Le Liban fait ses adieux au musicien, dramaturge et révolutionnaire emblématique Ziad Rahbani. (Peoples Dispatch – 31/07/25)

Funérailles de Ziad Rahbani Beyrouth
Des personnes en deuil dans la capitale libanaise Beyrouth lors du cortège funèbre de Ziad Rahbani. Photo : Haitham Moussawi / Al Akhbar Englis

L’artiste communiste autoproclamé a longtemps été célébré par la nation arabe comme une voix inflexible de la résistance et de la révolution.

Par Aseel Saleh

Des milliers de personnes ont pris part à un cortège funèbre solennel en l’honneur du célèbre compositeur et satiriste politique Ziad Rahbani dans la capitale libanaise, Beyrouth, le lundi 28 juillet. La procession a eu lieu deux jours après sa mort à l’âge de 69 ans, apparemment des suites d’une crise cardiaque.

Des foules de personnes en deuil se sont rassemblées devant l’hôpital Khoury, à l’est de Beyrouth, où Al-Rahbani est décédé, avant de se rendre à l’église Notre-Dame de la Dormition dans la ville de Bikfaya, au Mont-Liban, pour lui rendre un dernier hommage.

La notoriété de Ziad n’était pas seulement due au fait qu’il était le fils de la diva arabe et chanteuse de renom Fairuz, ni à sa descendance de l’éminente école d’art Rahbani (connue sous le nom de Rahbani Brothers). C’était plutôt à cause de ses œuvres d’art uniques qui combinaient les idées les plus nobles de la révolution, de la résistance, du patriotisme et de l’amour.

Sa satire a également éveillé la conscience des Libanais et des Arabes ordinaires, au milieu des troubles politiques, des contradictions sociales et d’une lutte séculaire contre l’impérialisme.

Ziad était un artiste et un auteur prolifique, en plus d’être un animateur de radio et un journaliste écrivant pour différents journaux libanais, dont Al-Nidaa, An-Nahar et Al-Akhbar.

Le prodige de la musique

Ziad al-Rahbani, né en 1956, a fait preuve d’un talent prodigieux dès son plus jeune âge. Il a commencé à composer à l’âge de 7 ans, a publié un recueil de poésie à l’âge de 12 ans et a écrit et joué sa première pièce de théâtre à l’âge de 18 ans.

Le pionnier du « Jazz Oriental »

Bien que ses premières œuvres aient été influencées par les frères Rahbani, qui s’inspiraient des traditions folkloriques libanaises, Ziad a rapidement créé sa propre forme de musique, qu’il a appelée « Oriental Jazz », en mélangeant la musique folklorique libanaise et arabe classique avec le jazz et d’autres genres, notamment le flamenco, le tango et le funk.

La guerre civile libanaise : un tournant dans la vie personnelle, la politique et l’art de Ziad

La guerre civile libanaise, complexe et dévastatrice, qui s’est étendue de 1975 à 1990, a façonné les opinions politiques de Ziad et a eu un grand impact sur sa vie personnelle et ses œuvres d’art.

Après que les milices chrétiennes de droite libanaises ont assiégé et massacré environ 1 500 Palestiniens dans le camp de réfugiés de Tal el-Zaatar à Beyrouth en 1976, Ziad, qui est né et a grandi en tant que chrétien orthodoxe grec, a décidé de s’installer à Beyrouth-Ouest, à majorité musulmane, quittant sa maison familiale à Beyrouth-Est, à majorité chrétienne.

Dans une interview accordée en 2012 à la chaîne de télévision d’Al Mayadeen, le journaliste et militant tuniso-libanais Ghassan Ben Jeddo, Ziad a expliqué comment le massacre de Tal el-Zaatar a contribué à son éveil politique et motivé sa position pro-palestinienne.

Les événements tragiques de la guerre civile libanaise ont révélé l’approche fasciste des partis de droite au Liban, poussant Ziad vers des mouvements de gauche. On pense qu’il s’est d’abord engagé dans des activités politiques avec le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et son parti frère libanais, le Parti d’action socialiste arabe-Liban, avant de finalement rejoindre le Parti communiste libanais.

Au lendemain de la guerre civile, ses pièces de théâtre et ses chansons se sont concentrées sur les complexités politiques et sociales du Liban qui ont résulté de la guerre, telles que le sectarisme, la lutte de la classe ouvrière et la corruption.

La voix inflexible de la résistance et de la révolution

Les chefs-d’œuvre musicaux et théâtraux de Ziad, ainsi que sa critique politique, ont été une incarnation vivante de la résistance et de la révolution contre le projet impérialiste-sioniste dans la région de l’Asie occidentale.

« Vous ne construirez jamais un pays tant qu’Israël sera à votre porte, et vous n’atteindrez jamais la justice et la liberté lorsqu’ils vous contraindront entre deux choix ; soit votre sécurité, soit votre dignité », affirme Ziad dans l’une de ses citations les plus célèbres.

« On Their Own » : la mélodie immortelle de la résistance et de la révolution de Ziad

Le légendaire musicien libanais a écrit et composé de nombreuses chansons qui glorifiaient la résistance et la révolution contre l’occupation israélienne. Son chef-d’œuvre « On Their Own » (ou Wahdon en arabe) a été particulièrement ancré dans la conscience du peuple arabe.

Les paroles de la chanson ont été écrites par l’éminent poète libanais Talal Haidar, et chantées mélodieusement par la diva Fairuz. Elle est devenue une mélodie immortelle de résistance et de révolution après avoir été composée de manière créative par Ziad.

La chanson raconte le dernier voyage des trois combattants de la résistance arabe Yaseen al-Houzani (d’Irak), Ahmad Mahmoud (de Syrie) et Munir al-Mughrabi (de Palestine), alors qu’ils traversaient la frontière entre le Liban et la Palestine occupée pour mener l’opération Al-Khalisa dans la colonie israélienne illégale de Kiryat Shmona en 1974.

Les airs de Ziad ont réussi à créer une affinité entre les auditeurs et les trois héros, qui ont été assassinés après avoir tué 18 soldats israéliens au cours de l’opération.

La rhapsodie déclenche une profonde nostalgie chez le public, ravivant son espoir que les patriotes extraordinaires reviendront vivants de l’opération. Cela provoque également un profond sentiment de vénération pour leur sacrifice.

Ziad restera ineffaçable dans la mémoire collective arabe

Pour beaucoup, l’héritage de Ziad restera ineffaçable dans la mémoire collective de la nation arabe, non seulement en raison de son art ou de ses idées politiques, mais aussi parce qu’il a choisi d’être une personne qui s’est affiliée aux gens ordinaires et a consacré sa vie à exprimer leurs préoccupations. Le FPLP a pleuré Ziad dans une déclaration publiée samedi :

« Ziad Rahbani était plus qu’un artiste ; Il était une conscience nationale vivante et un intellectuel engagé dans les causes de son peuple, se rangeant toujours du côté des pauvres et des marginalisés, et rejetant l’injustice, la tyrannie et le sectarisme. Il n’a jamais été neutre. Au contraire, il a soutenu les pauvres, le peuple, la Palestine, Gaza et les révolutionnaires, qui ne demandaient rien d’autre qu’une patrie qui ne soit pas à vendre et une vie sans humiliation.« 

Source : https://peoplesdispatch.org/2025/07/31/lebanon-bids-farewell-to-iconic-musician-playwright-and-revolutionary-ziad-rahbani/

URL de cet article : https://lherminerouge.fr/le-liban-fait-ses-adieux-au-musicien-dramaturge-et-revolutionnaire-emblematique-ziad-rahbani-peoples-dispatch-31-08-25/

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