Monster : lâché par ses actionnaires, le géant du recrutement en ligne placé en liquidation judiciaire (H.fr-13/08/25)

Dispositifs spécifiques pour les salariés seniors, aide à la reconversion, aide à la mobilité, indemnités de licenciement généreuses… les garanties étaient nombreuses. Mais ce contrat est aujourd’hui « ignoré », dénonce le communiqué de presse du CSE de Monster France. Il était pourtant normalement valide jusqu’en 2027.

En cessation de paiements, le site Internet Monster devrait être placé en liquidation judiciaire en France. Une trentaine de salariés sont menacés. Les syndicats craignent que l’accord d’entreprise qui devait les protéger ne soit pas respecté.

Marie MOULINE.

Ce sont encore les contribuables français qui risquent de payer la note pour deux multinationales multimilliardaires. Le site Monster France, pionnier de la recherche d’emploi en ligne, entre aujourd’hui en cessation de paiements. Ses actionnaires ? Le fonds d’investissement américain Apollo et l’entreprise hollandaise Randstad, n° 1 mondial de l’intérim.

Deux monstres financiers. 840 milliards de dollars d’actifs au compteur pour Apollo (selon les derniers chiffres de Reuters). 3,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour Randstad en 2024 (selon les chiffres officiels du groupe).

C’est pourtant bien « le système public de solidarité financé par les employeurs français qui assumera le paiement des salaires et indemnités de départ », dénonce le communiqué de presse du CSE de Monster France. Une trentaine de salariés français sont concernés, ils sont 200 au niveau européen.

« Je suis en colère », déclare Daphné Lepers, responsable commerciale. Elle cite une collègue de son équipe qui prend un traitement très lourd pour soigner une récidive de cancer. Un autre, en situation de handicap, est proche de la retraite. Contrairement à un licenciement économique classique, où les propriétaires prennent leurs responsabilités sociales, les mutuelles des salariés ne sont pas reconduites dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire.

La colère est d’autant plus grande que les salariés se pensaient à l’abri. Un accord d’entreprise avait été signé en 2023 à la demande des syndicats entre Monster France et la direction monde, basée aux États-Unis, sous l’égide de Randstad.

Dispositifs spécifiques pour les salariés seniors, aide à la reconversion, aide à la mobilité, indemnités de licenciement généreuses… les garanties étaient nombreuses. Mais ce contrat est aujourd’hui « ignoré », dénonce le communiqué de presse du CSE de Monster France. Il était pourtant normalement valide jusqu’en 2027.

Cet accord d’entreprise avait été conclu avant que le fonds d’investissement Apollo entre au capital de l’entreprise. C’est d’ailleurs surtout Randstad que les salariés condamnent : « Le groupe a été notre seul actionnaire pendant huit ans, et nous le considérons à 100 % responsable de cette situation », précise Matteo Nicolo, syndicaliste CFDT et représentant du personnel de Monster France.

En effet, l’arrivée d’Apollo comme actionnaire était très récente. En septembre 2024, Randstad signait un partenariat avec le fonds d’investissement, mais l’entreprise hollandaise était seule propriétaire de Monster depuis 2016.

« Randstad a mis Monster sur la table. Apollo avait racheté CareerBuilder, un de nos concurrents historiques, en 2017, explique Matteo Nicolo. L’objectif était de fusionner les deux noms. Ce partenariat nous était présenté comme un nouveau futur. »

Selon le syndicaliste, les équipes étaient enthousiastes : « On était tous très excités par la signature du partenariat. » De nouveaux investissements dans leur nouvelle entité Monster + CareerBuilder étaient attendus.

L’échec de la fusion est décrété brusquement, en seulement huit mois, début juin. La direction américaine de Monster annonce aux équipes européennes que Randstad et Apollo « n’allaient pas remettre de l’argent dans l’entreprise et cherchaient à vendre au plus vite », explique le représentant du personnel. « On a l’impression de s’être fait duper car on y a cru », témoigne Daphné Lepers.

Mais, derrière le ressentiment, ce sont surtout les interrogations qui sont prégnantes. « On se demande s’il y a eu préméditation. Mais on n’a pas de preuves », témoigne la responsable commerciale. Elle précise : « On sait que, pour un joint-venture (nom financier pour désigner l’accord conclu entre Apollo et Randstad – NDLR), on attend au minimum dix-huit mois pour savoir si ça va marcher. »

La réputation d’Apollo est connue : son modèle économique est basé sur le rachat d’entreprises, restructurées et revendues. Aucune restructuration d’ampleur n’a pourtant été effectuée. Mais surtout : qu’a gagné Randstad ? « Si c’était perdu, pourquoi ne pas avoir fermé la société ? Pourquoi avoir conclu ce joint-venture avec Apollo, et ne pas avoir plutôt fermé proprement Monster en septembre dernier ? » interroge Daphné Lepers.

« Il semble évident que tout ça était un montage pour se défausser des difficultés », déclare Matteo Nicolo concernant la liquidation judiciaire. Mais l’opacité des décisions financières et des intérêts pour les acteurs économiques en présence demeure.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/licenciements/monster-lache-par-ses-actionnaires-le-geant-du-recrutement-en-ligne-place-en-liquidation-judiciaire

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