Plastique : l’heure de vérité pour un traité mondial ambitieux (reporterre-4/08/25)

Un filet à déchets sur la rivière Las Vacas, au Guatemala. De nombreuses bouteilles plastiques, contre lesquelles le brouillon de traité ne lutte pas spécifiquement, sont ainsi retenues. – © Johan Ordonez / AFP

Les Nations unies se réunissent jusqu’au 14 août à Genève pour trouver un accord de lutte contre la pollution plastique. Après l’échec des précédentes négociations, les ONG écologistes espèrent un traité qui regagne en ambition.

Par Louise Mohammedi

L’ultime round des négociations est lancé. Les Nations unies se réunissent jusqu’au 14 août à Genève pour cette dernière session de négociation du traité international sur la pollution plastique (INC-5.2). Après l’échec de la cinquième session (INC-5) qui s’est déroulée à Busan, en Corée du Sud, en décembre 2024, tout repose en théorie sur ces derniers échanges pour trouver un accord et établir un texte final.

Mais quitter Genève avec un accord n’est pas garanti. Après dix jours de discussions, quatre scénarios sont possibles : un consensus, un traité acté par vote, l’organisation d’un comité intergouvernemental de négociation 5.3, ou le retour à l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement.

Plus de plastique que de poissons dans l’océan ?

En discussion depuis 2022, l’objectif du traité international sur la pollution plastique enchaîne les pourparlers pour mettre fin à la pollution plastique au niveau mondial d’ici 2040. Sinon, le poids du plastique dépassera celui des poissons dans l’océan d’ici 2050, selon un rapport du Forum économique mondial et de la fondation Ellen MacArthur.

Pourtant, la version du texte est devenue moins ambitieuse au fil des cinq derniers cycles de négociations. Face à la première ébauche du traité de 2023 qui prévoyait des mesures sur l’ensemble du cycle de vie du plastique, « la version actuelle sauve les meubles, mais on a régressé depuis 2023 », dit Muriel Papin, déléguée générale de l’association No plastic In my Sea.

Réduire la production

Pour l’heure le traité rassemble beaucoup d’options contradictoires sur lesquelles il va falloir trancher à Genève. Depuis Busan, 95 pays dont la France font partie de la coalition de Haute ambition qui plaide pour mettre fin à la pollution plastique à sa source. Au total, 130 pays se sont déclarés favorables à la réduction de la production de plastique.

La coalition de Haute ambition souhaite que tous les États adoptent un texte contraignant, reposant sur les principes de précaution, de pollueur-payeur et de hiérarchie des déchets, mettant en avant la prévention, le réemploi et le recyclage. Elle réclame aussi la mise en place obligatoire de mesures et de contrôles sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques, pour limiter leur consommation, et favoriser leur recyclage, ainsi que l’élaboration d’une réglementation pour améliorer la durabilité des plastiques.

En face, les « like-minded » (« qui partagent un même point de vue »), un bloc d’une quinzaine de pays dont la Russie, l’Inde, l’Iran, et des États pétroliers, ne veulent pas de limitation internationale de la production plastique, ni de nouvelles réglementations sur l’usage de produits chimiques. Eux demandent que chaque État puisse fixer des critères contraignants, et uniquement sur son propre territoire. Un message soutenu par les lobbies pétroliers, présents lors des discussions.

« Rehausser l’ambition du texte »

Les associations et réseaux d’associations Coalition Eau, No Plastic In My Sea, Surfrider Foundation Europe et Zero Waste France appellent les pays à ne pas céder face aux « like-minded ». « Les enjeux sont à la fois de rehausser l’ambition du texte, de mettre en place des mécanismes pour éviter les conflits d’intérêt, de faire pression pour recourir au vote et de garantir des mécanismes d’optimisation du traité dans le temps », expliquent-elles dans un communiqué.

Selon elles, il est essentiel que les négociations permettent de finaliser un texte contraignant et exhaustif qui inclut à la fois des interdictions et des objectifs de réduction sur les produits qui contribuent de manière importante à la pollution plastique. Mais face aux pays récalcitrants, un vote sera peut-être indispensable pour aboutir à un texte.

Un traité encore imprécis

À l’heure actuelle, le texte est rempli de crochets, et plusieurs mots doivent encore être définis par les États présents à Genève. Pour les associations écologistes, le côté contraignant du texte sur la production présenté dans l’article 6 doit impérativement être maintenu, mais aussi être chiffré et quantifié d’ici la prochaine COP, et évoluer en fonction des données scientifiques. Pour l’instant, aucun chiffre n’est présent dans le brouillon du texte.

L’article 3, qui a pour objectif de restreindre des plastiques problématiques, est lui aussi estimé indispensable. Pour les associations, les négociations doivent aboutir à des interdictions claires, et afficher des objectifs de réduction sur les produits qui contribuent à la pollution plastique. Pourtant, avant Genève, le texte demeure « très confus suite aux nombreux débats sur les mots », s’inquiète Lisa Pastor, chargée de plaidoyer de l’ONG Surfrider Foundation Europe.

Les annexes de cet article 3, par exemple, doivent ainsi être réexaminées et plus précises. Si les filtres de cigarettes — premier déchet retrouvé lors des collectes — y sont intégrés, la bouteille en plastique, l’un des déchets plastiques les plus polluants, est l’une des grandes absentes de celles-ci. « Les restrictions telles que prévues ne permettent qu’une réduction de 17 % de la pollution plastique », alerte Lisa Pastor. Les associations demandent que ces produits d’emballage, qui représentent 40 % de la production plastique, soient impérativement intégrés aux restrictions de l’article 3.

« Le texte ne va pas au bout des choses »

Marine Bonavita, chargée de plaidoyer pour l’association Zero Waste France, insiste également sur la nécessité de renforcer l’article 5 du traité et de sortir du modèle du tout jetable. « Le texte ne va pas au bout des choses, et encore moins vers la généralisation du réemploi, dit-elle. Nous voulons la mention du système de réemploi, et que s’il y a des plastiques qui restent, les substances chimiques dangereuses doivent être supprimées. »

L’article 8 est aussi insuffisant selon elle, qui l’estime laxiste sur des pratiques à fortes conséquences environnementales, comme que l’incinération des déchets plastiques, et leur recyclage chimique. « Il faut une exclusion explicite des traitements polluants, une priorité à la prévention, une réduction des déchets, et des normes strictes », explique-t-elle.

Pour espérer la réussite de ce traité, les États doivent développer des financements orientés vers la réduction plastique, défendent également les associations. L’idée portée par la France est le modèle de Responsabilité élargie du producteur (REP) avec le principe de pollueur-payeur. Les ONG, qui demandent pour cette REP une gouvernance qui puisse écarter les conflits d’intérêt, proposent aussi une taxe mondiale sur les polymères plastiques vierges, pour plus impliquer le secteur privé. Elles exigent cependant que ces financements publics et privés ne soutiennent en aucun cas des technologies délétères pour le climat ou toxiques, ni des dispositifs jugés peu fiables comme les crédits plastiques.

Ministres et lobbies

À la différence de la cinquième session de négociations à Busan, celle de Genève devrait compter près de 70 ministres, dont Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique. La France veut arriver à un traité et demande la signature d’un texte ambitieux. Une présence politique qui pourrait avoir un effet positif selon les associations écologistes.

Muriel Papin appelle à ne pas faire de compromis face aux tentatives d’influence des lobbies pétroliers et de l’industrie de l’eau durant ces dix prochains jours de pourparlers : « Les pays européens doivent rester fermes », dit-elle. Mais selon elle, la manière dont sont construites les négociations cette année, avec moins de séances plénières et plus de groupes de travail donne des raisons d’être plus optimiste : « Avec cette configuration, et dix jours de discussions, les négociations qui ont lieu à Genève pourraient enfin aboutir à un accord ! »

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Source:https://reporterre.net/Plastique-l-heure-de-verite-pour-un-traite-mondial-ambitieux

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