L’État va-t-il être contraint à agir contre les pesticides ? (reporterre-6/06/25)

Les membres des associations impliquées dans le procès « Justice pour le vivant » rassemblés à Paris le 1ᵉʳ juin 2023. – AFP

Les ONG croisent les doigts. Une audience à la cour administrative d’appel de Paris pour l’affaire « Justice pour le vivant » se tient le 6 juin. L’État pourrait être contraint d’agir contre les pesticides.

Par Emilie MASSEMIN.

L’État va-t-il enfin agir contre l’effondrement de la biodiversité ? C’est l’espoir des ONG qui attendent le résultat de leur recours baptisé « Justice pour le vivant » lors d’une audience jeudi 6 juin à la cour administrative d’appel de Paris.

D’après les conclusions du rapporteur public, l’affaire se présente plutôt bien pour elles. « Ces conclusions reconnaissent des insuffisances dans les protocoles d’homologation des pesticides et établissent un lien direct avec le préjudice écologique. C’est une victoire pour nous, car c’est exactement l’objet de nos demandes », se réjouit Mathis Buis, de Pollinis, l’une des ONG requérantes avec Notre Affaire à tous, Biodiversité sous nos pieds, Anper-Tos et l’Aspas.

Mieux encore, le rapporteur public enjoint l’État à « mettre en œuvre une évaluation des risques sur les espèces non-cibles » dans le cadre de cette homologation. Il s’agissait d’une autre demande des associations. D’après une étude parue en février, les pesticides font des ravages bien au-delà des organismes qu’ils sont censés éliminer. « Pour les plantes, les animaux (invertébrés et vertébrés) et les microorganismes (bactéries et champignons) non ciblés, nous montrons des effets négatifs sur la croissance, la reproduction, le comportement et d’autres biomarqueurs physiologiques dans les systèmes terrestres et aquatiques », y lit-on.

Le tribunal avait déjà partiellement donné raison aux associations

En revanche, les autres griefs des associations, non-respect de l’objectif chiffré de réduction de l’usage de pesticides et non-respect de l’obligation de protection de la ressource en eau contre les pesticides, n’ont pas été retenus. « On verra comment le tribunal se saisit de ces demandes-là », dit Mathis Buis.

Une première audience au tribunal administratif s’était déroulée le 2 juin 2023. L’État ne s’y était même pas rendu et avait confié sa défense à Phyteis, un lobby des pesticides. Le tribunal administratif de Paris avait déjà toutefois partiellement donné raison aux associations dans sa décision du 29 juin, en concluant que l’utilisation de pesticides constituait bien un « préjudice écologique » et que l’incapacité de l’État à la réduire était une « carence fautive ».

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S’il n’avait pas jugé l’État responsable du préjudice écologique, il lui avait ordonné de prendre « toutes les mesures utiles » pour le réparer d’ici au 30 juin 2024. Concrètement, en respectant l’objectif de réduction de l’utilisation des pesticides inscrite dans le plan Écophyto et en adoptant des mesures de protection et de restauration de la qualité des eaux souterraines.

Reculs environnementaux

On en est loin : en mai, le comité d’orientation et de suivi (COS) de la stratégie Écophyto entérinait un changement d’indicateur et de période de référence du plan, conduisant à un abandon pur et simple de l’objectif de réduction de l’utilisation des pesticides. Quant à la loi Duplomb pour la levée des « contraintes » sur le métier d’agriculteur, elle prévoyait de corseter l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), l’établissement public qui évalue les risques sanitaires et délivre les autorisations de mise sur le marché des pesticides. Pour cela, elle souhaitait assujettir son planning de travail aux priorités d’un Conseil d’orientation pour la protection des cultures composé de représentants des filières agricoles, de l’industrie des pesticides et des instituts techniques. La proposition de loi n’est finalement pas passée.

« Le jugement interviendra dans un contexte extrêmement tendu, reconnaît Mathis Buis. S’il allait plus loin que le rapporteur public en reconnaissant la défaillance des protocoles d’homologation et en les complétant, cela prendrait le contre-pied de toutes ces attaques. »

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Source: https://reporterre.net/L-Etat-va-t-il-etre-contraint-a-agir-contre-les-pesticides

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