
Saisi par les parlementaires de gauche, le Conseil constitutionnel a censuré la réintroduction de l’acétamipride, un pesticide interdit, dans texte contesté par près de 2,1 millions de pétitionnaires.
Par Anthony CORTES & Camille AUBERTIN.
Même partielle, c’est une victoire pour les opposants à la loi Duplomb. Ce jeudi 7 août, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision autour du texte controversé. Résultat : la réintroduction de l’acitamépride, pesticide de la famille des néonicotinoïde, est censurée.
Contestée par plus de 2,1 millions de personnes signataires d’une pétition demandant son abrogation, la loi Duplomb prévoit la réintroduction de l’acétamipride, pesticide interdit en France depuis 2018, pour une durée minimum de trois ans. Bien que plusieurs études internationales pointent sa nocivité sur la biodiversité, mais aussi sur les humains, et qu’il existe de nombreuses alternatives, comme l’a rappelé l’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire) ces dernières semaines.
D’autres part, le texte porté par le sénateur LR entend faciliter la construction de méga-bassines, ces retenues d’eau artificielle réservée à une minorité d’agriculteurs, tous serviteurs de l’agro-industrie, en les élevant au rang de projets « d’intérêt général majeur ». Par ailleurs, pour favoriser l’élevage intensif, les seuils réglementaires pour qu’un élevage soit soumis aux autorisations environnementales, ont été relevés. Des points pour leur part validés par le Conseil constitutionnel.
Autant de points qui ont provoqué de vives inquiétudes, mais qui ne sont pas les seuls éléments problématiques. La loi Duplomb s’attaque également aux agences de contrôle, comme l’Office français de la biodiversité (OFB). Celle-ci passe par ces dispositions sous la tutelle des préfets. Ce qui fait craindre à ses agents de possibles pressions politiques visant à éviter que certaines remontées soient faites à l’autorité judiciaire.
Un débat confisqué
A l’initiative de la saisine du Conseil constitutionnel, les parlementaires de gauche voyaient un texte incompatible avec le principe de précaution en matière de santé et contraire à la Charte de l’environnement qui est à valeur constitutionnelle, citant « le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».
Des dispositions par ailleurs adoptées sans débat dans l’hémicycle, au grand désarroi de ces élus. « Nous voulions saisir l’opportunité de ce texte pour un vrai débat sur l’agriculture, rappelle le député écologiste Benoît Biteau, pour qui la seule menace sur la souveraineté alimentaire, « c’est l’effondrement de la biodiversité, le dérèglement climatique, pas la suppression d’une molécule ou d’une autre ». Saisi aussi sur ce point, le Conseil a jugé que la procédure d’adoption du texte était conforme à la Constitution.
Peu de temps avant la décision, plusieurs dizaines de personnes, mobilisées contre ce texte depuis plusieurs semaines, se sont réunies devant le Conseil constitutionnel, rue de Montpensier à Paris. Parmi elles, Fleur Breteau, fondatrice du collectif Cancer colère. « La loi Duplomb est un symptôme d’un système complètement défaillant qui ne nous assure ni la souveraineté alimentaire, ni notre santé. Quelle que soit la décision des juges, la colère exprimée par l’intermédiaire de cette pétition ne s’évaporera pas », promettait-elle.
Quelques minutes après cette décision, l’Elysée a réagi en précisant qu’Emmanuel Macron « a pris bonne note de la décision du Conseil constitutionnel et promulguera la loi telle qu’elle résulte de cette décision dans les meilleurs délais ».
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