Après quatre ans d’occupation, Quimper (Finistère) est libérée, le 8 août 1944, après quatre jours qui s’écoulent entre résistance et confusion.
Par Soizic ROBET.
« Le bruit se répand que les Américains feront leur entrée à Quimper vers les 17 h, qu’ils sont déjà à Gourin. » Comme le rappellent les historiens Alain Le Grand et Georges-Michel Thomas dans l’ouvrage Finistère dans la Guerre, 1939-1945, le vendredi 4 août 1944, Quimper espère sa libération.
Imminente
Les Forces Françaises de l’Intérieur et des Francs-Tireurs et Partisans se tiennent prêts depuis la veille aux abords de la ville, galvanisés par le signal de soulèvement général diffusé par la BBC le 3 août : « Le chapeau de Napoléon est-il toujours à Perros-Guirec ? » En centre-ville, les drapeaux français flottent aux fenêtres et, bientôt, sur l’une des flèches de la cathédrale Saint-Corentin.
Rue de la Providence, Simone Le Bossé, organiste venue se réfugier en Bretagne, écrit à sa cousine Elisabeth : « Les choses se précipitent d’une façon imprévue […] Les gens qui ont la TSF* disent que les Américains approchent à vive allure […] Les rues sont pleines de gens endimanchés, débordants de gaîté. »
Un sanglant week-end
Une excitation exacerbée par l’inaction des Allemands : ils ont reçu l’ordre « d’évacuer les secteurs qui ne peuvent être tenus et de rallier Lorient ». Ceux qui restent sont rassemblés du côté du Likès et de Kerfeunteun.
Farine, viande, bouteilles, divers matériels : après quatre ans de pénuries, « des pillages » – comme ils sont qualifiés dans les rapports de police – ont lieu aux quatre coins de la ville, notamment dans les locaux déjà abandonnés par les Allemands.
Mais en fin de journée, les Américains ne sont toujours pas là, et la situation se corse dès le 5 août. Une colonne des troupes russes enrôlées par les Allemands (l’armée Vlassov), en route pour Brest, entre à Quimper.
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« Ils tirent dans toutes les fenêtres pavoisées », résument les historiens. « Samedi 5, nous nous demandons s’il faut mettre le nez dehors, relate Simone Le Bossé. Un peu plus tard, nous voyons sur la ville une épaisse fumée. C’est la préfecture que les Allemands ont incendiée, un joli monument en style breton renaissance. » Le lendemain, elle questionne : « Sortirons-nous, ne sortions-nous pas ? Irons-nous à la messe, n’irons-nous pas ? »
Les échanges de tirs s’intensifient tout le week-end faisant morts et blessés. Dans ses carnets personnels, le Quimpérois Jean Grall, engagé dans la 6e compagnie des FFI,commente : « La pagaille continue. »
Quatre jours de confusion
Les jours passent, les altercations se poursuivent et le mardi 8 août, la confusion règne : « On comprend de moins en moins. La radio nous parle de la prise de Vannes puis d’opérations au sud de Rennes. Tout cela s’éloigne. »
Pourtant, en fin d’après-midi, après de derniers combats aux abords de la ville et alors que les Allemands quittent la ville, Quimper est libérée.
Le 9 août, c’est l’allégresse, selon les lettres de Simone Le Bossé : « La ville devient grouillante. Tout le monde (enfin, la majorité) exulte. » Après le défilé des troupes de la Résistance, « la grande attraction de la soirée a été l’arrestation de gens accusés de collaboration, surtout des femmes qui fréquentaient des Allemands […] On leur rasait la tête et on les emmenait sous les rires et les huées de la foule. »
Et les Américains ?
Plus d’un mois plus tard, le 22 septembre 1944, arrivant de la presqu’île de Crozon, les Américains traversent finalement Quimper, sous les yeux de la foule rassemblée. « Ils sourient de leurs dents blanches tout en mâchant leur chewing-gum », relatent les historiens. Quimper, elle, s’est déjà libérée.
La ville de Quimper commémore la Libération ce jeudi 8 août 2024, à 11 h, au monument de la Libération, allée de Locmaria.
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