
Du côté des vieux partis institutionnels, on cherche à colmater les brèches pour assurer la « stabilité » du Premier ministre. La palme revient au Parti socialiste…
Par Gabriel CARUANA.
Le président de la République est plus rejeté que jamais. Plusieurs sondages annoncent jusqu’à 70 % d’opinions favorables à sa démission. Une si large prise de position en rappelle une autre, celle qui exigeait le retrait, puis l’abrogation de la réforme des retraites lorsque les salariés manifestaient par millions à l’appel des organisations syndicales en 2023, provoquant la déroute de la macronie aux dernières élections législatives, avec des Premiers ministres qui tombent depuis les uns après les autres.
Comment s’en étonner ? Les droits à la retraite sont une partie constituante de la Sécurité sociale de 1945, ils sont donc un élément de contrat de travail commun à tous les salariés et les contre-réformes successives ont provoqué les plus grandes mobilisations, manifestations et grèves en 1995, 2003, 2008, 2019 et 2023. C’est donc bien la défense d’une des plus grandes conquêtes de la classe ouvrière qui est au cœur de la crise politique de la VeRépublique qui se déroule sous nos yeux.
Le PS à la manœuvre pour sauver Macron
Du côté des vieux partis institutionnels, on cherche à colmater les brèches pour assurer la « stabilité » du Premier ministre reconduit par Emmanuel Macron pour continuer sa politique. La palme revient au Parti socialiste à qui Sébastien Lecornu vient d’offrir une raison de ne pas censurer son gouvernement en acceptant sa demande de suspension de la réforme des retraites. « Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028, comme l’avait précisément demandé la CFDT. En complément, la durée d’assurance sera elle aussi suspendue et restera à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028 » a-t-il annoncé dans son discours de politique générale, ce 14 octobre.
Ceci n’a rien à voir avec le mandat sur lequel les députés du Nouveau Front populaire, dont ceux du Parti socialiste, ont été élus : l’abrogation de la réforme des retraites pour un retour à la retraite à 60 ans.
Suspendre c’est simplement mettre en pause pendant un an la réforme pour la reprendre ensuite.
C’est faire gagner 3 mois à la génération 1964 alors qu’elle en perd 9 avec la réforme. C’est aussi entériner purement et simplement la suppression des régimes spéciaux qui a déjà eu lieu. Et Sébastien Lecornu ose rajouter que « cette suspension devra être compensée par des économies. »
N’importe quel militant qui a eu l’expérience de compromis réalisés lors de négociations ou de grèves comprend qu’il s’agit de toute autre chose : une compromission pure et simple !
Dès lors, qui ne voit que cette suspension bidon en échange de la non-censure par le Parti socialiste n’a d’autre but que de maintenir en place Macron, et avec lui sa politique de violence antisociale ? Car les premières mesures du budget qui sont dévoilées s’inscrivent dans les pas du budget Bayrou, qui a provoqué son départ (y compris avec les voix du Parti socialiste). Ce sont 33 milliards d’économies, avec une augmentation des dépenses militaires qui sont programmées. La facture sera lourde pour les salariés et la population.
Mandat piétiné
Comment ne pas être révulsé par les applaudissements des rangs socialistes de l’Assemblée nationale ?
Ces députés, élus sur un mandat de rupture qu’ils piétinent, osent applaudir à la survie de Macron, de sa politique de guerre et de guerre sociale contre les droits de la population, des malades, des retraités, des fonctionnaires, des chômeurs, des aidants, des jeunes parents au profit des grands patrons qui se gavent de l’argent public pour accroître leurs dividendes, honte à eux !
À contrario de ces renoncements, les députés de la France insoumise qui censurent dès maintenant le gouvernement et portent la destitution du président de la République donnent un point d’appui indispensable à la majorité qui continue à exiger l’abrogation de la réforme des retraites, la fin des budgets d’austérité et le départ de Macron.
Réactions syndicales après le discours de Sébastien Lecornu
« POUR FO PAS DE SUSPENSION DES REVENDICATIONS ! » Communiqué du secrétaire général de la confédération FO, Frédéric Souillot (14 octobre) « Le Premier ministre a présenté dans le cadre de sa déclaration de politique générale, les grandes lignes du budget pour 2026. Rien de très nouveau, les principales mesures annoncées reprennent largement celles que l’ex-Premier ministre François Bayrou avait présentées le 15 juillet dernier. La facture présentée aux travailleurs actifs ou retraités est toujours aussi lourde. Les conséquences de ce nouveau plan d’austérité sont toujours aussi désastreuses pour les travailleurs comme pour l’économie française sans aucune recette supplémentaire, notamment par la fin des exonérations de cotisations et par la conditionnalité des aides publiques versées aux entreprises…Pour le gouvernement réduire le pseudo-déficit budgétaire nécessiterait le gel du barème de l’impôt sur le revenu, une année blanche pour les prestations sociales et du point d’indice dans la fonction publique, le gel des pensions pour 2026 et la sous indexation les années suivantes, la fin de l’abattement de 10 % sur les retraites, la hausse des franchises médicales, la suppression de plus de 3 000 postes dans la fonction publique… C’est inacceptable pour FO. Sur la réforme des retraites, le Premier ministre a annoncé une suspension jusqu’en 2027, suspension du report de l’âge de départ et de l’allongement de la durée de cotisation. C’est un premier pas, mais la suspension n’est pas l’abrogation ! Cette réforme, imposée par 49.3 et rejetée par l’immense majorité des salariés, reste injuste, brutale et injustifiée. Les revendications de FO, elles, ne sont pas suspendues. Pour FO, c’est toujours l’abrogation ! » |

« BUDGET : ENCORE UNE FOIS C’EST LE MONDE DU TRAVAIL QUI PASSE A LA CAISSE ! » Communiqué de la confédération CGT (14 octobre) « Depuis plusieurs semaines, le gouvernement est confronté à une contestation sociale d’ampleur. Dans les entreprises, les services publics, les lycées et les universités, les salarié.e.s, les jeunes et les retraité.e.s se sont massivement mobilisés contre la réforme des retraites et les politiques d’austérité qui frappent le monde du travail. C’est cette mobilisation, déterminée et majoritaire dans le pays, qui a contraint Emmanuel Macron et son gouvernement à annoncer une suspension de la réforme des retraites.Mais l’heure est à la clarté : la suspension annoncée est en réalité un décalage de son application de quelques mois seulement. Ce simple décalage reviendrait à confirmer les 64 ans au mépris de la mobilisation de millions de travailleurs et de travailleuses depuis 2 ans et demi. Pour la CGT, la seule suspension qui vaille est un blocage immédiat de l’application de la réforme des retraites à 62 ans, 9 mois et 170 trimestres.Décaler n’est pas bloquer, ni abroger. Les 64 ans et l’allongement de la durée de cotisation seraient toujours dans la loi mais leur application serait seulement décalée de quelques mois. Le monde du travail ne tombera pas dans le piège. En proposant la réouverture d’une conférence sur les retraites, en posant comme préalable des mesures d’économie, Sébastien Lecornu fait renaître de ses cendres le conclave de François Bayrou et redonne la main au patronat. Pour la CGT, l’heure n’est ni à la retraite à points ni à la capitalisation mais à l’abrogation de la réforme des retraites !Le reste du budget est une violente cure d’austérité qui reprend la copie de François Bayrou avec notamment :– le gel des prestations sociales (allocations familiales, allocations logement, AAH…) et des salaires des fonctionnaires ;– la désindexation des pensions en 2026, 2027 et probablement après ;– la suppression de plus de 3 000 postes dans la fonction publique ;– le doublement des franchises médicales et la baisse du budget de la santé, des hôpitaux et des Ehpad.Ces choix injustes et dangereux s’inscrivent toujours dans la même logique : faire payer la crise au monde du travail tout en protégeant les profits et les dividendes, sans remettre en cause les 211 milliards d’aides versées aux entreprises et en tendant une nouvelle fois la main au patronat.Avec l’abandon du 49.3, l’adoption de l’ensemble de ces mesures va reposer sur les parlementaires. La CGT les appelle d’ores et déjà à combattre toutes ces régressions. Pour la CGT le combat continue et la mobilisation s’impose ! » |
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