Les grands retournements-note de blog de JL Mélenchon (30/07/25)

Attribution: © European Union, 2025

L’été va à son pas. Mais ça pique chaque jour comme dans une veillée d’armes. Et sur chaque front d’actions engagé depuis plusieurs mois s’observent des retournements d’opinion majeurs. Et cela conforte la valeur de l’implication et de la ténacité militante dans l’arène politique. 

L’abordage du Handala et le kidnapping de ses équipiers a produit son choc. Les aboyeurs qui répétaient les éléments de langage du CRIF à l’occasion du Madleen et de Rima Hassan ont disparu. Fini leurs grasses accroches « la croisière s’amuse ». En revanche, eux ne s’amusent plus c’est clair. Le retournement complet de l’opinion est palpable dans tous les milieux. Dans une saison peu propice, l’intérêt apporté à l’action du Handala a été une contribution forte à la mobilisation. Et finalement elle ne se sera jamais interrompue dans notre pays. Elles sont formidables ces centaines de personnes qui se sont rassemblées et qui ont maintenu la pression partout, aggravant chaque fois l’isolement des amis de Netanyahu. La vérité est que personne n’a pu vraiment passer des vacances l’esprit libre tant l’horreur du crime de Gaza est devenu un sujet commun de pensées et d’échanges. En Israël aussi, dit-on, s’affirme une résistance morale et politique concrète à mesure que se comptent les morts dans les rangs de son armée. Et sans doute également à mesure que se constatent les ravages psychologiques et moraux des ordres reçus et mis en œuvre ou refusés par les jeunes conscrits israéliens. Une génération d’assassins a été éduquée à la barbarie. Mais nombreux sont celles et ceux qui refusent d’en être. Rien n’est plus rassurant sur la condition humaine que de faire ce constat : chacun reste libre de ses choix moraux personnels en toutes circonstances. L’humanisme philosophique y a sa racine. La dure morale de la responsabilité que nous enseignons y puise sa raison d’être. Tant qu’il y aura des soldat.es déserteurs, des refuzniks qui se suicident nous saurons qu’une équation mortelle est en échec : ni les Israéliens, ni les juifs ne sont ce qu’en dit Netanyahu ni ce qu’il voudrait qu’ils soient. Les criminels sont seuls responsables de leurs crimes. À l’évidence, le moment venu il faudra réparer les dégâts. Car le seul résultat de la campagne odieuse qui a conduit à qualifier d’antisémite toute critique de la politique du gouvernement d’Israël et de son colonialisme meurtrier est que des milliers de gens confondent désormais de bonne foi pour notre malheur commun, juifs, Israël et Netanyahu. C’est à cette pente aussi qu’il faut s’opposer chaque fois que nécessaire. Le but est le discernement individuel des responsabilités. Car la cause politique de ces horreurs n’effacera jamais la responsabilité que chacun doit prendre même dans le devoir d’obéissance des militaires. Dans le combat que nous menons, refuser le système de la responsabilité collective c’est se donner le moyen de construire l’isolement politique de l’ennemi et sa défaite. L’ennemi c’est le camp des racistes israéliens, de leurs suprématistes et de ceux qui partagent leur idéologie et leurs plans. C’est le fameux « socle » de complices que félicitait la députée macroniste Yadan. Et pour ce qui nous concerne, l’objectif politique est l’unité éclairée et consciente politiquement de notre peuple contre tous les suprématistes et les racistes qui veulent le voir se déchirer.  

Les députées insoumises, Gabrielle Cathala et Emma Fourreau sont de retour à Paris depuis mardi soir. Tant que tous les équipiers de la flottille n’auront pas été libérés, on doit se tenir prêts à l’action dans toutes ses formes. Et l’action continue parce que l’abomination sadique du génocide de Gaza continue. Des propositions de largages humanitaires ont été faites de nombreux côtés. Netanyahu a dû prétendre vouloir en faire aussi ! On en comprend la manœuvre. Dès lors, « Médecins sans frontières », par exemple, a raison de dire qu’en réalité les vivres sont déjà sur place dans les camions. Le seul obstacle est politique : c’est celui du refus de Netanyahu de les laisser passer. Le déblocage est dans le champ d’action des gouvernements de l’union européenne. Mais le sommet avec Trump a montré la conversion de fait de cette union en colonie des USA. Et il est tout à fait improbable que ces messieurs dames fassent quoi que ce soit d’autre à ce sujet que la volonté de leur maître. Mais à l’inverse les largages en forme de pont aérien proposés par plusieurs pays seraient utiles, on ne peut le négliger, car la famine est une stratégie génocidaire assumée méthodiquement. Mais la réaction du gouvernement Netanyahu face à cette situation sera aussi un déclencheur politique de première importance.

En tous cas dans le monde entier et dans tous les milieux s’exprime une indignation toujours plus large et un dégoût accablant pour le gouvernement Netanyahu. Mais aussi pour son « halo » c’est-à-dire ses agents médiatiques. À présent, la défaite morale et pratique de ses soutiens est consommée. En témoigne cet aveu de la député macroniste Yadan quand elle l’a reconnue devant une caméra en citant un ami député français qui lui refusait désormais son soutien public. Maladroitement elle s’est pourtant félicitée de l’action du « socle » (selon son expression) des journalistes et des intellectuels qui l’ont soutenue pour maintenir la pression contre l’opinion anti-génocide désormais dominante et contre « nos pires ennemis : LFI ». Elle a même rappelé son heure de gloire quand elle a obtenu en direct de la direction du service public des excuses et un rectificatif contre la formulation d’une information diffusée alors. C’est sans doute une invention de sa part. Mais désormais, une bonne partie du « socle » est en vacances. C’est bien commode pour lui servir de prétexte au silence. Car le temps des plateaux délirant du « soutien inconditionnel » touche à sa fin. Le voilà loin de la lumière médiatique qui l’a éclairé avec tant de bienveillance jusque là. En France, oui, l’isolement a changé de camp et la défaite de nos adversaires politiques est à la mesure des moyens qu’ils ont déployés pour faire taire tout le monde depuis tant de mois. Mais nous sommes désormais servis par cette étape d’arrogance. Elle les aura poussées aux pires excès verbaux et imprécations les plus insupportables. Jusque dans les cérémonies officielles ils ont donné le sentiment de vouloir exercer à toute occasion une sorte de police sur les esprits répandant une indignation contre eux aussi large que possible.   

Pourtant personne n’a l’intention d’en rester là à ce qu’on voit. Cent quatorze avocats ont lancé une procédure contre les responsables politiques français impliqués dans la protection des crimes de guerre contre lesquels ils ont refusé explicitement d’agir. D’autres procédures sont engagées dans divers pays comme en France contre les soldats de l’armée de la honte qui ont participé aux massacres. On peut penser qu’il s’agit là du début d’une vague qui n’épargnera aucune variété de complices des criminels. 

La date du 10 septembre engendre une agitation remarquée sur les réseaux sociaux comme rendez-vous de mobilisation pour « tout bloquer » à la rentrée. Cette sensibilité exprime un état nouveau de l’opinion en plein été. La résignation ne prime plus seulement. Et cela commence par un retournement de température sociale. De nombreux insoumis y participent comme j’en ai été saisi. Mais cette initiative, comme celle des gilets jaunes en son temps, se construit en dehors de tout cadre politique ou syndical. Si elle trouve une dynamique ce sera par elle-même. Et comme pour les gilets jaunes, si je dois donner mon avis je dirai que je me reconnais dans les motifs de cette action. Mais je n’en dirai pas davantage par respect pour l’indépendance et l’autonomie de ce mouvement dont les motivations sont pleinement justifiées. J’y insiste. L’indépendance et l’autonomie d’un mouvement social de cette nature ne sont pas des inconvénients mais la condition de son succès. Parce qu’en évitant de mettre en scène les divergences liées aux affiliations politiques elle oblige à se concentrer sur des mots d’ordres concrets immédiat qui fasse l’unanimité. La dynamique de telles situations est considérable. Dans le passé récent on a vu en France et ailleurs, comment très vite des assemblées de base apparaissent et fonctionnent comme des « assemblées citoyennes ». Comme le firent les gilets jaunes quand ils se sont installés sur les ronds points. C’était un symbole qui se révéla très efficace. Dans le livre « Faites mieux » je décris dans le détail les formes et les étapes que ce type de mouvement a franchi partout dans le monde à partir de ces méthodes. J’analyse le processus de « transcroissance » qui le conduit à s’affirmer progressivement sur des positions et dans des formes désormais assez connues. La première de ces étapes est le moment où le mouvement s’auto désigne comme « le peuple » refusant toute étiquette particulière. Puis il passe à une étape destituante que l’on nomme « dégagiste » selon le mot désormais inscrit au dictionnaire. Avec un mot d’ordre comme : « tout bloquer » on comprend qu’est déjà affirmé une certaine volonté et direction d’action à l’œuvre. L’unique objectif sur le terrain pour nous dans de telles situations est de se mettre au service de l’action, de son élargissement, de sa cohésion. Dans tous ses aspects. Donc de son autonomie qui est la condition de son enracinement. La phase « destituante » d’un tel mouvement peut parfaitement fonctionner et aboutir si le gouvernement est pris en tenaille entre ce mouvement et la motion de censure que nous avons proposé de déposer à l’Assemblée. Cette fois-ci, le syndicalisme salarial voudra sans doute appuyer ce mouvement social s’il a lieu. En déposant un préavis de grève de longue portée à partir de septembre Force ouvrière a donné un signal d’implication dans la rentrée sociale assez vigoureux. Mais là encore l’autonomie doit rester la règle si cette action s’engage. La nôtre aussi comme mouvement politique, cela doit s’entendre.

Les deux millions de signatures recueillies contre la loi Duplomb sont un événement, tout le monde en est d’accord. Ils montrent aussi combien la rentrée de septembre est ouverte sur de nombreuses possibilités de rendez-vous déclencheurs dans de nombreux domaines où l’exaspération est à son comble. Mais ici, on peut parler d’un point de bascule enfin atteint dans la conscience publique collective. Oui, ce niveau de mobilisation est une première. Non seulement par le nombre des signatures dont l’écart avec la collecte avec celle des syndicats souligne l’intensité. Mais il l’est peut-être surtout par le changement qu’il introduit dans le débat public. Pour la première fois la question agricole devient un sujet de masse sous l’angle de la sécurité et salubrité alimentaire. Là se trouve la motivation essentielle dans les consciences. L’échec pour la FNSEA est complet. Dans la bataille pour une agriculture saine, utile à l’environnement et pour finir efficace pour le retour à la souveraineté alimentaire, nous avions absolument besoin de cette bascule. Car il faut d’abord qu’une autre agriculture soit possible pour qu’une autre classe paysanne puisse s’affirmer, celle qui depuis des années alerte, change les méthodes de production, conteste les critères de préférence dans les priorités du financement public. Depuis des décades, sous prétexte de modernité, le seul objectif avoué dans les lieux où se prennent les décisions a été la mutation pour accéder et occuper des positions sur le marché mondial. Et cela ne pouvait se faire autrement qu’au prix d’une concentration et d’un mode de production lourdement financiarisé. La destruction des sols, la pollution des rivières et l’usage intense de produits désormais suspectés sont désormais aussi accusés d’avoir lourdement affecté la santé humaine en général. Mais on ne doit pas non plus oublier l’impasse dans laquelle a été enfermée toute une population active. Il ne reste plus que quatre cent mille paysans en France. Les maladies professionnelles, le surendettement, la misère du grand nombre ont creusé de terribles saignées dans cette catégorie sociale. La plus grande difficulté pour changer le modèle agricole sera pour nous de trouver les professionnels en nombre suffisant pour le faire. Le marché mondial ne peut être le seul horizon. Pas à ce prix. Cet incendie ne s’éteindra pas avec quelques ruses communicationnelles macronistes ni par des compromis pourris d’arrière-salle. Des millions de gens s’inquiètent à juste titre pour la santé des uns et des autres. Les alertes scientifiques sont à présent aussi nombreuses, documentées et déterminées que l’étaient à l’origine celles qui ont conduit à la formation du GIEC. C’est d’ailleurs d’un tel organisme d’information fédérateur dont nous aurions besoin pour être correctement piloté dans nos informations. Ici, nous devrons tous faire preuve du plus grand sérieux. Il faut que nous sachions réellement à quoi nous en tenir si l’on veut commencer à prévenir et à réparer sérieusement. C’est pourquoi nous avons besoin de nous rapprocher étroitement des milieux compétents pour faire cette évaluation. Les responsables insoumis ont commencé ce travail. Les Amfis vont sans doute permettre de faire progresser la formation générale des participants. C’est la cause de notre temps.  

Le duo Trump Von der Leyen marque le début du retournement du rapport à l’Union européenne dans les milieux qui en étaient pourtant de fermes soutiens. Ainsi de Bayrou qualifié par « l’opinion » « d’insoumis » à Trump. Car tout à été cédé à Trump. Et d’abord le droit de changer les règles du jeu établies en 75 ans de relations bilatérales. Droits de douane, obligation d’achats, taxe de 5% sur le PIB : le libéralisme, la concurrence libre et non faussée et autres règles du traité de Lisbonne sont une mauvaise blague. Ni fleurs ni couronnes. Il faut donc marquer solennellement le moment. La Commission doit être censurée. Car après avoir sacrifié l’agriculture européenne sur l’autel du libre-échange avec le Mercosur et proposé un budget 2028-2034 centré sur l’économie de guerre et la casse des politiques de cohésion, Ursula von der Leyen franchi une nouvelle étape dans la vassalisation de l’Union européenne face aux USA. Sous prétexte « d’éviter une guerre commerciale », la Commission vient d’accepter la capitulation sans combat. Washington impose à l’Union des droits de douane à 15 % sans la moindre réciprocité, contraint l’Europe à dépenser 750 milliards de dollars pour acheter son énergie polluante et siphonne 600 milliards de dollars d’investissements européens. Tout est cédé à Trump, sans contrepartie tangible, au mépris de l’intérêt des Européens et de la prétendue « souveraineté » que Bruxelles brandit à chaque discours. Dans ce contexte, la délégation France insoumise propose à l’ensemble des groupes de gauche au Parlement européen de porter conjointement une motion de censure contre la Commission d’Ursula von der Leyen. Le choix de l’insoumission à l’Empire et le non-alignement sont la seule alternative disponible. LFI le propose et l’a préparé pendant toutes ces années. Là encore clairvoyance et ténacité prouvent leur efficacité pour le bien commun.

°°°

Source: https://melenchon.fr/2025/07/30/les-grands-retournements/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/les-grands-retournements-note-de-blog-de-jl-melenchon-30-07-25/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *