Un avion soupçonné de transporter des composants pour l’armement israélien a décollé depuis Paris Charles-de-Gaulle (H.fr-3/10/25)

Selon les informations de l’organisation Palestinian Youth Movement, le vol LY220 devait embarquer des composants électroniques produits par l’entreprise Vishay MCB Industrie, basée à Château-Gontier-sur-Mayenne (Mayenne), filiale du groupe américain Vishay depuis 2013.© Laurent GRANDGUILLOT/REA

Syndicats et organisations pro-palestiniennes suspectent qu’un avion aurait décollé en catimini dans la nuit de jeudi à vendredi pour acheminer des composants électroniques français vers Tel-Aviv, à destination de l’armement israélien. Les organisations ont appelé au rassemblement à l’aéroport pour exiger l’arrêt des livraisons de matériel militaire vers Israël.

Par Léa DARNAY

Des livraisons de matériel militaires à Israël sont-elles effectuées en catimini ? Sous la pression d’un rassemblement annoncé par la CGT 93, Solidaires et des associations pro-palestiniennes « contre les livraisons de matériels militaires à Israël », un vol cargo d’El Al initialement prévu ce vendredi 3 octobre à midi aurait finalement décollé dans la nuit de jeudi à vendredi, à 00 h 45, depuis Paris Charles-de-Gaulle. « La pression a fait bouger leur agenda », constate Kamel Brahmi, secrétaire départemental de la CGT 93.

Selon les informations de l’organisation Palestinian Youth Movement, le vol LY220 devait embarquer des composants électroniques produits par l’entreprise Vishay MCB Industrie, basée à Château-Gontier-sur-Mayenne (Mayenne), filiale du groupe américain Vishay depuis 2013.

Ces composants, capteurs de précision et résistances, auraient été destinés à Elbit Systems, un fabricant israélien d’armes, principal fournisseur de l’armée israélienne. L’entreprise conçoit notamment le drone Hermes 450, impliqué dans la frappe qui a coûté la vie à sept humanitaires de l’ONG World Central Kitchen à Gaza le 1er avril 2024. La société produit également les bombes MPR 500, accusées d’avoir tué sept secouristes au Liban en mars de la même année, selon Human Rights Watch.

Les syndicats et associations affirment toutefois n’avoir trouvé aucune trace de ce matériel dans le plan de chargement officiel. « Nous n’avons pas retrouvé trace des deux kilos de diodes ou composants électroniques dans les matières dangereuses listées », indique Tayeb Khouira, de Sud Aérien. Le collectif soupçonne ainsi un transfert sur un autre vol ou un chargement discret par valise diplomatique, auquel cas seule l’autorisation du pilote est nécessaire.

L’État français mis en demeure

Ce discret chargement semblerait ne pas être le premier à atteindre le sol israélien. Les associations Union juive française pour la paix, Stop Arming Israel et Avocats pour la justice au Proche-Orient rappellent en effet que « des composants similaires fabriqués en Mayenne avaient déjà été retrouvés dans des débris de missiles israéliens lors d’attaques sur Gaza en 2009 ». Redoutant une contribution directe aux opérations militaires en cours à Gaza, en Cisjordanie ou au Liban, elles ont adressé des mises en demeure ce jeudi 2 octobre à l’État français, exigeant le respect du droit international et du code pénal français en matière de complicité de crimes de guerre.

Dans un communiqué, elles soulignent qu’« à défaut d’avoir la certitude que ces composants ne seront pas utilisés dans le génocide en cours ou dans tout crime de guerre, il incombe à l’exécutif français de respecter et de faire respecter ce droit international et le droit interne, en particulier les dispositions du code pénal français sur la complicité et le recel de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide qui retranscrivent en droit interne le Statut de la Cour Internationale ».

Le gouvernement maintient pour sa part qu’aucune arme ni composant offensif n’a été livrée à Israël. En juin dernier, Sébastien Lecornu, alors ministre des Armées, affirmait devant le Sénat que seules des pièces « défensives » ou destinées à la réexportation étaient autorisées. Pourtant, en 2024, les exportations françaises vers Israël ont atteint 16,1 millions d’euros, sans que Paris n’accepte d’en détailler la nature. Le gouvernement refuse l’instauration d’un embargo total, malgré les mises en garde du Comité des droits de l’homme de l’ONU et de la Cour internationale de justice (CIJ).

Un « double discours » des autorités françaises

Dans un communiqué commun, syndicats et associations dénoncent le « double discours » des autorités françaises « qui ne cessent de clamer qu’il n’y a pas de livraisons de matériels militaires à l’armée génocidaire israélienne alors que les faits démontrent le contraire », tandis que les témoignages de solidarité avec le peuple palestinien sont lourdement réprimés.

Ils accusent également l’exécutif de fermer les yeux lorsque « des humanitaires français sont arrêtés illégalement dans les eaux internationales », ou quand le chef d’État israélien Benjamin Netanyahu, visé par un mandat d’arrêt de la cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, « survole sans entrave l’espace aérien français ».

La CIJ a par ailleurs indiqué que les États tiers ont l’obligation de ne pas fournir « aide ou assistance » au maintien de l’occupation israélienne dans les territoires palestiniens, et de prendre des mesures pour éviter toute relation économique qui y contribue. Malgré ces obligations, la France poursuit ses activités commerciales avec Israël, alimentant le système de colonisation et d’occupation.

Un nouveau rassemblement était prévu ce vendredi 3 octobre, de 12 heures à 14 heures, devant la Bourse du travail de Roissy. « Nous continuerons à dire les vérités qui dérangent et à agir pour mettre fin à ce double discours. La France doit cesser de se rendre complice d’un génocide et respecter ses engagements internationaux », déclarent les syndicats et associations, qui envisagent désormais « tous les recours et actions possibles » pour défendre « la justice et la paix ».

Sophie Binet interpelle le Premier Ministre

Par ailleurs, la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a directement interpellé ce vendredi 3 octobre le Premier ministre Sébastien Lecornu pour réclamer « l’arrêt immédiat de toute exportation de matériel militaire français vers Israël ». Elle dénonce « des livraisons effectuées dans la discrétion et une opacité totale » et sans contrôle douanier effectif.

Rappelant que la France est signataire des Conventions de Genève et du Traité sur le commerce des armes, la secrétaire générale de la CGT souligne qu’elle ne peut livrer d’armements à un pays « accusé de crimes de guerre ou de génocide ». Elle demande un embargo immédiat et une interdiction de charger du fret en l’absence de contrôles indépendants, afin de garantir l’arrêt immédiat de toute exportation de matériel militaire ou de biens à double usage, à destination d’Israël ».

« Les travailleuses et travailleurs refusent d’être complices du génocide en cours dans la bande de Gaza », écrit Sophie Binet, saluant ceux qui recourent à leur clause de conscience ou à la grève, comme les dockers et portuaires, qu’elle cite comme l’« honneur de notre pays ».

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/aeroports-de-paris/un-avion-soupconne-de-transporter-des-composants-pour-larmement-israelien-a-decolle-depuis-paris-charles-de-gaulle

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