« La dissolution a mis 2 000 personnes au chômage » (Huma 19/06/21)

ASSEMBLÉE NATIONALE-La convocation de législatives anticipées a entraîné la fin des contrats des collaborateurs des députés, explique Manon Amirshahi, de la CGT CP.

Entretien réalisé par Edith GOUJAT.

L’Assemblée nationale, zone de non-droit social, c’est ce qu’avaient montré les récents mouvements de grève des collaborateurs parlementaires. La dissolution en apporte une nouvelle preuve, avec le limogeage de 2 000 assistants, dépourvus de filet de sécurité.

Quelle est l’ambiance à l’assemblée, une semaine après la dissolution ?

L’ambiance est irréelle. C’est violent de perdre son travail comme ça : 2 000 personnes au chômage. Les CDD, les stagiaires et les collaborateurs en poste depuis moins de deux mois ont été licenciés du jour au lendemain. Les autres ont eu dix jours pour vider leurs bureaux. Il y a un état de sidération, d’angoisse et d’errance, ainsi qu’une colère et une crainte liées au contexte politique.

Ces travailleurs n’ont droit à rien ?

Il y a 577 députés, donc 577 employeurs qui font ce qu’ils veulent ! Dans ces circonstances extraordinaires, des mesures extraordinaires auraient dû être prises. Mais l’assemblée refuse d’être notre employeuse alors qu’on peut caractériser le lien qui nous lie à elle. C’est scandaleux et, en même temps, c’est la continuité du mépris à notre encontre depuis toujours. Certaines situations individuelles étaient déjà compliquées car le syndicat était en train de négocier une quinzaine de ruptures conventionnelles. Durant les deux jours post-dissolution, on a croulé sous les appels. On n’avait aucune directive, c’était l’urgence. Puis on a écrit un courrier à la présidente de l’assemblée, aux membres de la questure ainsi qu’aux présidents de groupe de l’ensemble des groupes parlementaires (sauf celui du RN) pour leur demander le versement d’une prime afin de compenser les pertes de salaire, et que l’assemblée maintienne les salaires jusqu’en septembre. Pas de réponse. On avait organisé une grève en novembre 2023, qui avait contribué à créer un rapport de force, mais Yaël Braun-pivet n’a que faire de notre situation. Cependant, elle le sait: s’il faut revenir à la rentrée pour occuper ou faire grève, la CGT sera là pour l’organiser !

Les collaborateurs relèvent-ils du droit du travail ?

On est dans une zone grise, car nos contrats sont officiellement rompus au 17 ou 18 juin. Au Parlement européen, il y a au moins un cadre sécurisant : lors d’une dissolution, un délai permet aux collaborateurs de rester en poste jusqu’à l’arrivée des nouveaux députés. Mais ici, cette situation est symptomatique d’une absence de protection de notre profession. On est peu considérés et reconnus et la dissolution met en lumière la précarité du métier que l’on dénonce. On a eu peu d’informations sur l’accès à nos droits. Et rien n’est fait pour responsabiliser les employeurs, qui ne se considèrent pas comme tels car ils sont presque tous repartis en campagne.

°°°

Source: Humanité du 19 juin 2024-Page 13

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/la-dissolution-a-mis-2-000-personnes-au-chomage-huma-19-06-21/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *