
Les médias Disclose et France 2 ont réalisé une enquête accablante sur cette famille multimilliardaire
Dans la galaxie des capitalistes et capitaines d’industrie français, il existe une famille particulièrement discrète mais qui enchaîne les scandales depuis quelques mois : le groupe Mulliez. Cette grande famille de l’industrie française depuis 6 générations a d’abord fait fortune dans le textile, puis s’est diversifiée dans une ribambelle d’enseignes qui peuplent nos centres commerciaux : Auchan, Décathlon, Kiabi, Leroy Merlin, Norauto, Boulanger, Flunch, Jules, Saint-Maclou… la liste est longue et vertigineuse tant cette famille possède la majorité des grands magasins français.
L’AFM : quand la famille Mulliez protège ses intérêts
Toutes ces entreprises sont rassemblées dans un groupement d’intérêt économique appelé Association Familiale Mulliez (AFM). Pour intégrer ce groupement, il faut appartenir à la famille Mulliez ou avoir un lien par alliance, mais avec éjection en cas de divorce. Le business est vraiment une histoire de famille rapprochée. En effet, depuis les années 1990, le nombre d’actionnaires de la famille a doublé, passant de 500 à 1000 ! Cette situation crée mathématiquement une dilution des parts et des dividendes.
Parallèlement, les entreprises du groupe connaissent des vagues de licenciement massives ces dernières années : 980 chez Flunch, 257 chez Pimkie, 1000 chez Alinéa. Fin 2024, Décathlon annonçait la suppression de plus de 2.400 emplois alors que le groupe Mulliez est gavé d’argent public, via le fameux CICE, le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. L’Etat français a offert à ce clan fortuné des centaines de millions d’euros.
Cette situation est-elle due à l’appétit toujours plus gros de la famille Mulliez, dont les membres voient les parts du gâteau rétrécir à mesure qu’elle s’agrandit ? C’est ce que laisse penser une enquête de Cash investigation, qui dévoile que l’AFM n’a pas d’existence légale en tant que maison mère de toutes les entreprises du groupe alors même que les membres l’AFM se réunissent en Assemblée Générale afin de distribuer aux actionnaires les dividendes du groupe. Un montage juridique qui rend impossible de considérer les entreprises comme liées entre elles aux yeux de la loi, même si elles le sont dans les faits.
Ce montage permet d’un côté de justifier des suppressions d’emplois dans une entreprise en difficulté, comme récemment avec Auchan, mais il permet aussi de l’autre côté à Décathlon de reverser 1,4 milliard d’euros de dividendes à l’AFM. D’après les syndicalistes d’Auchan et les avocats des salarié-es, dans n’importe quel autre groupe, les salarié-es licencié-es auraient dû être reclassé-es dans d’autres filiales plus rentables. Ce reclassement aurait été assez simple car les magasins des Mulliez sont très souvent regroupés dans les grands centres commerciaux qui enlaidissent les périphéries de nos villes ou dans des zones industrielles. Mais la direction d’Auchan a tout de suite refusé, rabâchant encore une fois que toutes les entreprises des Mulliez étaient des entreprises juridiquement différentes.
Alinéa : quand la famille Mulliez a le sens des affaires
Une autre entreprise à fait l’objet d’un plan de licenciement massif en 2020 : Alinéa, magasin d’ameublement. Un millier de salarié-es de la firme se sont retrouvé-es viré-es au prétexte d’un « contexte » tendu suite aux Gilets Jaunes et au Covid. La réalité c’est qu’en 2020 Alinéa était endettée à hauteur de 180 millions d’euros et n’avait pas fait de bénéfices depuis une dizaine d’années. Une situation qui datait donc d’avant la crise du Covid et des manifestations massives des Gilets Jaunes.
En 2020, l’entreprise est au bord de la faillite, mais ses dirigeants profitent d’une « ordonnance spéciale Covid » qui permet aux entreprises de déposer le bilan et d’être rachetées ensuite sans reprise des dettes accumulées. La famille Mulliez à donc pu, en toute légalité, effacer ses 180 millions de dettes en rachetant l’entreprise à travers une autre de leurs firmes, ce qui leur a permis de repartir de zéro tout en licenciant un millier de personnes. Merci Macron, Mozart de la finance et grand protecteur de la bourgeoisie capitaliste.
Décathlon : travail forcé et déforestation à fond la forme
Plus glaçant encore, le reportage de Cash investigation révèle que les usines textiles chinoise Décathlon emploient des enfants et se fournissent en coton provenant de la province du Xinjiang. Or le coton originaire de cette région fait l’objet de sanctions internationales car il est issu de camps de travail forcés où son enfermés des milliers de Ouïghours, une minorité musulmane persécutée par le pouvoir chinois.
On apprend aussi que l’usine Décathlon a reçu des subventions de la part de l’État chinois pour accueillir des travailleurs et travailleuses Ouïghours et de Corée du Nord, allant même jusqu’à faire une vidéo promotionnelle pour les inciter à venir. Ces déplacements de travailleurs forcés ont été filmés et présentés dans des vidéos gouvernementales comme des événements festifs. La famille Mulliez est ainsi complice du régime totalitaire chinois, accusé de génocide par de nombreuses organisations internationales.
L’entreprise française a même été alertée dès 2021 par le haut commissariat aux droits humains de l’ONU, qui avait adressé un courrier demandant à Décathlon de fournir les preuves que ses fournisseurs n’ont par recours au travail forcé. D’après Disclose, à ce jour aucune preuve n’a été avancée par Décathlon. Le congrès américain serait même entrain d’examiner une interdiction des produits Décathlon, car le coton du Xinjiang est interdit d’importation aux États-Unis, alors même que la marque de sport Tarmak est en contrat avec la NBA.
Mais ce n’est pas tout : une autre enquête du média d’investigation Disclose pointe encore Décathlon comme profitant de la déforestation de l’Amazonie au Brésil. À travers des sociétés d’import-export, les chaussures de la marque Quechua sont fabriquées au Vietnam à partir de cuir provenant d’élevages bovins implantés en détruisant illégalement la forêt au Brésil. Au vu des volumes de cuir vendus par Décathlon, on ne parle pas de quelques hectares mais d’une zone représentant huit fois la surface de Paris dans une zone à la biodiversité unique. En 2022 et 2023, 81.000 hectares du Pantanal, véritable réservoir du vivant, ont été empoisonnés avec un herbicide ultra-toxique proche de l’agent orange, afin d’accélérer la déforestation au profit de la filière bovine. Un crime écocidaire.
Entre-soi, détournement des politiques publiques à son profit, rapacité, exploitation de la misère, destruction de l’environnement… La famille Mulliez est un concentré de ce que la bourgeoisie capitaliste peut faire de pire. Pour la seule raison que ses membres ont hérité d’un empire industriel – lui même construit en exploitant la sueur et à la souffrance des ouvriers du textiles du Nord de la France – et son nés avec une cuillère en argent dans la bouche. Quand est-ce qu’on leur retire ?
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