
Le Premier ministre ne veut pas « seulement » supprimer deux jours fériés. Un cycle de « négociations » sur le droit du travail pourrait être lancé rapidement. Là aussi, la ministre du Travail annonce un document d’orientation pour cadrer la « discussion ».
Par Adrien DUQUENOY .
Le Premier ministre ne veut pas « seulement » supprimer deux jours fériés. Un cycle de « négociations » sur le droit du travail pourrait être lancé rapidement. Là aussi, la ministre du Travail annonce un document d’orientation pour cadrer la « discussion ».
« Chaque seconde qui passe, la dette de la France augmente de 5 000 €. Notre pronostic vital est engagé » ou encore « C’est la dernière station avant la falaise et l’écrasement par la dette » a osé François Bayrou le 15 juillet, puis sa ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, de renchérir « nous avons le PIB d’un pays en voie de paupérisation et les dépenses sociales d’un pays riche ».
Ainsi, ceux qui déversent 6 690 euros par seconde aux patrons (211 milliards d’euros aux entreprises par an) et qui entendent consacrer 64 milliards d’euros en 2027 pour les dépenses de guerre, voudraient faire pression sur la population pour qu’elle accepte de… « faire des efforts » !
Bayrou a annoncé son plan de guerre sociale, dans le but annoncé d’économiser 43,8 milliards d’euros dès 2026.
Nous venons de voir ce qu’il en est concernant la remise en cause de la Sécurité sociale. Qu’en est-il du reste ?
Suppression de deux jours fériés
La suppression des deux jours fériés est annoncée « pour tous et de manière non optionnelle ». Les dates concernées envisagées sont le lundi de Pâques et le 8 mai. Ces deux dates ont été mises immédiatement en avant pour occuper l’espace médiatique. Et François Bayrou indiquant, en « grand prince », être prêt à examiner d’autres propositions de date.
Astrid Panosyan-Bouvet a d’ailleurs précisé aux syndicats qu’ils seraient sollicités pour donner leur avis sur les bons jours à supprimer, leur indiquant qu’un document d’orientation leur sera transmis avant le 1er août en vue d’une concertation. Mais celui-ci confirme d’entrée de jeu que le principe même de la suppression ne sera pas à débattre, la concertation ne concernant que les modalités.
Pour justifier la mesure, François Bayrou déclare : « Il faut travailler plus pour accroître la production du pays. » Les nombreux salariés qui travaillent déjà les jours fériés (payés donc double) mais qui seront mécaniquement payés deux fois moins les deux jours retenus ne peuvent que comprendre la réalité d’une telle mesure.
Gain espéré ? 4,2 milliards d’euros.
Offensive contre l’assurance chômage
Pour « lever les obstacles qui tiennent beaucoup de Français éloignés du marché du travail » , Bayrou entend « proposer aux partenaires sociaux » de modifier les paramètres de l’assurance chômage, accusée de « porter une responsabilité dans l’absence de reprise d’emploi ». L’objectif annoncé : bâtir des règles « plus incitatives à l’emploi et à diminuer l’endettement du régime » , a précisé la ministre du Travail, ajoutant « ce que nous souhaitons c’est un accord qui affine l’éligibilité à l’assurance chômage, la durée maximale d’indemnisation et les conditions d’indemnisation des ruptures conventionnelles ».
En langage simple : moins de personnes éligibles, moins longtemps, moins indemnisés.
Syndicats et patronat sont sollicités pour des bilatérales qui devraient commencer dès la fin de la semaine, dans l’optique d’une application courant 2026.
Le gel des prestations sociales et la suppression de l’abattement de 10 % pour les retraités
François Bayrou l’a confirmé : 2026 sera bien une année blanche durant laquelle les prestations sociales ne seront pas indexées sur l’inflation. Autrement dit, « l’ensemble des prestations sociales seront maintenues en 2026 à leur niveau de 2025 et il n’y aura pas d’exception ». Les pensions de retraite seront notamment touchées.
Les barèmes de l’impôt sur le revenu et de la CSG (contribution sociale généralisée) seront eux aussi maintenus à leur niveau de 2025, soit 7,1 milliards d’euros de récupérés sur le dos des salariés.
En parallèle, le plan propose de faire « la chasse aux niches fiscales inutiles ». Ne cherchons pas du côté des capitalistes ou autres spécialistes en la matière, le gouvernement parle des retraités. Ces derniers se voyant supprimer l’abattement pour frais professionnels, permettant pour l’heure de diminuer de 10 % les revenus fiscaux déclarés.
Remise en cause du Code du Travail… ou encore Code du Travail par entreprise…
« C’est simple, il y a à peu près toutes les têtes de chapitre du Code du travail ! Il ne manque que la formule du calcul du Smic ! » , ironise même le journal patronal Les Échos.
Un cycle de « négociations » sur le droit du travail pourrait être lancé rapidement. Là aussi, la ministre du Travail annonce un document d’orientation pour cadrer la « discussion ». Officiellement, l’objectif est de « lever les freins aux recrutements ». Le mot « déverrouiller » revient en boucle. « Le patronat évidemment se frotte les mains » commentent Les Échos.
Le document d’orientation formule comme but un « assouplissement du droit du travail » et le fait de « favoriser l’utilisation des CDD et contrats de travail temporaire ou encore le CDI intérimaire ou de chantier ».
Le document abordera également « la réduction des délais de recours lors de la fin d’un contrat de travail, hors harcèlements ou discriminations » , l’augmentation du temps de travail par le rachat de la « cinquième semaine de congé, pour la monétiser » , le seuil de représentation des salariés dans les conseils d’administration, la lutte contre « l’augmentation des arrêts de travail » , la question du temps partiel subi ou encore la question de l’intelligence artificielle pour en faire « un levier de performance sociale et économique » (traduction : faire avec moins de personnel).
Plus loin encore que les ordonnances Macron de 2017
Autre point du document annoncé, mais qui d’une certaine manière cadre le reste : « renforcer la capacité de négociation collective dans les entreprises ».
« Du côté des syndicats, à l’inverse (du patronat, Nldr), on voit tout cela d’un très mauvais œil (…) (ils) craignent que cette réforme enfonce les ordonnances Macron de 2017 en allant encore plus vers un “Code du travail par entreprise” », analyse à nouveau Les Échos.
Et ils ont bien raison de le craindre.
C’est exactement ce qu’annonce la ministre du Travail en déclarant dans son discours de présentation : « Ce que nous voulons faire, c’est donner la possibilité de ces questions aux entreprises par accord là où c’est uniquement possible aujourd’hui au niveau des branches professionnelles ».
Ce qu’elle souhaite, c’est simplement que ces questions se discutent et se définissent là où le rapport de force est le plus défavorable pour les salariés.
Voilà ce que le gouvernement Macron-Bayrou propose aux syndicats de « discuter », annonçant par ailleurs que tout ceci donnerait lieu à une « adoption » par ordonnances dès l’automne, avant d’autres textes spécialement dédiés à certains secteurs courant 2026.
Le 7 juillet dernier, dans une tribune cosignée avec le Medef, les directions syndicales de la CGT, de FO et de la CFDT demandaient au gouvernement davantage de « concertation », celle-ci permettant « d’inventer collectivement des solutions équilibrées et acceptées par nos concitoyens » ou encore « rapprocher les points de vue, de dépasser les clivages ».
Dans le précédent numéro d’Informations ouvrières, nous indiquions que ce positionnement ne se fait pas sans difficultés dans leurs propres rangs… Des difficultés qu’elles doivent donc bien un minimum intégrer. Ainsi, à l’issue de l’intersyndicale des confédérations, on apprend que CGT et FO refusent de participer aux bilatérales proposées par Bayrou cette semaine.
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Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/07/27/lautre-cible-du-plan-bayrou-le-code-du-travail/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/lautre-cible-du-plan-bayrou-le-code-du-travail-io-fr-27-07-25/