
« Rien ne va en Iran, c’est le chaos. » Le député écologiste Pouria Amirshahi, d’origine iranienne, dénonce l’oubli des victimes des bombardements touchant Téhéran.
Entretien réalisé par Louise MOHAMMEDI.
Si Donald Trump assure que le cessez-le-feu entre Israël et l’Iran est entré en vigueur le 24 juin, les bombardements massifs israéliens et étasuniens ont déjà des conséquences considérables sur les civils. Au moins 657 Iraniens ont été tués et 2 037 blessés depuis l’offensive israélienne du 13 juin, selon les chiffres publiés le 20 juin par Human Rights Activists News Agency, qui s’appuie sur des bénévoles et des sources non gouvernementales. Autant de victimes invisibilisées, dénonce Pouria Amirshahi, député écologiste d’origine iranienne.
Reporterre — Que vous inspire la situation en Iran, pays dans lequel vous êtes né ?
Pouria Amirshahi — Je me sens très tourmenté. Je suis né en Iran, mon père y vit encore. Je réussis à l’avoir sur WhatsApp de temps en temps. Il me donne des nouvelles de lui et du reste de ma famille encore sur place. Pour l’instant, ils vont bien. Mais pour le reste, rien ne va en Iran. C’est le chaos.
Je suis d’autant plus bouleversé que j’ai pris l’avion pour aller aux États-Unis juste après avoir entendu que Donald Trump avait engagé des bombardements. C’est une sensation très étrange de s’envoler vers un pays qui attaque celui dans lequel vous êtes né. L’amertume est rare et insupportable.

Quelles sont les conséquences humaines de ce conflit, souvent présenté à travers le prisme géopolitique ?
Les Iraniens et Iraniennes avaient besoin de relais diplomatiques, pas de ces attaques massives. Avec cette guerre, ils subissent une double peine. Les Iraniens vivent depuis quarante ans sous le joug d’un régime théocratique criminel et, aujourd’hui, ils se font bombarder par Israël et les États-Unis. Ils sont pris en étau.
Les États-Unis et Israël justifient leurs actions en invoquant la lutte contre un régime théocratique et la libération du peuple iranien. Pourtant, le bilan humain est lourd, avec au moins 657 victimes, dont des militantes du mouvement Femme, Vie, Liberté. Que pensez-vous de cette justification ?
Personne ne croit qu’un criminel de guerre est le libérateur ou le héros de l’émancipation iranienne. L’instrumentalisation de la lutte contre le régime théocratique et la libération du peuple iranien est une ignominie absolue. Le fait est que personne n’a agi pour aider les Iraniennes et, désormais, on se sert d’elles dans une propagande comme on marche sur des serpillères.

Avec votre regard de député écologiste, quelles conséquences cette guerre a-t-elle sur l’environnement ?
Les effets de cette guerre sont catastrophiques sur l’environnement. L’Iran était déjà confronté à une raréfaction hydrique. Les bombardements bouleversent et détruisent la faune et la flore. Quand on détruit une zone entière de toute espèce vivante, il n’y a par conséquent pas de reproduction. C’est une dissémination de la mort. Dans cette réalité du chaos, les populations se déplacent, les territoires frontaliers deviennent saturés et la crise écologique va s’y accentuer. On le voit en Palestine, où la lutte contre le Hamas se traduit par une guerre génocidaire et un accaparement des terres.
La crise climatique exacerbe les conflits, et inversement. La situation iranienne en est-elle un exemple concret ?
Oui, c’est une évidence. Le réchauffement planétaire et la raréfaction des ressources, pour des raisons de survie ou des besoins stratégiques, entraînent des conflits. Ces logiques guerrières et de prédation augmentent les urgences climatique et écologique. C’est au nom de celles-ci que les pouvoirs autoritaires, voire dictatoriaux vont s’installer pour justifier le règne de leur ordre.
« La paix n’est pas un vain mot, il y a urgence »
Les frappes israéliennes et étasuniennes ont atteint les principaux sites nucléaires du pays. Quels dangers pèsent réellement sur la population ?
Les frappes israéliennes sont graves, elles peuvent créer des fissures sur des tuyauteries de réacteurs nucléaires. On connaît depuis Hiroshima les conséquences sur les vies humaines à court et long terme, et plus largement sur le vivant et les sols. Si, pour le moment, les médias locaux disent que les risques sont mineurs, je préfère rester prudent avec les informations qu’on nous donne : elles viennent de deux régimes qui ont intérêt à minimiser les dégâts. D’un côté, l’Iran ne veut montrer aucune faiblesse ; de l’autre, Benyamin Netanyahou ne veut pas confirmer qu’il est allé trop loin.
Le terme « guerre préventive » est fréquemment utilisé en France, parfois avec prudence, parfois sans guillemets, reprenant les termes israéliens. Quelles conséquences cette rhétorique a-t-elle sur l’opinion publique française ?
Cette rhétorique légitimise la violence d’un État faite à d’autres États. La conséquence principale est un retour aux alliances et aux guerres jugées acceptables par les nations, sans considération du droit international. La situation iranienne en est un exemple grave puisque le droit de la force prime au détriment du droit international. Aucun pays ne mérite ça. Au Congo, au Soudan, en Ukraine et en Palestine, c’est la même chose. Il y a quelque chose d’universel dans le drame de ces peuples. La paix n’est pas un vain mot, il y a urgence.
°°°
Source: https://reporterre.net/Iran-Israel-La-paix-n-est-pas-un-vain-mot-il-y-a-urgence
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/iran-israel-la-paix-nest-pas-un-vain-mot-il-y-a-urgence-reporterre-25-06-25/