L’hôpital public dévasté va-t-il survivre au budget Lecornu ? (LI.fr-17/10/25)

Par Mobina SHAMELI.

Hôpital. Le budget Lecornu n’épargne aucun service public. Les Français malades sont dans le viseur du gouvernement. Baisse de l’indemnisation des personnes malades chroniques (cancer, diabète, sclérose en plaques), baisse de l’allocation adulte handicapée, plan d’économies de 7 milliards sur la santé, et 13 milliards sur le budget de la Sécurité sociale. Autant de saccages qui vont finir d’enterrer le système de santé français, longtemps réputé à l’international pour sa haute qualité et son étendue.

Depuis des années, l’hôpital public est devenu une cible des néolibéraux incarnés dans les gouvernements macronistes. Derrière les murs des établissements, dans les services de médecine, de chirurgie et de soins intensifs, se dessine une réalité inquiétante : pénurie de personnel, fermetures de lits, saturation des urgences et épuisement des soignants, privatisation des parkings pour faire payer les patients. Ce n’est pas seulement une question d’organisation, mais l’effondrement progressif d’un modèle qui fut l’un des piliers de la protection sociale.

La diminution continue des lits d’hospitalisation complète se poursuit. En 2023, environ 4 500 lits ont été fermés, malgré une hausse des hospitalisations partielles ou ambulatoires. Beaucoup d’hôpitaux ferment des lits ou des services, souvent à cause du manque de personnel (infirmiers, aides-soignants ou médecins) ou pour des raisons financières. Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, 30 000 lits d’hôpitaux ont été supprimés, accentuant la dégradation du système. Cette contraction structurelle réduit la possibilité d’absorber les besoins croissants de la population. Souvent, le personnel doit choisir qui soigner. Parfois, la mort survient sur un lit d’hôpital, dans un couloir. Notre article.

Manque de personnel : plus de 10 % des postes infirmiers sont vacants dans les hôpitaux publics

Le manque de personnel constitue l’un des enjeux les plus critiques. Selon le ministère de la Santé, plus de 10 % des postes infirmiers sont vacants dans les hôpitaux publics. De nombreux hôpitaux connaissent une pénurie de soignants, avec des difficultés de recrutement, de la fatigue, du burn-out, et une dépendance coûteuse à l’intérim, ce qui alourdit encore la masse salariale.

Ces tensions affectent les services d’urgence, mais aussi les soins spécialisés et les unités non urgentes, alors même que la population vieillit et que les besoins en soins augmentent. Les fermetures temporaires de services pour manque de personnel deviennent la norme, et les équipes, contraintes de travailler sous pression, atteignent leurs limites physiques et psychologiques.

Les zones rurales ou périurbaines souffrent souvent d’un accès limité aux spécialistes et aux services hospitaliers. Certains habitants doivent parcourir de longues distances ou attendre plusieurs jours pour recevoir des soins essentiels. Les inégalités se manifestent également selon le statut des établissements (public ou privé) et selon la situation économique ou sociale des patients.

Les hôpitaux déclenchent régulièrement des plans blancs lors d’épidémies ou de périodes de forte tension, révélant une fragilité dans la capacité à absorber les pics d’activité. L’épidémie de grippe de 2024, précoce et intense, a mis de nombreux établissements sous pression extrême, entraînant des temps d’attente prolongés et des hospitalisations différées, parfois au risque de la santé des patients.

Quand les soignants se retrouvent à devoir choisir

Cette crise du système de santé, et particulièrement celle des hôpitaux, est une crise politique. En 2004, la tarification à l’activité (T2A) a transformé l’hôpital public en une entreprise guidée par la logique de rentabilité et d’efficacité comptable. Les politiques de réduction des coûts ont privilégié les indicateurs financiers au détriment des soins. Les résultats de cette politique se traduisent par la saturation des urgences, les consultations déprogrammées et les patients parfois renvoyés chez eux faute de moyens.

Mais derrière les statistiques et les rapports officiels, il y a des visages et des vies. La santé ne peut pas être dissociée de l’humain et de son bien-être. Les infirmières et médecins racontent la violence de devoir choisir qui soigner en priorité, de voir des patients souffrir faute de moyens, et de travailler dans des conditions qui mettent en danger la qualité des soins. Les patients, eux, ressentent cette crise dans la longueur des attentes, l’angoisse des urgences saturées et le sentiment d’être abandonnés dans un système où l’humain devient secondaire.

Pour aller plus loin : CHU de Nantes : aux urgences, un patient meurt après 10 heures d’attente

Évreux : quand l’hôpital fait appel à la générosité des citoyens

À Évreux, dans l’Eure, le centre hospitalier Eure-Seine a choisi une réponse inédite : lancer un emprunt citoyen pour financer la réouverture de 22 lits d’hospitalisation. L’établissement espère réunir 100 000 euros auprès des habitants, un geste symbolique, mais révélateur de la fragilité structurelle des hôpitaux. « On aurait pu se faire financer par les banques, mais cette démarche renforce le lien avec la population et participe au développement des circuits courts », explique Jérôme Rifflet, directeur du CH Eure-Seine.

L’argent collecté servira à rouvrir des lits dans des services essentiels comme l’oncologie, l’hématologie, la médecine interne et la gériatrie. Ces lits, fermés en raison de la crise sanitaire et du manque de personnel, représentent un retour à un fonctionnement normal, vital pour désengorger les urgences où les patients pouvaient attendre plus de 24 heures avant d’obtenir une place adaptée. Le docteur Étienne Devin souligne : « Pendant des années, nous avons fonctionné de façon anormale, avec des lits fermés faute de personnel. Aujourd’hui, nous profitons d’une dynamique favorable dans le recrutement pour revenir à un fonctionnement normal. »

Ce recours au financement citoyen questionne la responsabilité de l’État dans la garantie du droit à la santé. Si les hôpitaux doivent solliciter la générosité de leurs habitants pour rouvrir des lits essentiels, c’est le signe d’une fragilisation structurelle très alarmante.

75% des parkings d’établissement de santé payants, la conséquence des budgets austéritaires

200 euros de stationnement. Voilà ce dont un homme a dû s’acquitter pour accompagner les derniers moments de son épouse à l’hôpital d’Avignon. Un exemple choquant qui met en lumière un phénomène plus large : en France, la privatisation rapide des parcs de stationnement des établissements publics de santé a conduit à ce que seul un quart des parkings des hôpitaux publics soient aujourd’hui toujours gratuits.

Une prédation sur la santé et sur la mort dont le capitalisme a le secret. Face à cette situation et alors que l’austérité budgétaire étouffe plus que jamais la santé et l’hôpital public, les députés de la France insoumise Pierre-Yves Cadalen, Raphaël Arnault et Sandrine Nosbé ont déposé une proposition de loi visant à garantir la gratuité des parkings établissements publics de santé.

Une proposition de bon sens et d’humanité que malgré tout, sur les plateaux de la presse bourgeoise, l’on s’échine à dénoncer pour protéger l’idéal d’un monde totalement privatisé.

Bretagne : l’autre visage de la crise hospitalière

La Bretagne illustre l’autre versant de cette crise. Depuis 2023, vingt services d’urgences sur trente-trois sont régulés la nuit, et plusieurs services périphériques doivent filtrer ou réorienter les patients. Les temps d’attente se sont allongés. À Brest, certains patients ont attendu plus de 24 heures avant d’être hospitalisés. Ces retards augmentent le risque de mortalité, surtout chez les personnes âgées. Dans le Centre-Bretagne, les patients sont souvent transférés sur des dizaines de kilomètres, parfois avec des conséquences irréversibles, faute de médecins disponibles localement.

Cette situation traduit un renoncement aux soins, aggravé depuis la crise du Covid. Les populations les plus fragiles en zones rurales, âgées ou modestes, sont les plus touchées. La réduction des lits, la fermeture de certains services la nuit et la dépendance aux centres de soins non programmés privés illustrent une marchandisation progressive de la santé, où l’urgence devient un marché rentable plutôt qu’une garantie universelle.

Une crise nationale, un appel politique

Évreux et la Bretagne racontent la même histoire sous deux angles. D’un côté, l’ingéniosité citoyenne pour sauver des lits ; de l’autre, la vulnérabilité de millions de patients face à des fermetures et des pénuries de personnel. L’hôpital public, lieu de solidarité et d’égalité, est contraint à improviser et à se réinventer pour remplir sa mission essentielle.

Le signal envoyé par ces situations est clair : il ne suffit plus d’ajuster les budgets ou de réorganiser les services. Il faut repenser le financement, la gouvernance et l’organisation des hôpitaux, remettre l’humain au centre et garantir à tous un accès digne et continu aux soins. Sinon, des solutions ponctuelles risquent de devenir la norme, au détriment de l’égalité et de la justice sanitaire.

L’exemple de l’hôpital d’Évreux, loin d’être isolé, illustre une urgence nationale, politique et sociale qui appelle des mesures de rupture avant que l’hôpital public ne se retrouve définitivement à bout de souffle. Il invite à une réflexion profonde sur l’avenir de l’hôpital français. Comment garantir à toutes et tous un accès réel à des soins de qualité, dans un pays où les besoins augmentent tandis que les moyens se réduisent ?

Cette question, qui touche autant à la justice sociale qu’à la santé publique, demeure au cœur du débat national. Elle exige des décisions politiques à la hauteur de l’enjeu, avant que les initiatives ponctuelles, même citoyennes, ne deviennent la seule solution pour maintenir le système à flot. Avant même l’effondrement complet de notre système de santé.

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Source: https://linsoumission.fr/2025/10/17/hopital-crise-faillite-macron/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/lhopital-public-devaste-va-t-il-survivre-au-budget-lecornu-li-fr-17-10-25/

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