
Par Larry C. Johnson
Je vais vous donner la conclusion d’emblée : les sionistes, et pas seulement le Premier ministre israélien Netanyahu, rejettent totalement une solution à deux États. En conséquence, le Plan de paix de Donald Trump pour Gaza est kaput d’entrée. Mort-né.
Le président Trump, lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche avec Benjamin Netanyahu, a dévoilé une proposition détaillée pour mettre fin à la guerre Israël-Hamas à Gaza, qui fait rage depuis octobre 2023 et a fait plus de 66 000 morts palestiniens et des destructions généralisées. Le plan, officiellement intitulé Plan global du président Donald J. Trump pour mettre fin au conflit à Gaza, est structuré comme un cadre en 20 points (bien que certains rapports le qualifient de 21 points, incluant éventuellement un préambule introductif). Il met l’accent sur un cessez-le-feu immédiat, la libération des otages, le désarmement du Hamas et son exclusion de la gouvernance de Gaza, une supervision internationale, la reconstruction massive et un vague chemin vers l’autodétermination palestinienne. Netanyahu a approuvé le plan, déclarant qu’il atteignait les objectifs de guerre d’Israël, tandis que Trump a averti que le Hamas devait l’accepter ou faire face à la destruction totale avec le soutien des États-Unis à Israël. Le Hamas a déclaré qu’il n’avait pas reçu la proposition écrite, mais qu’il l’étudierait de bonne foi.
Le plan s’appuie sur des éléments d’idées américaines antérieures (par exemple, le cadre des Accords d’Abraham de Trump en 2020 et une proposition franco-saoudienne) et sur les contributions de personnalités comme l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, qui a contribué aux concepts de gouvernance d’après-guerre. Il a été présenté pour la première fois dans un projet en 21 points aux dirigeants arabes et musulmans lors de l’Assemblée générale des Nations Unies le 24 septembre 2025, recevant un soutien conditionnel de pays comme l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite et le Qatar, qui ont salué les efforts pour mettre fin à la guerre, mais ont insisté pour qu’il n’y ait pas de déplacement des gazaouis, le retrait total d’Israël et une solution à deux États. Le président turc Erdogan a salué les « efforts et le leadership » de Trump pour un cessez-le-feu, tandis que l’Autorité palestinienne exprimait sa confiance en sa capacité à trouver un chemin de paix.
Les critiques, y compris le Jihad islamique palestinien, l’ont qualifié de “recette pour faire exploser la région”, arguant qu’il marginalise les Palestiniens et permet leur contrôle par la sécurité israélienne. Le plan évite les déplacements forcés, mais autorise les départs volontaires, contrastant avec l’idée controversée de Trump en février 2025 de réaménagement dirigé par les États-Unis en une “Riviera du Moyen-Orient” avec une réinstallation massive des gazaouis (plan qui a fait face à des réactions négatives et a ensuite été adoucie). Le plus grand indice montrant que ce plan n’est rien de plus qu’une tromperie est la présence du gendre de Trump, Jared Kushner, pendant l’annonce. Le rêve de Jared de construire des complexes hôteliers sur les plages de Gaza reste intact.
Voici les soi-disant faits saillants de la proposition Trump :
Cessez-le-feu immédiat et libération des otages – La guerre prend fin immédiatement après son acceptation mutuelle – Toutes les opérations militaires cessent ; les lignes de bataille se figent – Libération des ~ 20 otages vivants et des corps des 25 + décédés dans les 48 à 72 heures – Israël libère des milliers de prisonniers palestiniens en échange – Les hostilités sont interrompues pendant les négociations.
Désarmement et amnistie du Hamas – Le Hamas doit désarmer complètement, renoncer à la gouvernance et se dissoudre en tant qu’entité militaire – Amnistie pour les membres s’engageant à la « coexistence pacifique » et au démantèlement des armes ; ils peuvent rester à Gaza – Passage en toute sécurité pour ceux qui souhaitent partir vers les pays d’accueil (pas d’expulsion forcée) – Gaza devient une « zone déradicalisée et sans terrorisme » ne présentant aucune menace pour les voisins.
Retrait israélien et sécurité – Retrait israélien progressif de tout Gaza – Israël conserve un « périmètre de sécurité / zone tampon » jusqu’à ce que Gaza soit considérée comme à l’abri des menaces terroristes (critères non définis, potentiellement indéfinis) – Déploiement d’une force internationale de stabilisation (ISF), probablement d’États arabes/musulmans (par exemple, Égypte, Émirats arabes Unis), sous la supervision de l’ONU pour le transfert de sécurité.
Gouvernance et supervision – Un comité palestinien technocratique et apolitique temporaire (Palestiniens qualifiés + experts internationaux) gère les services quotidiens (par exemple, les municipalités, les services publics) – Supervisé par un nouveau « Conseil de la paix« , présidé par Trump, avec des membres dont Tony Blair et d’autres chefs d’État – Le Conseil supervise le cadre et le financement jusqu’à ce que l’Autorité palestinienne (AP) achève les réformes (conformément au plan Trump de 2020 et à la proposition saoudo-française) et reprenne le contrôle – Pas d’occupation ou d’annexion israélienne de Gaza ou de la Cisjordanie.
Aide humanitaire et reconstruction – Afflux d’aide immédiat et sans restriction conformément à l’accord du 19 janvier 2025 : nourriture, eau, fournitures médicales, réhabilitation des infrastructures (eau, électricité, égouts), hôpitaux, boulangeries, enlèvement des gravats – Le passage de Rafah s’ouvre de manière bidirectionnelle selon les mécanismes antérieurs – « Plan de développement Trump » : Réaménager Gaza au profit des résidents en une zone prospère (par exemple, des pôles économiques, pas de détails sur la vision de la « Riviera« ) – Financement via des partenaires internationaux ; mettre l’accent sur la déradicalisation et le changement de mentalité par le dialogue interreligieux.
Horizon politique à long terme – dialogue dirigé par les États-Unis entre Israël et les Palestiniens pour une « coexistence pacifique« – La voie vers l’autodétermination/l’État palestinien en tant qu’“aspiration”, subordonnée aux réformes de l’Autorité palestinienne, au réaménagement de Gaza et à la sécurité – Favorise la « tolérance » via des changements narratifs ; Gaza intégrée à la Cisjordanie dans un État potentiel selon le droit international.
Trump a apparemment ignoré le discours de Netanyahu à la 80e Assemblée générale des Nations Unies le 26 septembre 2025. Le discours était provocant, se concentrant sur les actions militaires d’Israël à Gaza, les accusations de génocide contre Israël et les menaces régionales de l’Iran et du Hezbollah.
En ce qui concerne la solution à deux États – en particulier, la création d’un État palestinien souverain – Netanyahu l’a explicitement rejetée, la décrivant comme une concession dangereuse qui permettrait de nouvelles attaques contre Israël. Il a fait valoir qu’un tel État deviendrait inévitablement un “État terroriste” contrôlé par des groupes comme le Hamas, citant l’attaque du 7 octobre 2023 comme preuve que l’État palestinien dans les conditions actuelles constitue une menace existentielle. Sa rhétorique a souligné qu’Israël n’accepterait pas les solutions imposées par la communauté internationale, donnant la priorité au contrôle de la sécurité sur la Cisjordanie (appelée Judée et Samarie) et Gaza.
Lors du dévoilement du plan aujourd’hui, pendant la conférence de presse conjointe, Netanyahu a approuvé la proposition, mais a évité de s’engager sur un résultat à deux États. Il a déclaré « Ce plan atteint les objectifs de guerre d’Israël – détruire la capacité militaire du Hamas, sécuriser nos frontières et s’assurer que Gaza ne représente aucune menace« . Lorsqu’il a insisté sur la création d’un État palestinien, il a dévié en disant : « La paix exige d’abord la sécurité, pas des notions abstraites de souveraineté qui ignorent la réalité« . La vague “voie vers l’autodétermination” du plan Trump lui a permis d’éviter un rejet explicite tout en maintenant le contrôle sécuritaire d’Israël sur Gaza et la Cisjordanie.
Mais tout cela n’est rien de plus qu’un théâtre politique destiné au public américain. La position de Netanyahu sur la solution à deux États est cohérente depuis octobre 2023 :
- 18 Janvier 2024 (Conférence de presse) : Netanyahu a rejeté les appels américains en faveur d’un État palestinien, déclarant : “Dans tout arrangement futur Israël doit avoir le contrôle de la sécurité sur tout le territoire à l’ouest du Jourdain. Cela se heurte à l’idée de souveraineté [pour les Palestiniens]. » Il a soutenu qu’un État palestinien deviendrait une “base terroriste” comme Gaza après le désengagement de 2005.
- Février 2024 (Déclaration du Cabinet) : En pleine propositions américaines et arabes pour un plan d’après-guerre à Gaza avec un horizon à deux États, le gouvernement de Netanyahu a adopté une résolution rejetant les « diktats internationaux » pour un État palestinien, déclarant que cela « causerait un préjudice sans précédent à Israël » et récompenserait le terrorisme du 7 octobre. Il a souligné : “Israël continuera de s’opposer à la reconnaissance unilatérale d’un État palestinien.”
- 17 Juillet 2024 (Discours de la Knesset) : Face à la pression internationale renouvelée, Netanyahu a réitéré : « Nous ne permettrons pas l’établissement d’un État terroriste en Judée-Samarie [Cisjordanie] qui mettrait en danger notre existence. La réponse est non. » Il a cité le contrôle de Gaza par le Hamas comme preuve que la création d’un État palestinien conduirait à un militantisme soutenu par l’Iran.
Je ne crois pas que Netanyahou ait changé d’avis. Je crois aussi que la majeure partie de sa réunion privée avec Trump a été consacrée à discuter de la prochaine série d’attaques contre l’Iran. Tant pis pour le prix Nobel de la paix de Trump. Ni Trump ni Netanyahu ne sont sérieux au sujet d’une conclusion pacifique de la guerre génocidaire d’Israël. Les tueries continueront.
Larry C. Johnson
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
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Source: Sonar 21
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