Mobilisation du 2 octobre : une troisième manifestation contre un Premier ministre sans gouvernement ni budget (H.fr-2/10/25)

« Il faut des hausses de salaires pour reconnaître les compétences des travailleurs. La question n’est pas de payer des impôts, mais combien de temps un salarié reste au Smic avant d’évoluer. Le Smic est le salaire d’entrée dans la vie active, pas un plafond », clame Marylise Léon.
©Julien Jaulin / hanslucas pour l’Humanité

Sans budget ni gouvernement, une troisième mobilisation en un mois, la seconde à l’appel de l’intersyndicale, s’est tenue ce 2 octobre. Maintenant la pression, les centrales attendent de pied ferme le discours de politique générale. La CGT annonce jeudi « près de 600 000 » manifestants.

Par Naïm SAKHI et Léa DARNAY.

Justice fiscale. Le mot d’ordre revient avec insistance parmi les 140 000 personnes (24 000 selon la préfecture) qui ont défilé, à Paris, au départ de la place d’Italie. « J’en suis à ma deuxième journée de grève depuis la rentrée. Le budget Bayrou est une honte. J’enseigne à des classes de 35 élèves, ce ne sont pas des conditions pour exercer correctement, tance Bartolomé Pidutti, professeur dans le Val-de-Marne. La justice fiscale devient un devoir. »

Ce jeudi 2 octobre, l’intersyndicale (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU, Solidaires) appelait à une nouvelle journée de grève et de manifestations, après le succès du 18 septembre, qui avait rassemblé 1,1 million de personnes. « L’exécutif a cherché à dégonfler la colère sociale, avant le 10 septembre, avec le départ de Bayrou. C’est loupé. Puis, avec la non-suppression des deux jours fériés, à l’approche du 18»

Loupé encore, rappelle Sophie Binet la secrétaire générale de la CGT. « Les deux heures de langue de bois de Sébastien Lecornu lors de sa rencontre avec l’intersyndicale, la semaine dernière, se sont soldées par un échec : les organisations syndicales sont encore dans la rue », se réjouit-elle.

Une troisième mobilisation en un mois

Cette troisième journée de grève maintient la pression sur un Premier ministre toujours dépourvu de gouvernement et de budget. Sébastien Lecornu s’est tout juste contenté de quelques fuites bien placées dans la presse. En tête du cortège parisien, Marylise Léon confirme l’agacement des centrales. « Je ne pense pas que ce soit une bonne chose d’égrener un certain nombre de mesures, martèle la secrétaire générale de la CFDT. Qu’est-ce qui sera vraiment dans le budget ? » demande-t-elle.

Pour tenter de diviser le front syndical, Sébastien Lecornu a envoyé une missive aux organisations représentatives, lundi 29 septembre. L’hôte de Matignon entend consulter les syndicats et le patronat sur 5 sujets clés : financement de la Sécurité sociale, souveraineté économique, avenir du paritarisme, du « dialogue social » et du marché du travail.

Pas de quoi convaincre François Hommeril, président de la CFE-CGC : « Ce courrier est symptomatique d’un effondrement de l’exécutif. Dans les deux pages qui nous sont adressées, le premier ministre n’apporte aucune réponse aux attentes des salariés. »

Alors que Matignon a laissé entendre que Sébastien Lecornu pourrait reprendre dans le budget 2026 une mesure issue du conclave revalorisant les retraites des femmes, le représentant des cadres met en garde : « Présenter cette mesure comme une avancée décisive, c’est se moquer du monde, c’est la moins coûteuse du conclave. Or ce dernier devait déboucher sur un compromis durable, matérialisé dans un texte de loi. C’est pour cela que le Medef s’est empressé de le torpiller. »

« Le Smic est le salaire d’entrée dans la vie active, pas un plafond »

La baisse de l’impôt sur le revenu pour les couples rémunérés au Smic, qui avait opportunément fuité avant le départ du cortège parisien, ne rencontre pas un meilleur accueil. « Il faut des hausses de salaires pour reconnaître les compétences des travailleurs. La question n’est pas de payer des impôts, mais combien de temps un salarié reste au Smic avant d’évoluer. Le Smic est le salaire d’entrée dans la vie active, pas un plafond », clame Marylise Léon.

À ses côtés, Sophie Binet met en garde sur une éventuelle réforme du financement de la Sécurité sociale : « Alors qu’elle fête ses 80 ans, vouloir asseoir son financement non pas sur le travail mais sur la fiscalité, c’est ignorer son histoire. La fiscalisation, c’est tendre vers un filet minimum, c’est-à-dire transformer la Sécurité sociale. C’est encore un cadeau pour les patrons. »

« Matignon n’apporte aucune réponse à nos revendications mais veut nous remettre autour de la table. Nous ne comprenons pas la logique », soutient Murielle Guilbert, codéléguée de Solidaires. Tout en restant en contact permanent, les huit centrales attendent désormais le discours de politique générale prévu mardi prochain, pour déterminer les suites de la mobilisation.

Si les cortèges étaient plus clairsemés que le 18 septembre, avec 600 000manifestants en France selon la CGT, les travailleurs restent mobilisés. À l’image de ceux de la culture, qui occupaient depuis l’aube le palais de Tokyo. « Nous pensons qu’il est important de manifester mais aussi d’occuper les lieux », note Salomé Gadas (CGT spectacle). « Les coupes budgétaires de l’année dernière, au niveau du ministère ou des collectivités territoriales, sont dramatiques, se désole-t-elle. Des personnes déjà précaires ont basculé dans la pauvreté. »

Dans les rangs hospitaliers, la colère est aussi vive. Malika Belarbi, aide-soignante à Boulogne-Billancourt, dénonce le manque d’effectifs et les bas salaires. « Ils ponctionnent dans le budget de la santé alors qu’elle est essentielle ! » s’indigne-t-elle. À ses côtés, Roselyne, infirmière drapée d’une chasuble cégétiste, poursuit : « Quand on s’attaque à la Sécurité sociale, on s’attaque à la santé des citoyens. Qu’ils aillent chercher l’argent chez les 2 % les plus riches, cela ne va pas les tuer. »

Mobilisation dans le médico-social et la santé le 9 octobre

Un avis que partage Romain. « Les riches sont de plus en plus riches et les pauvres sont de plus en plus pauvres. Les mesures ne vont jamais dans le sens des travailleurs », déplore le jeune cédétiste de 25 ans, salarié dans la cybersécurité. Car, dans le cortège parisien, les inquiétudes dépassent largement la seule fonction publique. Nadia Berghout, représentante syndicale CFDT à la Sécurité sociale, décrit des conditions de travail intenables.

« On est à flux tendu dans le traitement des dossiers. Les logiciels sont obsolètes. Les salaires sont bloqués au Smic sans aucune augmentation collective… » L’agente explique « avoir beaucoup de craintes » concernant une nouvelle réforme sur la Sécurité sociale « qui n’aurait pour seul but que de réaliser plus d’économies ».

Tous s’accordent sur un point. « La mobilisation doit continuer, assure Thomas Baniol, secrétaire départemental de la FSU parisienne. Dans chaque mouvement, il y a des temps forts et des temps faibles. Celle-ci peut repartir de plus bel », affirme-t-il, la journée d’actions du 9 octobre dans le médico-social et la santé en tête.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/cfdt/mobilisation-du-2-octobre-une-troisieme-manifestation-contre-un-premier-ministre-sans-gouvernement-ni-budge

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