
Les Sages du Conseil constitutionnel ont partiellement censuré la loi Duplomb, jeudi 7 août en s’opposant à la réintroduction de l’insecticide acétamipride prévue par ce texte hautement controversé. Emmanuel Macron a dans la foulée indiqué qu’il « promulguera » le texte remanié « dans les meilleurs délais ».
Le Conseil Constitutionnel a tranché. Après un peu moins d’un mois de délibération, les Sages ont partiellement censuré la très controversée loi Duplomb en s’opposant à la réintroduction de l’insecticide acétamipride, rapporte l’Agence France-Presse (AFP) jeudi 7 août 2025. Cette censure marque une victoire importante pour les opposants à la loi alors qu’une pétition réclamant son abrogation a recueilli plus de 2,1 millions de signatures.
Le Conseil estime dans sa décision que la réintroduction du pesticide est contraire à la Charte de l’environnement, un texte à valeur constitutionnelle adossé à la Constitution depuis 2005. Le texte souffre d’un « encadrement insuffisant » car il aurait pu s’appliquer à « toutes les filières agricoles », sans limitation de durée et « pour tous types d’usage et de traitement », énonce le document.
Les Sages ont, au contraire, donné leur aval aux simplifications administratives accordées aux plus gros élevages, ainsi qu’à la construction d’ouvrages de stockage d’eau à finalité agricole — avec néanmoins quelques réserves pour cette deuxième mesure.
L’Élysée a, dans la foulée, fait savoir qu’Emmanuel Macron « a pris bonne note de la décision du Conseil constitutionnel » et qu’il « promulguera » le texte remanié « dans les meilleurs délais ». La loi ne fera donc pas l’objet d’une nouvelle lecture à l’Assemblée.
Une saisine des parlementaires de gauche
Censée « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » et répondre à la colère agricole de l’hiver 2023-2024, la Loi Duplomb avait été adoptée par l’Assemblée nationale mardi 8 juillet, au terme d’un parcours chaotique. Depuis, le texte avait été chahuté par une grande vague de contestation. La réintroduction à titre dérogatoire de l’acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes, était particulièrement pointée du doigt par les détracteurs de la loi. Interdit en France depuis 2018 mais autorisé en Europe, l’acétamipride est réclamé par certains producteurs de betteraves et de noisettes.
Pour les parlementaires de gauche, qui ont saisi les Sages vendredi 11 juillet 2025, le texte était contraire à la Charte de l’environnement, à valeur constitutionnelle. Notamment son principe de précaution, ainsi que le « droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». La gauche condamnait également le parcours législatif de la loi, marqué par le rejet en bloc des quelque 3 500 amendements de l’opposition grâce à une motion de rejet préalable soutenue de manière inédite par les défenseurs du texte.
Lire aussi : Les 156 Constitutions du monde qui protègent l’environnement sont-elles efficaces ?
La FNSEA « choqué », les opposants saluent une « victoire étape »
La décision du Conseil constitutionnel est « un choc, inacceptable et incompréhensible », a déclaré la FNSEA, qui demandait le retour du pesticide interdit pour protéger des filières agricoles « en danger ». « C’est inacceptable que le Conseil constitutionnel continue à permettre des surtranspositions » du droit européen qui autorise l’acétamipride jusqu’en 2033 dans l’Union européenne, a indiqué Jérôme Despey, vice-président du puissant syndicat agricole.
De son côté, la Confédération paysanne, troisième syndicat agricole, a salué une « victoire d’étape », appelant à « continuer de mettre la pression pour obtenir une réorientation des politiques agricoles ». « On espère que la mobilisation ne s’éteindra pas », a déclaré Stéphane Galais, porte-parole du syndicat qui défend une « réelle » transition agroécologique.
Une décision inattendue
La censure du Conseil constitutionnel tranche avec ses précédentes décisions. La jurisprudence n’était, en effet, pas favorable aux requérants. Dans une précédente décision rendue en 2020, les Sages avaient donné leur feu vert à la levée par dérogations de l’interdiction des néonicotinoïdes.
Pour justifier sa décision, le Conseil s’était appuyé sur l’article 53 du règlement européen du 21 octobre 2009, applicable « aux situations d’urgence en matière de protection phytosanitaire ». Ce même article est avancé dans plus d’une dizaine d’autres pays européens pour déroger à l’interdiction générale des néonicotinoïdes en agriculture dans l’Union européenne.
°°°
URL de cet article:https://lherminerouge.fr/loi-duplomb-le-conseil-constitutionnel-censure-la-reintroduction-du-pesticide-interdit-of-fr-7-08-25-19h-07/