soutenons comme nous l’avons fait dans le passé, la suspension de l’accord d’association (de l’UE) avec Israël, ainsi que des sanctions commerciales et un embargo sur les armes, des sanctions contre certains colons, certains ministres et le gouvernement israélien qui soutient la violence », avait déjà expliqué Tanja Fajon, ministre des Affaires étrangères slovène, le 15 juillet à Bruxelles. Et de préciser le chemin : « Toutes les mesures doivent arriver dès que possible, jusqu’à un cessez-le-feu, jusqu’à ce que la violence ait cessé, jusqu’à ce que nous ayons une résolution entre les deux pays. »
Cette position unique à l’échelle européenne s’explique notamment par l’histoire qui a précédé son indépendance en 1991 et l’héritage yougoslave. À l’époque de Tito, le pays se posait en pilier du mouvement des non-alignés. Dès les années 1970, la Yougoslavie reconnaît l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et nombreux sont les étudiants palestiniens à être accueillis sur le territoire slovène. Le pays est toutefois une exception dans la région ; les autres États ayant préféré un rapprochement avec Israël.
Pressions sur les alliés européens
La Slovénie actuelle a également fait du respect du droit international l’une des pierres angulaires de sa diplomatie. « Le message de reconnaissance n’est dirigé contre personne, c’est un message de paix. Nous pensons qu’aujourd’hui le moment est venu pour nous tous (…) d’agir… de manière à apporter une paix durable au Moyen‑Orient », exposait le premier ministre Robert Golob, le 30 mai 2024. Comme il l’avait fait avec l’Espagne et l’Irlande, Israël a rappelé son ambassadeur en Slovénie au moment de la reconnaissance.
Dans la foulée, la ministre des Affaires étrangères, Tanja Fajon, jugeait que son pays se plaçait « du bon côté de l’Histoire ». Un an plus tard, elle met en garde ses alliés européens qui observent un silence coupable malgré le processus génocidaire en cours dans l’enclave palestinienne : « Nous sommes à un carrefour moral, alors que nous assistons à des tueries et à la famine des civils à Gaza (…) si le monde n’intervient pas immédiatement, nous assisterons à la disparition totale du peuple palestinien. » La Slovénie tient ainsi un rôle actif auprès des instances de l’ONU notamment pour garantir l’acheminement de l’aide humanitaire. Dès janvier 2024, elle soutient une motion devant la Cour internationale de Justice (CIJ) sur « les violations en cours et de la part d’Israël du droit du peuple palestinien à l’auto-détermination, des violations commises en conséquence de son occupation prolongée, de son entreprise de colonisation et de son annexion des territoires palestiniens occupés depuis 1967 ».
Les actions de la Slovénie jettent une lumière crue sur l’attentisme des autres pays européens et les divisions politiques au sein de l’UE. Elles permettent également d’exercer une pression supplémentaire sur des pays plus modérés comme la France qui a annoncé reconnaître la Palestine en septembre prochain lors de l’Assemblée générale des Nations Unies. Avec pour conséquence d’isoler un peu plus des pays comme l’Allemagne ou l’Autriche qui se placent résolument du côté d’Israël. Ses positions sur la Palestine et la réforme de la gouvernance mondiale lui ont enfin valu un rapprochement progressif avec certains pays du Sud global avec lesquels elle participe, en tant qu’observatrice ou partenaire, aux instances comme la CELAC ou le G77 + Chine.
°°°
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/guerre-a-gaza-la-slovenie-interdit-limportation-de-produits-des-colonies-israeliennes-h-fr-8-08-25/