
Par Gautier LANGLOIS
Bolloré. Il y a deux semaines, les Soulèvements de la Terre et une coalition d’organisations locales, dont la France insoumise, organisaient un week-end de lutte contre Vincent Bolloré et son empire médiatique. Au programme : un village antifasciste, des conférences, des concerts et une grande manifestation maritime et terrestre — le tout dans le fief breton de la famille du milliardaire. Une spectaculaire mobilisation antifasciste et féministe qui a visé l’île du Loc’h, propriété de Bolloré, dont nous avions fait le récit dans nos colonnes.
En parallèle d’une mobilisation inédite contre l’empire médiatique de Vincent Bolloré, Ouest-France et Le Télégramme publiaient des articles à la gloire du milliardaire. Un cas d’école de journalisme de révérence, dénoncé par l’observatoire des médias ACRIMED. Notre article.
La Société des Journalistes du Télégramme monte au créneau contre sa direction au service de Bolloré
Cette action s’inscrivait dans le cadre d’une campagne nationale plus large, via desarmonsbollore.fr, visant l’empire médiatique et financier du milliardaire d’extrême droite.
Deux jours avant la manifestation, Ouest-France publiait un article censé enquêter sur la place de la famille Bolloré en Bretagne. Résultat : une succession de témoignages à la gloire du milliardaire, qui présentent Bolloré comme un « capitaine d’industrie », « visionnaire » et « humaniste ». Les critiques, elles, sont reléguées à quelques lignes dans un article d’une demi-page.
Le jour de la mobilisation, c’est Le Télégramme qui monte au front. Dans un éditorial au ton agressif, son directeur de l’information, Hubert Coudurier, dénonce « l’agit-pop anti-Bolloré ». Il défend le milliardaire au nom du « pluralisme des idées »… allant jusqu’à comparer les manifestants aux ennemis de la démocratie. Alors que c’est Bolloré lui-même qui achète médias et maisons d’édition à tour de bras pour y mener son « combat civilisationnel » (entendre : contre les Noirs et les Arabes.)
Face à cet édito jugé caricatural, la Société des journalistes du Télégramme publie un communiqué rare de désaveu. Elle « déplore la tonalité » du texte et affirme que « de nombreux journalistes de la rédaction ne s’y reconnaissent pas ». Elle pointe aussi un conflit d’intérêts : Hubert Coudurier intervient sur CNews, chaîne détenue… par Bolloré lui-même. Pour la SJT, dire que Bolloré « contribue au pluralisme des idées » est une contre-vérité. Une prise de position qui révèle un malaise croissant face à l’alignement pro-Bolloré de certains médias régionaux.
En réponse, la direction du Télégramme accuse ses propres journalistes de soutenir une idéologie « sectaire » et évoque « la dérive totalitaire de l’extrême gauche », reprenant sans détour le lexique de l’extrême droite. Ce glissement fait écho à ce qu’a subi le Journal du Dimanche en 2023, après son rachat par Bolloré : une ligne d’extrême droite imposée d’en haut, une grève de 40 jours, et l’éviction de la quasi-totalité de la rédaction.
Quand la direction d’un journal s’attaque à sa propre rédaction pour défendre le pouvoir et disqualifier toute critique, ce n’est plus du journalisme. C’est un signal d’alarme.
Cette séquence, également dénoncée par l’ACRIMED, n’est pas seulement un excès de zèle. C’est un symptôme : celui d’un journalisme local toujours plus aligné sur les intérêts économiques et politiques dominants. Depuis des années, Ouest-France et Le Télégramme sont régulièrement critiqués pour se contenter de relayer la version préfectorale. Cela notamment lorsqu’il s’agit de mouvements sociaux, de violences policières ou de mobilisations écologistes. Leurs pages étouffent souvent la conflictualité, au profit de récits d’ordre.
Ces journaux n’en restent pas moins massivement lus. Leur ancrage local leur donne un rôle irremplaçable dans le paysage médiatique. Mais c’est justement pour cela qu’ils doivent être protégés de toute forme d’ingérence, directe ou indirecte.
Quand ils publient des textes à la gloire de Vincent Bolloré, faut-il y voir une simple connivence éditoriale ? Ou déjà les effets d’une influence plus souterraine ? Active ou passive, la question de l’emprise oligarchique sur la presse locale est posée. Et elle est urgente.
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Source: https://linsoumission.fr/2025/06/06/bollore-ouest-france/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/ouest-france-le-telegramme-les-medias-bretons-au-service-de-bollore-li-fr-6-06-26/