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Dans l’espace concentrationnaire, les communistes forment un réseau d’hommes et de femmes solidaires qui s’entraident pour sauver des vies et conserver la dignité des déportés. Ils seront également essentiels au sabotage de l’intérieur de la machine économique hitlérienne, à l’image d’Henri Krasucki, qui deviendra par la suite secrétaire général de la CGT.
Par Christian Langeois Syndicaliste et biographe d’Henri Krasucki
« Tu sais ce qu’être communiste ? C’est organiser l’utilisation de la tinette dans un wagon rempli de femmes pour ne pas en rajouter à l’horreur d’un voyage vers le camp », résumait Lise London, ancienne des Brigades internationales, dirigeante de la Résistance, déportée à Ravensbrück, comme Marie-Claude Vaillant-Couturier qui le fut d’abord à Auschwitz-Birkenau, et tant d’autres communistes. Il leur faut affronter des conditions d’existence effroyables, faire face aux épidémies. La fondatrice de l’Union des jeunes filles de France, Danielle Casanova, mourra du typhus à l’âge de 34 ans à Birkenau.
Le premier but des hitlériens dans les camps est de détruire moralement ceux qu’ils n’ont pas liquidés physiquement, de leur faire perdre le respect d’eux-mêmes. Le premier acte de résistance, même dans les pires conditions, est donc de conserver sa dignité, de se sentir plus fort que l’ennemi. À l’image d’Henri Krasucki, jeune dirigeant de la section juive des FTP-MOI de Paris, arrêté le 23 mars 1943. Il est déporté en juin à Auschwitz, dans la mine de charbon de Jawischowitz. Comme pour ses camarades Sam Radzinski et Roger Trugnan, le combat continue au camp. Leur action, leur organisation n’a pas seulement pour priorité la survie, mais celle de demeurer des combattants. Pour ce faire, ils font vivre la solidarité et l’entraide qui ont permis de sauver des nombreuses vies.
La solidarité en actes
À Jawischowitz, c’est parmi les hommes du premier convoi composé pour partie d’antifascistes allemands, d’anciens des Brigades internationales, que s’est constitué l’embryon du groupe de résistance qu’ils rejoignent. Henri Krasucki, qui deviendra par la suite secrétaire général de la CGT, est le responsable du groupe de Français au Comité international.
Responsable de la solidarité en actes, âgé d’à peine 20 ans, il se démène pour maintenir, aider, sauver, si possible, en fonction de l’état des uns et des autres. Les souffrances sont immenses. Les résistants doivent parfois répondre à ce terrible dilemme : à qui faut-il donner le bout de pain supplémentaire ?
L’autre préoccupation majeure est de contribuer à la lutte contre les nazis, pour que le travail à la mine serve le moins possible à la machine économique hitlérienne.
Saboter la production sans se faire prendre, ça s’apprend. Tantôt les résistants provoquent des pannes de moteurs, tantôt d’autres installations techniques. Pendant ce temps-là, le charbon ne sort pas, quelques heures, une journée.
Des rares moments de légèreté
Les jeunes déportés trouvent ça plutôt amusant, les moments de détente sont rares, les sourires encore plus. « C’est difficile d’être en permanence plongés dans la tragédie, racontera Henri Krasucki. On était au fond du trou, c’est difficile de vivre, encore plus de combattre dans ces conditions-là, sans une petite fleur bleue, un sourire ou une franche rigolade. Cela nous est arrivé, si curieux que cela puisse paraître. »
La position des armées sur le front est un élément déterminant pour le moral. Pour ceux qui sont à la mine depuis 1942, les échos des victoires soviétiques, Stalingrad, l’unité des combattants face à l’Occupation, le Conseil national de la Résistance puis le Débarquement, la libération de Paris sont autant de raisons de survivre pour se battre.
En relation avec les partisans polonais agissant dans la proche région boisée et montagneuse, les communistes finissent par échanger des informations dans la perspective d’envisager l’évasion, objectif suprême. Ils entreprennent même le creusement d’un tunnel. Mais, bien qu’avancé, le projet d’évasion avorte. À l’arrivée des troupes soviétiques, Auschwitz est évacué. Henri Krasucki survivra aux marches de la mort. Identifié par la Résistance dès son enregistrement à Buchenwald, il est intégré au groupe de Marcel Paul, un chef des chefs de la résistance clandestine qui deviendra ministre de la Production industrielle à la Libération.
Henri Krasucki 1924-2003, de Christian Langeois, Le Cherche Midi, 2012.
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