
Par Elias Peschier
Ils n’avaient pas crié aussi fort depuis longtemps. Depuis que l’économiste Gabriel Zucman a remis au centre du débat l’idée d’une taxe mondiale sur les milliardaires, les grands patrons et leurs relais politiques rivalisent d’expressions catastrophistes. Bernard Arnault dénonce une « volonté de mettre à terre l’économie française », le patron de Bpifrance parle d’une « mesure absurde » relevant d’une « haine du riche », et le gouvernement, par la voix de Sébastien Lecornu, a déjà enterré l’idée. En somme : quand on parle de taxer les superprofits ou les fortunes colossales, c’est l’apocalypse annoncée.
Pourtant, la réalité est simple : jamais les inégalités n’ont été aussi fortes, jamais les grandes fortunes n’ont autant explosé. Et demander 2 % par an à une poignée de milliardaires, c’est rendre justice fiscale et financer les biens communs. Notre article.
Une taxe née d’un scandale fiscal français
« La France est un paradis fiscal pour les milliardaires », rappelle Gabriel Zucman. Car contrairement aux idées reçues, les ultra-riches ne sont pas les plus taxés, loin de là.
Le secret ? Les holdings familiales. Ces sociétés-écrans encaissent dividendes et plus-values, sans que rien ne soit déclaré comme revenu personnel. Résultat : pas d’impôt sur le revenu.
Pourtant, ces fonds financent yachts, villas, médias ou campagnes d’influence. Comme le résume Zucman, les holdings « font écran » : l’argent existe, mais il est masqué par une structure juridique, et tout cela est parfaitement légal en France.
Cette injustice est documentée par l’Institut des politiques publiques : le taux de prélèvement global atteint 52 % pour la majorité des Français, mais tombe à 25 % pour les plus fortunés, à savoir les 0,0002 % les plus riches ; chiffre gonflé, puisqu’il inclut l’impôt sur les sociétés payé par leurs entreprises. Ajoutez à cela des jets privés déclarés comme « biens professionnels », exonérés d’impôt sur la fortune, et vous obtenez un système où les plus riches ne paient presque rien.
Pour aller plus loin : Désintox – L’exil fiscal dû à une hausse de la fiscalité ? Un mythe qui sert les plus riches
En quoi consiste la taxe Zucman ?
Face à ces brèches, Zucman propose un impôt plancher : les milliardaires doivent payer au moins 2 % de leur patrimoine net en impôts. Si leurs contributions actuelles (IR, IFI, CSG, etc.) atteignent ce seuil, rien de plus n’est dû. Sinon, ils versent la différence.
La mesure viserait 1 800 foyers fiscaux et rapporterait 15 à 25 milliards d’euros par an : de quoi financer hôpitaux, écoles et transition écologique, au moment où le plan Bayrou, prévoyant 44 milliards d’économies, n’a pas été renié par Sébastien Lecornu.
Innovation majeure : l’assiette inclut aussi les biens professionnels (actions, parts sociales, titres de holdings) qui représentent plus de 60 % de la richesse des grandes fortunes. C’est ce qui empêche aujourd’hui de taxer sérieusement les ultra-riches.
En somme, la taxe Zucman ne frapperait pas large, mais frapperait juste : corriger une injustice flagrante, fermer les paradis fiscaux à domicile et rétablir un minimum d’équité.
La panique des patrons et des néolibéraux
À peine évoquée, la taxe Zucman a déclenché une tempête de cris d’orfraie. Bernard Arnault dénonce une « volonté de mettre à terre l’économie française ». Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, y voit une idée « absurde » relevant d’une « haine du riche ». Quant au gouvernement, Sébastien Lecornu a déjà enterré l’idée : pas question d’ISF ni de taxe Zucman, car il faudrait préserver le « patrimoine professionnel ». Le MEDEF ira même jusqu’à organiser un meeting le 13 octobre pour mobiliser contre ce qu’il considère comme une menace existentielle.
Les faits sont clairs : l’exil fiscal est un mythe. Selon le Conseil d’analyse économique, seuls 0,2 % du top 1 % s’expatrient chaque année, soit deux fois moins que la population française dans son ensemble. Même lors du durcissement fiscal de 2013, l’augmentation des départs n’a pas dépassé 0,09 point. Et la suppression de l’ISF en 2017 n’a fait revenir personne. L’impact macroéconomique est dérisoire : au pire, -0,05 % de valeur ajoutée et -0,04 % d’emplois. Autant dire rien comparé aux milliards de recettes fiscales.
Autre argument : les biens professionnels. C’est justement la principale brèche d’optimisation utilisée par les ultra-riches : loger actions et dividendes dans des holdings pour disparaître du radar fiscal. Retirer ces actifs de la taxe Zucman reviendrait à la vider de sa substance.
On cite souvent Doctolib ou Mistral AI pour faire peur : des entreprises à forte valorisation, mais encore peu bénéficiaires, qui seraient « forcées de vendre leurs parts à l’étranger ». C’est un faux procès. D’abord, le seuil de 100 M€ exclut totalement les PME et l’« outil de travail » des petits entrepreneurs. Ensuite, la taxe peut être payée en actions. Prenons Mistral AI : valorisée 13 milliards, ses trois fondateurs détiennent chacun 10 % du capital. Avec la taxe Zucman, ils devraient s’acquitter d’environ 26 millions chacun.
En payant en titres, au bout de dix ans sans bénéfices, la part de l’État passerait de 0 à 6 %, et celle des fondateurs de 30 % à 24 %. Rien d’insurmontable : les entrepreneurs conservent le contrôle, et l’État peut ensuite revendre ses parts aux salariés ou les placer dans un fonds souverain.
Autre inquiétude agitée : la « confiscation ». Or, le Conseil constitutionnel a déjà validé un impôt sur la fortune jusqu’à 1,8 % en 2011.
Par ailleurs, on entend aussi que « la taxe ne rapporterait que 5 milliards », car les riches trouveraient toujours un moyen de l’éviter. Cet argument découle d’une mauvaise lecture d’une note du CAE sur l’ISF danois des années 1990. Gabriel Zucman, l’un des auteurs, l’a rappelé : cette comparaison ne tient pas. L’ISF danois n’a rien à voir avec une taxe plancher sur le patrimoine mondial, conçue justement pour limiter l’optimisation. Les estimations sérieuses convergent vers 15 à 25 milliards de recettes annuelles.
Enfin, la concentration de richesses atteint des niveaux extrêmes : les 500 premières fortunes françaises possèdent 1 228 milliards d’euros, contre 124 milliards en 2003, soit +890 % en vingt ans. Comme le souligne Thomas Piketty, avec un impôt de 2 %, il faudrait un siècle pour revenir au niveau de 2010. Est-ce vraiment cela « mettre la France à terre » ?
La taxe Zucman n’est ni une révolution soviétique ni une menace pour l’économie française : c’est une mesure de bon sens
La vérité est simple : la taxe Zucman n’est ni une révolution soviétique ni une menace pour l’économie française. C’est une mesure de bon sens. Quand les 500 plus grandes fortunes ont bondi de 500 % entre 2010 et 2025, comme le rappelle Thomas Piketty, réclamer 2 % par an n’a rien de confiscatoire : c’est à peine une correction d’injustice. Pourtant, à écouter Bernard Arnault ou le MEDEF, c’est la fin du monde annoncée.
Cette panique en dit long : pour la première fois, le privilège d’une caste fiscale qui échappe à tout est véritablement menacé. Pendant qu’il est question de faire 40 milliards d’euros d’économies du côté des macronistes, les yachts et les jets privés continuent d’être jalousement protégés.
Le 13 octobre, le MEDEF tiendra meeting pour défendre « l’économie française »… Autrement dit les intérêts d’une poignée de milliardaires. La taxe Zucman n’est pas seulement possible : elle est nécessaire. Parce que l’impôt doit redevenir ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : l’outil de la justice et de l’intérêt général.
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Source: https://linsoumission.fr/2025/09/29/taxe-zucman-panique-ultra-riches/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/taxe-zucman-retour-sur-la-panique-des-ultra-riches-et-la-levee-de-boucliers-de-leurs-affides-li-fr-26-09-25/
















Il manque la période chrétienne depuis au moins 1840
Petit coup de patte à la Russie, a-t-il enquêté pour savoir si cela pouvait être vrai? Pas de rappel de…
Bon , ce n'st pas lui qui va nous expliquer comment décroitre!
il n'a pas lu le livre de Zucman!!
Très intéressant !