Macron, huit ans qui ont conduit la France dans l’impasse (Reporterre-8/10/25)

Manifestation à Paris à l’appel du mouvement Bloquons tout, le 18 septembre 2025. – © Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Depuis 2017, Emmanuel Macron a exercé son pouvoir sans partage, brutalisant les institutions et méprisant l’écologie. Retour sur huit ans qui ont conduit la France dans l’impasse.

Par Erwan MANAC’H.

Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron a gouverné sans partage, en s’isolant progressivement dans son pouvoir, malmenant les institutions. Parmi les victimes de cette brutalisation politique, l’écologie — réprimée sur le terrain et mise au ban par le gouvernement. Retour sur huit ans qui ont conduit la Ve République au point de rupture.

2017 : un démarrage bulldozer

Fraîchement élu avec 66 % des voix, grâce à l’effondrement du candidat de droite François Fillon et au front républicain contre Marine Le Pen, Emmanuel Macron imprime un style « jupitérien ». Il supprime l’impôt sur la fortune et fait passer par ordonnances une réécriture du Code du travail qui facilite les licenciements et réduit les protections syndicales. Le mouvement social, dans la rue, essuie une répression grandissante.

En janvier 2018, le gouvernement annonce l’abandon définitif du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, mais dépêche les gendarmes mobiles et les bulldozers pour expulser une partie des occupants de la zad.

2018 : petites phrases et embrasement

« Je traverse la rue et je vous trouve un travail », lâche Emmanuel Macron le 15 septembre 2018, lors d’un échange avec un citoyen devant l’Élysée. Deux mois plus tard débute le mouvement des Gilets jaunes, qui voit jaillir une colère diffuse dans la France périurbaine. Le mouvement, réprimé avec force, conduit Emmanuel Macron à annoncer des aides aux ménages, l’organisation d’un « grand débat national ».

2019 : la Convention citoyenne pour le climat, symbole du « stop and go »

Alors que le mouvement climat marque l’actualité internationale, et suite au « Grand débat » qui a suivi le mouvement des Gilets jaunes, Emmanuel Macron convoque une Convention citoyenne pour le climat (CCC) en octobre 2019. 150 citoyens tirés au sort formulent 149 propositions, que le président « s’engage » à présenter « sans filtre » au Parlement ou aux Français par référendum.

Ce travail servira de base à la loi Climat et Résilience, votée en août 2021, qui marque un timide démarrage de la transition écologique : électrification du parc automobile, rénovation thermique des bâtiments, zéro artificialisation nette des sols… Mais seulement 10 % des propositions de la CCC sont finalement reprises par le gouvernement. Selon le premier bilan de l’action d’Emmanuel Macron dressé en mars 2021 par Reporterre, 53 % des 169 mesures prises dans le domaine de l’écologie avaient été nuisibles à la planète.

2022 : la relance du programme nucléaire

Alors que la loi de transition énergétique avait esquissé une réduction progressive de notre dépendance à l’atome, Emmanuel Macron opère un spectaculaire virage sur le dossier nucléaire le 2 février 2022 à Belfort, en dévoilant un plan de construction d’au moins six nouveaux réacteurs EPR2 et la prolongation de la durée de vie des centrales existantes.

« Nous réduirons notre dépendance à l’énergie nucléaire, avec l’objectif de 50 % d’énergie nucléaire à l’horizon 2025 », pouvait-on lire dans son programme présidentiel en 2017. Cette volte-face, perçue comme unilatérale par Greenpeace, s’appuie sur le Conseil de politique nucléaire (CPN), un conseil des ministres restreint dont les comptes rendus détaillés ne sont pas publics malgré la dimension hautement stratégique des décisions prises.

2022 : mal élu, Macron gouverne sans partage

La légitimité électorale d’Emmanuel Macron s’étiole. Il est néanmoins élu pour un second mandat en 2022, profitant une nouvelle fois du front républicain, avec 58 % des suffrages. Il obtient une majorité relative aux élections législatives suivantes, une première depuis 1988.

Emmanuel Macron et sa Première ministre Élisabeth Borne n’infléchissent toutefois pas la thérapie de choc néolibérale, et remettent sur le métier le recul de l’âge de départ en retraite à 64 ans. La réforme est réprouvée par deux tiers des Français et fortement contestée dans la rue, avec des manifestations désormais surveillées par des drones. À l’Assemblée nationale, en janvier 2023, le gouvernement doit recourir à l’article 49.3 pour écourter les débats, comme il l’a fait à 23 reprises en deux ans, notamment pour les projets de lois de finances.

23 mars 2023 : répression du mouvement écologiste

Le mouvement contre les mégabassines, qui rassemble des milliers de manifestants le 25 mars 2023 à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), rencontre une répression d’une ampleur démesurée, bien préparée, faisant des centaines de blessés et traumatisés. Cinq jours plus tard, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin annonce vouloir dissoudre Les Soulèvements de la Terre, coalition écologiste, qu’il qualifie d’« écoterroriste ». Tentative invalidée par le Conseil d’État le 9 novembre 2023, alors que la répression contre les militants écologistes se durcit.

2024 : l’étau de la dette met de l’huile sur le feu

La Première ministre Élisabeth Borne, essorée par la recherche, texte par texte, d’une majorité, démissionne le 8 janvier 2024 au profit d’un « cador de la macronie », le jeune Gabriel Attal.

Les comptes publics sont dans le rouge. En sept ans de mandat, Emmanuel Macron a baissé les impôts de 47 milliards d’euros. Le plan de sauvetage de l’économie durant la pandémie doit être remboursé et le bouclier tarifaire déployé pour amortir l’envolée des factures énergétiques coûte cher.

Une vaste cure d’austérité débute en février 2024 et se poursuit au mois d’avril et de juin. Les ONG et associations écologistes dénoncent un coup d’arrêt à la transition.

2024 : défait aux élections, Emmanuel Macron (se) dissout

Les élections européennes des 8 et 9 juin 2024 aboutissent à une victoire historique de l’extrême droite (37 %) et un violent discrédit pour le centre droit au pouvoir (14,6 %). À la surprise et dans l’incompréhension générales, Emmanuel Macron annonce, le soir même, la dissolution de l’Assemblée nationale convoquant un nouveau vote trois semaines plus tard. Son pari reste encore aujourd’hui largement incompris.

L’élection aboutit sur une Assemblée nationale fracturée en trois. Aucune force politique ne peut gouverner seule. L’arrivée au pouvoir de l’extrême droite est retardée par une forte mobilisation des électeurs de gauche. Le bloc central, émietté par les dissensions internes, s’effondre, mais Emmanuel Macron confie à une figure de la droite, Michel Barnier, le soin de tenter de gouverner grâce à un bloc de centre droit à l’Assemblée.

Plus loin dans l’impasse, sans changement de direction

Le gouvernement n’est plus en capacité de dicter le calendrier législatif aux députés et le Parlement est paralysé. Michel Barnier bute sur son premier obstacle et ne parvient pas à réunir une majorité sur le projet de loi de finances 2025. Il utilise l’article 49.3, mais subit un vote de censure, le 4 décembre 2024, dix semaines après sa nomination.

Emmanuel Macron désigne pour lui succéder une autre figure du centre droit, François Bayrou, qui compose un gouvernement reflétant le même équilibre politique que celui qui vient d’être censuré. Le budget 2025 est adopté via le huis clos de la Commission mixte paritaire et après un nouveau recours au 49.3, le 5 février. Il contient 2,1 milliards d’euros de coupes budgétaires sur la mission Écologie.

2025 : un rapprochement avec l’extrême droite

Le RN refuse de participer à tout gouvernement, mais joue la « normalisation » et vote favorablement 9 des 10 projets de loi présentés par le gouvernement depuis un an, selon le décompte de StreetPress. Le pouvoir s’appuie désormais sur le Sénat, majoritairement à droite, pour tenter de faire passer des lois. La ligne frontalement anti-écologiste gagne ainsi des galons.

Exemple avec le chantier décrié de l’autoroute A69 arrêté par les juges administratifs : des sénateurs déposent une loi de validation pour invalider la décision de justice, une procédure rarissime.

La loi Duplomb, du nom d’un sénateur LR, qui, entre autres mesures favorables à l’agro-industrie, réautorise un pesticide à la dangerosité avérée, l’acétamipride, arrive à son tour à l’Assemblée. Le bloc central et le RN rejettent le texte pour qu’il soit directement débattu en Commission mixe paritaire, une manœuvre inédite. Une pétition réunit néanmoins 2 millions de signatures contre ce texte, dont la mesure la plus décriée sera finalement censurée par le Conseil constitutionnel le 7 août.

Avant même d’entamer des discussions budgétaires qui s’annoncent impossibles, sous la menace d’une cure d’austérité sans précédent, à 44 milliards d’euros, François Bayrou convoque un vote de confiance et se retrouve largement censuré à son tour, le 8 septembre. Il signe une série de décrets de reculs écologiques avant de prendre la porte.

La nomination de Sébastien Lecornu apparaît comme un nouveau signe d’obstination d’Emmanuel Macron à gouverner dans une ligne que l’historien Pierre Serna qualifie d’« extrême centre », sans partage ni inflexion politique. Plus aucune force politique n’est prête à collaborer ou à le laisser conduire sa politique, ce qui conduit le nouveau Premier ministre à démissionner 26 jours après sa prise de fonction et vingt-quatre heures après avoir nommé son gouvernement. C’est le pire blocage institutionnel de la Ve République.

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Source: reporterre.net/Macron-huit-ans-qui-ont-conduit-la-France-dans-l-impasse

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